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Deux siècles d’industrialisation ont laissé des traces dans le sol … combien d’hectares à revaloriser ???

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Deux siècles d’industrialisation ont laissé des traces dans le sol … combien d’hectares à revaloriser ???

Deux siècles d’industrialisation ont laissé des traces dans le sol … combien d’hectares à revaloriser ???

La grande histoire de la révolution industrielle aura laissé une trace autant dans l’histoire de l’humanité que dans les profondeurs géologiques de la planète. Et dans cette grande révolution, si « (...) l'histoire se fait de telle façon que le résultat final se dégage toujours des conflits d'un grand nombre de volontés individuelles, dont chacune à son tour est faite telle qu'elle est par une foule de conditions particulières d'existence ; il y a donc là d'innombrables forces qui se contrecarrent mutuellement, un groupe infini de parallélogrammes de forces, d'où ressort une résultante – l'événement historique – qui peut être regardée elle-même, à son tour, comme le produit d'une force agissant comme un tout, de façon inconsciente et aveugle. Car, ce que veut chaque individu est empêché par chaque autre et ce qui s'en dégage est quelque chose que personne n'a voulu. » précise Friedrich Engels. Et donc personne n’aura probablement pas voulu laissé aux générations suivantes de nettoyer les innombrables souillures, une impressionnante liste de polluants de toutes sortes – solvants, métaux et métalloïdes, huiles minérales, composés organiques, pesticides, produits pharmaceutiques et leurs métabolites... Ces polluants sont diffusés dans l’air, dans les eaux souterraines, sont absorbés par les plantes, les animaux et par l’homme, mettant en jeu sa santé. L'une des questions principales de droit commun est qui doit payer cette décontamination ???...

Mais avant de savoir à qui adresser la facture, seule, cette situation dantesque mérite que l'on milite pour une décontamination des sites. Mais surtout, à cause du danger qu’ils présentent, tous ces sites pollués – quelque 3 millions en Europe – sont inutilisables tels quels. Autant de surface perdue, à moins d’une réhabilitation ad hoc. L’enjeu est d’autant plus important que nombre de sites pollués se trouvent en zone urbaine où la pression foncière est extrêmement forte.

Bref, si la nécessité de « nettoyer » les sites pollués s’impose, l’opération est beaucoup plus délicate qu’il n’y paraît. Elle soulève de nombreux défis scientifiques. Avant de songer à décontaminer d’une façon économique, il est en effet primordial de mieux comprendre encore les phénomènes complexes mis en jeu. Il s’agit non seulement de mieux caractériser les polluants présents en un lieu, mais également de mieux connaître leur comportement, leur évolution, et de mieux évaluer leur impact réel sur la santé et l’environnement. Il est ensuite indispensable d’améliorer les techniques de dépollution et de gestion proprement dites, en faisant appel à une panoplie d’outils physiques, chimiques aussi bien que biologiques. Tous ces défis mobilisent les chercheurs de différentes disciplines au sein d’une multitude de programmes de recherche.

Ainsi dans une revue de l’ADEME ‘’Recherche’’, la santé des populations, liée à la volonté de réutiliser les sites pollués à des fins foncières, justifie la volonté de remédiation des sites et des sols contaminés par l’activité anthropique.

Quels que soient les progrès de la réglementation en matière de rejets industriels, ils ne peuvent effacer la contamination des sols par des polluants résultant de plus de deux siècles d’industrialisation intensive et, longtemps, fort peu précautionneuse. On estime ainsi qu’en Europe, quelque 3 millions de sites sont potentiellement concernés, dont approximativement 250 000 nécessitent une remédiation urgente. En France, selon les bases de données du BrGM (Bureau de recherche géologiques et minières), 300 000 à 400 000 sites, pour une superficie d’environ 100 000 hectares, sont sujets à caution alors qu’un peu plus de 4 000 d’entre eux ont été identifiés comme justifiant une intervention rapide.

Quels contaminants sont présents dans les sols et dans le sous-sol et les aquifères (on parle alors de « site » pollué) ? Une impressionnante variété, aussi diverse que les activités humaines et les produits qu’elles utilisent (ou utilisaient) : métaux et métalloïdes, huiles minérales, composés organiques et leurs métabolites tels que les solvants, les pesticides et les produits pharmaceutiques... La liste est interminable. Toutefois, les plus fréquemment rencontrés sont les hydrocarbures qui représentent à eux seuls 33 % des polluants présents dans le sol et dans l’eau. Suivent de près les métaux et métalloïdes avec respectivement 25 % et 22 %.

Deux siècles d’industrialisation ont laissé des traces dans le sol … combien d’hectares à revaloriser ???

OpératIon nettoyage :

La volonté de « nettoyer » les sols pollués a deux motivations principales. La première est la santé des populations. Même si les recherches sur les effets sur la santé d’une exposition chronique à un sol pollué sont relativement récentes et nécessitent encore de nombreux travaux, un lien a été établi entre la pollution des sols et la santé. Ainsi, l’exposition à l’arsenic ou à l’amiante peut être cause de cancers, celle au plomb, mercure ou cadmium peut provoquer des maladies rénales ou, encore, des troubles du système nerveux pourraient résulter de l’exposition au plomb, par exemple. À noter que cet élément est également responsable du saturnisme. Cela dit, le problème est complexe, d’autant que les voies de passage dans l’organisme sont multiples : ingestion de terre (fréquente chez des enfants de moins de 3 ans), inhalation de l’air ou de poussières, passage transcutané et absorption indirecte via l’ingestion de plantes, de viande ou d’eau contaminées. Ce sont en tout cas autant de raisons de prévenir et limiter la dissémination des substances toxiques via ces différents vecteurs.

Parallèlement aux enjeux de santé liés à l’amélioration de la qualité des sols (et des eaux), un autre enjeu majeur explique la volonté de remédiation des sols pollués : la réutilisation foncière des friches polluées, inutilisables en l’état. C’est une ressource considérable dont il est impératif de profiter, d’autant que de très nombreux sites se trouvent en zone urbaine. Cette valorisation vise à la fois à lutter contre l’étalement urbain et à réduire la surconsommation d’espace (nouveaux aménagements et infrastructures de transports associées) et d’énergie (notamment liée aux transports des biens et des personnes sur de plus grandes distances). Elle permet en outre de préserver les autres ressources foncières (zones agricoles, forestières et naturelles). La réaffectation des sols autorise enfin la mise en place de nouvelles activités ou de nouveaux services (logements, commerces, espaces verts...) intégrés dans des projets d’urbanisme plus vertueux du point de vue de l’environnement (éco-quartiers) Enfin, les friches industrielles peuvent être à l’origine de nombreux services comme, par exemple, la production de biomasse à usage industriel.

Des traitements spécIfIques aux sites

Dans ces conditions, la remédiation des sols pollués semble aller de soi. Il y a toutefois loin de la coupe aux lèvres. D’abord, parce que le problème est extrêmement complexe. Le nombre de polluants différents et l’impact variable de chacun selon la nature des sols, extrêmement variable elle aussi, fait que chaque site est quasi unique, demandant ainsi la mise en œuvre de toute une palette de solutions. Ensuite, les connaissances à mobiliser pour mieux comprendre les phénomènes en jeu et lever les verrous scientifiques, technologiques et réglementaires sont elles aussi très étendues. Depuis l’estimation de l’effet sur la santé, en passant par la compréhension de la mobilité des polluants et de leur transformation dans les sols jusqu’à la mise au point de techniques plus efficientes de diagnostic et de dépollution, la recherche ne manque pas de défis à relever.

Il y a un autre défi, économique celui-là. Dépolluer coûte cher. L’Agence européenne pour l’environnement estime son coût annuel à 6,5 milliards d’euros en Europe. pour cette raison, différents scénarios sont envisagés par l’ADEME dans sa feuille de route sur « La gestion intégrée des sols, des eaux souterraines et des sédiments pollués », à l’horizon 2050. Point commun à toutes les approches, cependant, un très grand pragmatisme. Pas question de dépolluer totalement tous les sites, car infaisable tant au niveau économique que technique. La priorité est toujours d’éradiquer la source de pollution, sinon de couper les éventuelles voies de transfert dans les milieux et de traiter la pollution diffusée. Le niveau de dépollution à atteindre est, quant à lui, défini en évaluant les impacts sur la santé humaine et l’environnement par rapport à l’usage prévu pour le site en question (ou, inversement, le niveau de dépollution atteignable économiquement détermine d’éventuelles restrictions d’usage). En clair, aux deux extrêmes, la construction d’un parking n’exigera pas les mêmes efforts en termes de dépollution que celle d’une crèche. Dans le premier cas, la couverture de la zone (inertage) permet de limiter les efforts de dépollution dans le cas où la contamination n’atteint pas la nappe phréatique. Dans le second, aucun compromis n’est envisageable... Cette approche est celle élaborée par le ministère en charge de l’Environnement, en France, qui met en place les différents outils nécessaires à son application (guides méthodologiques, organisation de journées techniques, procédures de certification des entreprises de dépollution...).

À moyen et long terme, les scénarios envisagés par la feuille de route de l’ADEME donnent en tout cas une bonne vision de la façon dont se pose la problématique de la dépollution des sites. veut-on « dépolluer pour renouveler » (scénario 1), autrement dit obtenir un état des sols adapté à un usage futur défini et financé par les acteurs impliqués à la gestion du site ? Est-il préférable de « maîtriser les impacts sans dépolluer » (scénario 2) ? Il n’y a pas dans ce cas de pression foncière et donc d’usage défini au préalable pour les sols, et les coûts seraient supportés par la société. Troisième scénario possible : « dépolluer pour contribuer à la ville durable ». Ce cas correspond à la volonté de maintenir un plus grand choix d’usages des sols avec un financement assumé par le seul usage du site. Dernière possibilité, celle de la « réhabilitation multifonctionnelle » correspondant à un usage plurifonctionnel des sols avec des coûts supportés par la société. L’ADEME reconnaît que définir ainsi le champ des possibles est « parfois caricatural et que la réalité, en 2050, sera très probablement une combinaison de ces scénarios ».

Reste que cet exercice a le mérite de mettre en évidence les leviers – financiers, réglementaires, technologiques... – à activer pour parvenir au résultat voulu, sachant que, selon les cas, le type de zones à dépolluer (rurales, urbaines...), les acteurs impliqués, le mode de financement et même les technologies mises en œuvre peuvent différer significativement. La loi ALur devrait ainsi permettre à des acteurs de l’aménagement et de la construction d’assurer une gestion intégrée des projets, de l’achat du terrain à sa dépollution jusqu’au projet immobilier.

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Le marché de la dépollution :

L’autre versant économique de l’affaire est le marché que représente la dépollution des sites pour les entreprises françaises, aussi bien sur le territoire national qu’à l’exportation. Il est en forte croissance depuis 2000. En France, selon le service de l’observation et des statistiques du ministère de l’Environnement, la réhabilitation des sites et sols pollués pesait moins de 200 millions d’euros en 2000. Elle approchait les 500 millions d’euros en 2010 et a, depuis, largement dépassé ce chiffre.

Le marché des prestataires de dépollution est dominé par un noyau d’entreprises spécialisées, regroupées notamment au sein de l’upDs (union des professionnels de la dépollution des sites). Cette dernière compte 42 membres, parmi lesquels des filiales de grands groupes du secteur de l’environnement et de la gestion des déchets, tels que séché Environnement, suez Environnement et Veolia, ou du secteur de l’aménagement urbain, tels que Bouygues Bâtiment, Vinci et Colas. Le chiffre d’affaires des adhérents de l’upDs s’élevait à 410 millions d’euros en 2013.

En 2003, pour faire entendre la voix des petites entreprises et des petits bureaux d’études de l’environnement, s’est créée l’uCIE (union des consultants et ingénieurs en environnement) qui compte, elle, une cinquantaine de membres, dont la majeure partie travaille sur la problématique de la pollution des sites et des sols. À elles deux, ces entités réunissent plus des deux tiers des entreprises actives en France sur ce thème.

Ces entreprises sont actuellement fortement concurrencées sur le marché national par des entreprises étrangères. C’est notamment pour tout cela que l’ADEME souligne la nécessité d’accompagner des actions pour mieux caractériser les pollutions, leurs transferts et leurs risques, via l’appel à projets de recherche GEsIpoL, le développement technologique de solutions de traitement jusqu’à leur démonstration sur site, via les Investissements d’avenir, et la réalisation d’opérations exemplaires dans le cadre de soutien à la reconversion des friches urbaines, par exemple.

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