Mixité sociale : les emplois ‘’cadres’’ concentrés dans les très grandes aires urbaines, les ouvriers surreprésentés dans les petites aires urbaines ou les communes isolées ?
A travers une étude menée par l’INSEE, Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques, sur ‘’Les métiers et leurs territoires’’, les emplois de cadres sont concentrés dans les très grandes aires urbaines, tandis que les ouvriers sont surreprésentés dans les petites aires urbaines ou les communes isolées.
L’étude fait paraître que l’histoire industrielle, le développement des villes et les migrations ont façonné la géographie des métiers. Les ouvriers industriels sont ainsi surreprésentés dans les parties nord et ouest de la France, à l’exception de l’Île-de-France. Dans les régions méditerranéennes, la gamme des métiers reflète le poids de l’économie résidentielle, avec par exemple une proportion plus élevée d’ouvriers du bâtiment ou de certaines professions du commerce et de la santé. L’Île-de-France occupe une place singulière avec une forte présence de certains métiers de cadres.
A l’heure ou nos politiques parlent de mixité sociale, les composantes urbaines montrent que les cadres se situent dans les grandes agglomérations et les ouvriers hors de ces zones….
Les Cadres dans les grandes agglomérations :
En 2010, 61 % des emplois de cadres sont localisés dans les plus grandes aires urbaines, celles dépassant 500 000 habitants. Avec un emploi plus dynamique dans les grandes aires de province, cette concentration s’est renforcée depuis 1999. L’aire urbaine de Paris emploie à elle seule 35 % des cadres. Elle concentre en particulier 54 % des professionnels de l’information et de la communication ou des ingénieurs de l’informatique et des télécommunications, 46 % des cadres de la banque et des assurances ou encore des cadres administratifs. D’autres catégories de cadres sont davantage localisées dans les plus grandes aires urbaines de province. Il en est ainsi du personnel d’étude et de recherche ou des cadres commerciaux et technico-commerciaux.
En lien avec les spécificités locales de l’appareil productif, certains métiers de cadre sont également très concentrés dans des zones d’emploi particulières. C’est le cas notamment des ingénieurs de l’informatique et des télécommunications, particulièrement présents dans les zones de Lannion (télécommunications), Niort (sociétés d’assurance qui emploient de nombreux informaticiens), Grenoble ou encore Cannes-Antibes avec Sofia-Antipolis.
Les plus grandes aires urbaines, parisienne ou provinciales, emploient également plus fréquemment les professions intermédiaires administratives ou commerciales, les formateurs et les techniciens de l’informatique. D’autres professions intermédiaires sont plutôt surreprésentées dans les aires urbaines de province de plus de 100 000 habitants : c’est le cas des techniciens du BTP ou de l’électricité-électronique.
L’Île-de-France est la région où l’on rencontre le plus de cadres et de professions intermédiaires. Elle présente une structure de métiers atypique, comptant également une proportion non négligeable d’ouvriers et d’employés peu qualifiés, et un poids restreint des employés et ouvriers qualifiés.
Les métiers liés à l’économie résidentielle (répondant aux besoins de la population résidente ou liés au tourisme) sont davantage présents dans les régions du sud de la France (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Corse, Languedoc-Roussillon, Aquitaine) et dans les régions d’outre-mer. Il s’agit en particulier de certains métiers du commerce (caissiers et commerçants indépendants), des métiers de soins aux personnes, des patrons et cadres d’hôtels, cafés, restaurants, d’ouvriers du bâtiment et des employés administratifs de la fonction publique.
En lien avec une forte présence de personnes âgées, les aides à domicile et les aides-soignants sont également plus implantés en Limousin et en Auvergne et plus généralement dans des zones plus rurales. Quant aux assistantes maternelles, elles sont particulièrement nombreuses en couronne périurbaine (23 % de celles-ci y sont localisées contre 11 % pour l’ensemble des emplois), en lien avec la surreprésentation des ménages avec enfants en couronne.
D’autres métiers d’employés sont particulièrement localisés dans les plus grandes aires urbaines. Le cas le plus spectaculaire est celui des agents de gardiennage et de sécurité : 42 % d’entre eux sont dans l’aire urbaine de Paris. Les employés administratifs d’entreprises qui exercent des fonctions polyvalentes administratives sont surreprésentés dans les aires urbaines de plus de 500 000 habitants. Les employés de banque et des assurances, eux, le sont dans l’ensemble des aires urbaines de plus de 100 000 habitants.
À l’opposé, les emplois d’ouvriers sont davantage présents dans les petites aires et les communes isolées, ou bien dans les aires urbaines de moins de 100 000 habitants : 42 % des emplois d’ouvriers peu qualifiés et 37 % des emplois d’ouvriers qualifiés y sont localisés, contre un peu moins de 20 % pour les cadres. Excepté dans le sud de la France, les ouvriers industriels sont surreprésentés dans ces territoires. La tendance à la baisse des effectifs industriels a amoindri leur potentiel d’emploi. Néanmoins, certains métiers d’ouvriers industriels restent encore fortement localisés dans des aires urbaines de taille moyenne (ouvriers qualifiés de la mécanique ou de la maintenance).
Au sein des aires urbaines, les métiers d’ouvriers sont également plus souvent dans les espaces périphériques des couronnes périurbaines (autour de 15 % d’entre eux contre 8 % pour les cadres).
Les ouvriers industriels se concentrent particulièrement dans les parties nord et ouest de la France, hors Île-de-France. Les ouvriers qualifiés de la manutention (carte 3) sont de surcroit dans des lieux où la logistique occupe une place importante : Roissy et sud Picardie, zones d’emploi à l’est de Lyon, plateforme logistique de Vesoul...
Les ouvriers industriels sont également très présents en Rhône-Alpes et en Midi-Pyrénées. Ces deux régions combinent spécificités industrielles et tertiaires. Rhône-Alpes, en lien avec son tissu industriel dense, et ses pôles de recherche, compte une forte proportion d’ouvriers et de techniciens industriels, mais est également bien dotée en personnel de recherche et en ingénieurs de l’informatique. Ces deux métiers sont également bien représentés en Midi-Pyrénées, où l’on trouve du fait de la présence de l’aéronautique de nombreux ouvriers et techniciens de la mécanique et de l’électricité/électronique.
Par ailleurs, l’étude montre que sur la mobilité entre région que les emplois exercés dans les différents métiers sont en partie pourvus par des personnes habitant auparavant dans une autre région ou à l’étranger. La mobilité entre régions est nettement plus élevée pour les personnes exerçant des métiers de cadres et pour les fonctionnaires : armée, police, cadres de la fonction publique, personnels d’études et de recherche, ingénieurs de l’informatique. Plus de 15 % des personnes exerçant ces métiers étaient dans une autre région cinq ans auparavant, contre 9 % en moyenne. À un degré moindre, c’est aussi le cas pour les employés de l’hôtellerie-restauration, les infirmiers, les professions médicales et paramédicales, les professionnels de l’action culturelle et sportive et ceux de l’action sociale et de l’orientation. A contrario, les mobilités sont largement inférieures à la moyenne pour nombre de métiers d’ouvriers industriels, les métiers agricoles ainsi que pour certains métiers d’employés peu qualifiés (agents d’entretien, employés de maison, aides à domicile).
Enfin, l’étude montre des disparités géographiques plus ou moins fortes selon les métiers. Beaucoup de métiers sont répartis de façon relativement uniforme entre les régions. C’est le cas par exemple des professions intermédiaires et employés administratifs ou de commerce, ou des métiers de proximité répondant aux besoins de la population : professions de santé, professions de l’action sociale et de l’orientation, ouvriers du second œuvre du bâtiment, ouvriers de la réparation automobile… Pour certains métiers, cependant, de fortes disparités régionales existent (tableau 1), liées à l’histoire économique des territoires, à leur spécialisation sectorielle et aux stratégies d’implantation des entreprises. Ainsi, les contrastes régionaux sont marqués pour les ouvriers industriels, les métiers agricoles, l’armée et la police, et certains métiers de cadres (ingénieurs informaticiens, professionnels de la communication et de l’information). Même si certains métiers se développent et que d’autres sont en perte de vitesse, les caractéristiques géographiques des métiers évoluent lentement.