Constat cinglant sur la directive sur l’efficacité énergétique, seuls 4 pays conformes, la France doit revoir sa copie…
Constat cinglant sur la stratégie de rénovation des bâtiments de dix pays membres de l’Union européenne, dans le cadre de la directive sur l’efficacité énergétique adoptée fin 2012, seuls quatre pays sont conformes et tous les autres dossiers manquent d’ambition
Cette conclusion est issue d’une étude de Buildings Performance Institute Europe (BPIE), publiée le lundi 3 novembre.
L’étude précise que la plupart des stratégies exposées en matière de rénovation du parc immobilier et d’efficacité énergétique par les États membres ne concordent pas aux objectifs européens. Le BPIE a justifié que sur un aperçu de dix pays européens, seuls quatre sont conformes avec l’article 4 de la directive sur l’efficacité énergétique de l’UE adoptée fin 2012 : le Royaume-Uni, l’Espagne, la République Tchèque et la Roumanie. Les autres sont partiellement conformes mais doivent corriger leur stratégie : la France, l’Allemagne et la Région de Bruxelles-Capitale. Certains, que l’on pensait en tête sur ces sujets, affichent même de très mauvais résultats, comme les Pays-Bas, le Danemark et l’Autriche.
Les États membres n'ont mis en œuvre que très partiellement les règles relatives à l'efficacité énergétique édictées par l'UE, voire ne se sont tout simplement pas mis en conformité, révèle une étude réalisée par la Buildings Performance Institute Europe (BPIE). La directive est pourtant entrée en vigueur il y a deux ans déjà, indique l'organisation.
Selon l'article 4 de la directive, les pays sont contraints de rendre publique leur stratégie nationale en matière de rénovation du parc immobilier. Des programmes sont nécessaires pour stimuler les investissements dans la rénovation, mais aussi dans la chaîne d'approvisionnement, afin d’amorcer un effet d’entraînement sur la croissance économique et l'emploi.
Six États membres n'ont pas déposé leur dossier avant le délai imposé en avril dernier. La Grèce, la Hongrie, le Luxembourg, la Pologne, le Portugal et la Slovénie s'exposent ainsi à d'éventuelles procédures d'infraction engagées par la Commission.
Le groupe de réflexion s'est penché sur les stratégies présentées par l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique (région Bruxelles-Capitale), le Danemark, l'Espagne, la France, les Pays-Bas, la République tchèque, la Roumanie et le Royaume-Uni.
Dans un premier temps, l'institut a donné une note en fonction des 5 objectifs énoncés par l'article 4 de la directive sur l'efficacité énergétique. Dans un deuxième temps, il a attribué une note globale sur le niveau de conformité des projets déposés.
Le BPIE a attribué une note pour chacune des cinq obligations de l’article 4 de la directive : vue d’ensemble du parc de bâtiments, identification des approches rentables, mesures visant à stimuler les rénovations, orientations pour guider les investissements, estimations d’économies d’énergie et ecobénéfices. La moyenne s’établit à 58 sur 100.
© BPIE - Tableau récapitulatif de conformité des Etats membres avec les cinq obligations de l'article 4
Dans le détail :
Un dossier présentant un taux de conformité à 70 % est considéré comme recevable. Avec 28 %, l’Autriche a obtenu les plus mauvais résultats de l'échantillon.
Les stratégies présentées par l'Autriche, le Danemark et les Pays ne sont pas conformes à la directive, selon l'étude. Ces résultats sont particulièrement étonnants étant donné que ces trois pays sont connus pour être à l'avant-garde sur ces questions.
Les dossiers de l'Allemagne, de la France et de la Région de Bruxelles-Capitale sont partiellement satisfaisants. L'étude montre que l'Espagne, la République tchèque, le Royaume-Uni et la Roumanie ont présenté des stratégies acceptables, mais qu'il y avait des marges de manœuvre pour apporter des améliorations.
L’efficacité énergétique, enjeu de société
« Notre étude révèle une approche très fragmentaire dans les stratégies, en aucun cas à la hauteur des objectifs de la direction » considère Oliver Rapf, directeur exécutif du BPIE. « Les gouvernements loupent une occasion de rénover le parc immobilier qui permettrait pourtant de répondre aux défis que représentent la sécurité énergétique, la relance économique et le changement climatique » poursuit-il.
La sécurité énergétique est un sujet particulièrement crucial dans le contexte de la crise ukrainienne, qui a mis à nue la dépendance européenne vis-à-vis du gaz russe. La campagne «Renovate Europe » affirme qu’une rénovation d’ampleur du parc immobilier pourrait permettre à l'UE de faire l'économie de l'équivalent de 4 milliards de barils de pétrole importés de l'étranger.
Des stratégies nationales floues :
Les 10 stratégies soumises ne donnent pas une voie claire à suivre, et manquent de projets clairs et d'ampleur, selon le directeur du BPIE.
Aucun des plans présentés ne donne aux investisseurs un environnement sûr pourtant nécessaire en vue de lancer une vaste vague de rénovations au niveau européen et permettre une relance économique, ajoute-t-il. Enfin, aucune des stratégies n’était suffisamment bonne pour pouvoir être citée en tant que « bonnes pratiques ».
Selon le BPIE, les États membres doivent agir dans les plus brefs délais afin d'améliorer leur stratégie en matière de rénovation de l'immobilier. Les programmes proposés manquent d'ambition, ne répondent pas à l'urgence de la situation et de stratégie, aux yeux du groupe de réflexion.
Occasions manquées :
Ingrid Reumert, la vice-présidente responsable des affaires publiques et de la durabilité pour Velux, fabriquant de fenêtre de toit et de puits de lumière, explique pour sa part que lutter contre les pertes d'énergie pourrait permettre de relancer l'économie.
« Il existe de nombreuses occasions manquées parmi les États membres qui manquent d’ambition en matière de stratégie de rénovation du parc immobilier, voire n’en ont aucune. Il ne s'agit pas seulement de réduire la consommation d'énergie, mais aussi de créer les conditions pour une croissance verte, pour garantir la santé et les emplois. Et, aux yeux de nos clients à travers toute l'Europe, c'est tout ce qui compte », continue-t-elle.
La rénovation, moteur de croissance :
La campagne « Renovate Europe » estime qu'une rénovation de grande ampleur du parc immobilier pourrait créer jusqu'à deux millions d'emplois.
Ces résultats tombent juste dix jours après que les dirigeants européens ont revu à la baisse l'objectif d'efficacité énergétique, fixé à l'origine à 30 % pour le descendre à 27 % dans le cadre du paquet énergie-climat de 2030.
Les chefs d'État et de gouvernement ont adopté un objectif contraignant pour réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40 % par rapport au niveau de 1990.
Les bâtiments représentent environ 40 % de la consommation énergétique totale. Ils sont également à l'origine de 36 % du rejet total de CO2 au sein de l'UE. Les nouvelles technologies pourraient permettre de réduire jusqu'à 80 % de la consommation énergétique du parc immobilier, selon Renovate Europe.