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À ce jour, 700 000 km2 de forêt amazonienne sont partis en fumée au Brésil

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À ce jour, 700 000 km2 de forêt amazonienne sont partis en fumée au Brésil

À ce jour, 700 000 km2 de forêt amazonienne sont partis en fumée au Brésil

En août et septembre 2014, Greenpeace a dissimulé des balises GPS sur ces camions afin de retracer leur parcours dans l’État du Pará. C’est la première fois que Greenpeace utilise cette méthode pour confondre l’exploitation forestière illégale dans la forêt amazonienne.

Cette enquête révèle les méthodes utilisées par l’industrie forestière du Pará pour blanchir du bois illégal. Pendant la journée, des camions vides pénètrent au plus profond de la forêt. Une fois la nuit tombée, ils repartent des camps d’exploitation illégale chargés de grumes pour les livrer à des scieries de Santarém, principale plaque tournante de l’industrie forestière en Amazonie. Ces scieries se servent de documents officiels obtenus par des moyens frauduleux pour blanchir le bois illégal destiné à l’exportation. À la sortie de ces scieries, ce bois est susceptible de partir vers l’Europe, la Chine, le Japon ou encore les États-Unis, en dépit des législations en vigueur visant le bois illégal.

Des sanctions plus lourdes contre le commerce de bois illégal….

L’Amazonie abrite le plus grand bassin forestier tropical qui subsiste sur notre planète. Elle couvre 5 % de la surface terrestre mondiale et s’étend sur neuf pays d’Amérique du Sud, principalement au Brésil (près des deux tiers de sa superficie totale se trouvent sur le territoire brésilien). À ce jour, 700 000 km2 de forêt amazonienne sont partis en fumée au Brésil, dont près d’un cinquième au cours des 30 dernières années. Si des progrès ont été faits par le gouvernement brésilien pour ralentir cette destruction, des données récentes montrent que l’Amazonie brésilienne connaît actuellement un nouveau pic de déforestation.

En général, l’exploitation forestière est la première étape de la déforestation. Les exploitants construisent des routes qui ouvrent la forêt pour accéder à des arbres de grande valeur, dégradant et fragmentant ainsi les massifs forestiers intacts. Le front pionnier agricole s’étend ensuite le long de ces nouveaux axes, défrichant la forêt pour établir exploitations agricoles et élevages. Dans ces nouvelles zones de « colonisation », la loi est peu respectée, la corruption omniprésente et l’exploitation forestière illégale endémique. Dans l’État du Pará, qui produit et exporte plus de bois que n’importe quel autre État du Brésil, on estime que plus des trois quarts de l’exploitation forestière est illégale.

En mai 2014, Greenpeace révélait dans un rapport intitulé « La crise silencieuse de l’Amazonie » comment l’industrie forestière exploite les failles des systèmes de contrôle pour obtenir indûment des crédits et blanchir du bois illégal. Par exemple, il arrive fréquemment que des exploitants demandent l’autorisation de prélever du bois sur une zone qu’ils n’ont pourtant nullement l’intention d’exploiter. Mais grâce aux crédits ainsi générés, ils obtiennent les documents nécessaires pour transporter du bois coupé illégalement sur d’autres parcelles. La véritable origine de ce bois illégal est donc travestie, et il devient impossible de le différencier du bois prélevé en toute légalité.

Greenpeace présente les conclusions d’une nouvelle enquête menée sur un réseau de scieries dans l’État du Pará, et en particulier sur la scierie Rainbow Trading, dont les activités incluent aussi l’exportation. Grâce à un dispositif de traçage électronique (GPS), Greenpeace a pu suivre les aller-retours de camions qui transportent du bois entre des forêts fédérales, où l’exploitation forestière est interdite, et l’entreprise Rainbow Trading et ses fournisseurs. D’après les documents officiels, Rainbow Trading s’approvisionne théoriquement en bois auprès de domaines d’exploitation privés. Mais les analyses satellites ne montrent aucun signe d’exploitation sur trois de ces cinq domaines, et des irrégularités généralement liées à des activités illégales ont été détectées sur les deux autres. En revanche, les zones dans lesquelles se sont rendus les camions abritent des camps d’exploitation forestière illégale, et de nombreuses grumes sont empilées aux abords de leurs routes d’accès très fréquentées. Il apparaît donc que Rainbow Trading réceptionne et blanchit du bois illégal.

D’après les informations accessibles au public, les scieries qui approvisionnent par ailleurs Rainbow Trading ne disposent pas des autorisations d’exploitation exigées par la législation brésilienne. Leurs activités sont donc illégales. L’un de ses fournisseurs fait par ailleurs l’objet d’une injonction du gouvernement fédéral qui, en théorie, l’interdit de vendre du bois.

Les fournisseurs de Rainbow Trading approvisionnent également en grumes et en bois sciés d’autres exportateurs. Les entreprises qui achètent du bois à ces fournisseurs prennent d’énormes risques. En Europe ou aux États-Unis, les entreprises qui commercialisent ce bois sur les marchés risquent quant à elles de se mettre en infraction vis-à-vis des législations en vigueur.

Cette nouvelle enquête confirme que les failles des systèmes de contrôle favorisent un niveau élevé d’illégalité dans le secteur de l’exploitation forestière de l’Amazonie brésilienne. Elle apporte de nouvelles preuves, si besoin était, que les documents officiels frauduleux sont monnaie courante. Les importateurs ne sauraient se fier uniquement aux documents officiels brésiliens pour garantir la légalité ou l’origine du bois qu’ils placent sur le marché. Pour respecter les législations qui exigent que le bois soit d’origine légale, telles que le Règlement sur le bois de l’Union européenne (RBUE), en Europe, ou la loi Lacey (Lacey Act) aux États-Unis, les acheteurs européens et américains doivent obtenir davantage de garanties irréfutables de la légalité du bois qu’ils introduisent sur les marchés.

Et l’Europe, un marché clé pour les exportations de bois tropical illégal …
À ce jour, 700 000 km2 de forêt amazonienne sont partis en fumée au Brésil

L’enquête

Notre enquête s’est concentrée sur les municipalités d’Uruará, de Placas et de Santarém, dans l’État du Pará. Santarém se trouve au cœur de l’Amazonie et au centre de l’industrie forestière de l’État du Pará. Entre août et début septembre 2014, nous avons placé des balises GPS sur des camions de transport de grumes circulant dans les alentours de Santarém. Grâce aux signaux émis par ces dispositifs, nous avons pu mettre en évidence certaines pratiques frauduleuses utilisées par l’industrie de l’exploitation forestière pour faire sortir clandestinement du bois illégal de la forêt amazonienne. Pendant la journée, ces camions se sont rendus dans des zones forestières reculées, pour n’en ressortir qu’une fois la nuit tombée. Profitant de l’obscurité pour passer inaperçus, ils livrent ensuite leurs cargaisons à des scieries de Santarém.

Nous avons recoupé les données de localisation des GPS placés sur les camions avec celles des cartes officielles, qui signalent l’utilisation des terres et les autorisations de coupe. Les zones forestières dans lesquelles se sont rendus les camions sont des forêts publiques appartenant au gouvernement fédéral. Aucune autorisation d’exploitation n’a été accordée pour les zones en question. En d’autres termes, les activités d’exploitation forestière qui s’y déroulent sont illégales au regard de la loi brésilienne. Le survol de ces zones a permis d’identifier la présence de camps d’exploitation, de routes d’accès et de grumes empilées sur des parcelles déboisées.

Malheureusement, ces transports suspects ne sont pas inhabituels dans la région. L’autoroute PA-370 relie Santarém au barrage de Curuá-Una, situé à des centaines de kilomètres au cœur de la forêt tropicale. Chaque nuit, environ 80 camions empruntent la PA-370 pour rejoindre le ferry qui traverse le fleuve Curuá-Una. La circulation sur la PA-370 en direction de Santarém est la plus dense entre 23h et 1h30.

Notre enquête nous a dirigés vers trois scieries : Rainbow Trading Importação e Exportação LTDA, Comercial de Madeiras Odani LTDA et Sabugy Madeiras LTDA. Entre le 29 août et le 12 septembre 2014, les données des

GPS indiquent que les camions ont effectué des trajets réguliers entre des camps d’exploitation forestière illégale et les scieries de Rainbow Trading et d’Odani. Un de ces camions s’est rendu jusqu’à quatre fois par jour à la scierie d’Odani, qui se trouve au beau milieu de la forêt, loin des routes principales ou de tout bâtiment officiel. Ce véhicule a également effectué des liaisons de nuit régulières entre la scierie d’Odani et celle de Sabugy, dans le centre de Santarém. Odani et Sabugy approvisionnent Rainbow Trading, entre autres entreprises d’exportation de Santarém.

Nous avons pu obtenir les certificats délivrés par le système de surveillance SISFLORA (système intégré de surveillance et d’octroi des autorisations environnementales, destiné à garantir la traçabilité des produits forestiers dans les États du Pará et du Mato Grosso), géré par l’État du Pará, sur lesquels les scieries déclarent la provenance de leurs grumes. Rainbow Trading affirme s’être approvisionnée auprès de cinq domaines d’exploitation en 2014. Plus de 90 % de son approvisionnement proviendrait de ces domaines.

Greenpeace a analysé les images satellites des cinq domaines en question. En août 2014, trois d’entre eux ne montraient aucun signe d’exploitation forestière. On peut légitimement penser qu’ils servent en réalité à générer les documents nécessaires au blanchiment du bois prélevé illégalement dans d’autres zones forestières. Les images des deux autres domaines montrent des traces d’exploitation. Une évaluation de terrain serait nécessaire pour déterminer si la perte de couvert forestier détectée est cohérente avec les volumes de bois que Rainbow Trading affirme avoir achetés.

Les trajets nocturnes des camions de transport de grumes jusqu’à Rainbow Trading et ses fournisseurs, ainsi que l’absence d’exploitation forestière dans trois des cinq domaines censés approvisionner Rainbow Trading, laissent peu d’ambiguïté sur le fait que cette entreprise achète du bois volé à la forêt amazonienne, et qu’elle le blanchit au moyen de documents officiels frauduleux.

Des entreprises récidivistes :

Par le passé, Rainbow Trading et ses fournisseurs ont déjà été condamnés pour exploitation forestière illégale : au cours des 10 dernières années, ces entreprises se sont vu imposer des amendes pour un montant total avoisinant les 558 270 euros par l’IBAMA, l’organisme chargé de la protection de l’environnement au Brésil. Ces informations sont facilement vérifiables sur le site internet de l’IBAMA.14 Depuis 2007, les amendes infligées à Rainbow Trading s’élèvent à 156 000 euros.

Outre les cinq domaines mentionnés plus haut, les données enregistrées dans SISFLORA montrent que Rainbow Trading s’est approvisionnée auprès de trois scieries : Odani, Sabugy and Schmitt & Schnorr Ltda. Or il se trouve qu’aucune de ces scieries n’est autorisée à vendre du bois. L’IBAMA a suspendu leur immatriculation au registre fédéral des activités potentiellement polluante (Cadastro Técnico Federal – CTF). Sans ce numéro d’immatriculation, il est illégal d’acheter ou de vendre du bois via le système fédéral de contrôle électronique, appelé « document d’origine forestière », DOF (Sistema documento de origem florestal). Le bois vendu par Odani, Sabugy et Schmitt & Schnorr, même prélevé avec des autorisations de coupe en bonne et due forme, est illégal puisque ces entreprises poursuivent leurs activités sans CTF. De plus, en juin 2013, l’IBAMA a obtenu une injonction interdisant à Odani de transformer ou de vendre du bois. Cette injonction est toujours en vigueur.

Certaines législations, comme le RBUE en Europe, exigent que les législations des pays d’origine soient respectées pour que le bois importé soit considéré comme légal. La législation brésilienne oblige les entreprises à disposer d’un CTF valide pour garantir que le bois introduit dans

les chaînes d’approvisionnement a été coupé, vendu, transformé et exporté conformément aux dispositions légales15. Le bois issu de ces scieries ne peut pas faire l’objet de transactions légales au Brésil et ne devrait donc pas se retrouver sur le marché européen.

Étape 1 : blanchir – Étape 2 : exporter :

Malgré les dispositions prises par le gouvernement brésilien, Odani, Sabugy et Schmitt & Schnorr continuent de vendre leur bois à différents exportateurs. Rainbow Trading a acheté du bois de Schmitt & Schnorr en mars, de Sabugy

en juillet et à plusieurs reprises d’Odani en août16. Ces dernières années, Rainbow Trading a vendu du bois à des entreprises européennes, chinoises, indiennes, japonaises et américaines.

Par ailleurs, Odani a vendu du bois de jatoba (courbaril), d’ipé, de garapa et de massaranduba à quatre autres exportateurs depuis le début de l’année. Depuis, ces exportateurs ont vendu du bois de ces espèces en Belgique, en Chine, au Danemark, en Espagne, aux États-Unis, en France, en Italie et au Japon17. Comment les entreprises qui ont commercialisé le bois de ces fournisseurs s’y sont-elles prises pour atténuer les risques d’illégalité ?

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