Reconnu Garant de l'Environnement... « RGE… pas comme ça ! » ?
Entré en vigueur en juillet dernier, le principe d’éco-conditionnalité obligée des aides publiques selon le critère de qualification Reconnu Garant de l'Environnement « RGE », le RÉSEAU Écobâtir et l'association Approche-Écohabitat ont créé, mercredi 15 octobre à Quimper, un collectif « RGE… pas comme ça ! » afin d’activer la suspension du dispositif de qualification Reconnu Garant de l’Environnement. Des recours contre la qualification RGE ont été confirmés.
Des griefs en nombre portés par une réclamation : « Arrêtons le désastre programmé du RGE » dont les signataires, des artisans du BTP, des maîtres d’oeuvre, des particuliers auto-constructeurs expriment leurs colères face à un dispositif qu’ils jugent obligatoire et que la formation RGE coûte trop de temps et d’argent aux petites entreprises.
Le RÉSEAU Écobâtir et l'association Approche-Écohabitat s'interrogent donc sur les multiples incohérences et absurdités du système mis en place. L'adoption inédite dans la tradition industrialiste française d'une philosophie d'obligation de résultats - revendication de longue date du RÉSEAU Écobâtir et de l'association Approche-Écohabitat - et l'abandon de celle d'obligation de moyens pourrait sembler une véritable révolution culturelle ; elle aurait effectivement bien pu l'être... si elle avait su dépasser l’effet d’annonce spectaculaire et éviter le flou, l’arbitraire et le détournement d’objet qui caractériseront ici la mise en musique de la partition écrite par le législateur.
Comment oser prétendre pouvoir devenir « garant » de l'environnement du jour au lendemain sans trop changer ses pratiques, quand les seuls aspects thermiques sont effectivement valorisés ? Les notions de confort et de qualité de l'air ne sont pas abordées (excepté sur la plaquette du « RGE études ») ; et il n'est nullement fait cas d'impacts environnementaux tout autant préoccupants, comme l'énergie incorporée, l'impact transport des matériaux de construction mais aussi des usagers, la prédation des ressources naturelles non renouvelables, l'impact sur le cycle de l'eau, la rémanence de déchets nocifs en fin de cycle, l'émission de particules nocives en utilisation, le respect du patrimoine culturel, l'impact sur la biodiversité, etc. Quand seule une véritable analyse multicritères pourrait permettre de qualifier l'excellence environnementale, force est de constater qu'avec RGE, on est loin de l'ambition affichée d'une démarche holistique.
Ce dispositif « Reconnu Garant de l'Environnement », est estimé par ces réfractaires coûteux et contraignant pour les entreprises, est également inefficace à garantir au maître d'ouvrage tant une réelle efficience thermique qu'une progression de la qualité environnementale du bâti.
S’appuyant notamment sur l'étude réalisée par le magasine UFC-Que Choisir, le système RGE est loin d'apporter les garanties annoncées au consommateur :
« Ce constat traduit l’échec de l’approche « RGE » : malgré le suivi obligatoire d’une formation qui doit, d’une part, leur permettre de maîtriser l’approche globale énergétique et, d’autre part, leur permettre de comprendre le fonctionnement thermique d’un bâtiment et maîtriser les logiciels d’évaluation d’efficacité énergétique, les résultats sont invisibles sur le terrain ! »
Un chef d'orchestre, architecte-énergéticien pour accompagner la rénovation énergétique Le 28 mai dernier, le Blog relayait le communiqué de l'association des consommateurs UFC-Que Choisir su...
Etude réalisée par le magasine UFC-Que Choisir
Disparition programmée des entreprises artisanales du bâtiment
Mais surtout concernant les pionniers de l'écoconstruction et de l'approche environnementale multicritère, la non-reconnaissance des techniques et pratiques artisanales originaires de savoir-faire traditionnels et expérimentaux est une véritable insulte à l'intelligence en plus d'une menace de disparition pure et simple par asphyxie économique.
En effet, s’excluront d'eux-mêmes les artisans indépendants, car s'ils ont seulement chaque année 1 ou 2 chantiers potentiellement en éco-PTZ, CIDD, subvention ANAH, TVA 5.5% etc. ils ne feront pas la démarche RGE, car trop compliquée, trop chère et surtout inutile et absurde au vu de son faible niveau de performance environnementale réelle !
Ce marché pourra donc être capté par les entreprises conventionnelles qui exploitent de la main d’œuvre sous-traitée sous payée et à faible savoir-faire pour la mise en œuvre de matériaux industriels à forte intensité énergétique... avec les risques pour la pérennité des ouvrages du petit patrimoine, terre, pierre, bois de pays... que ces solutions industrielles de type ITE collé sur des murs de construction d'avant 1 950 ne manqueront pas de ruiner.
Alors que la liberté d'entreprendre continue d'être clamée, de nouvelles contraintes s'amoncellent chaque jour. Dans un contexte où la crise frappe, et alors que les petites entreprises artisanales sont un vivier d'emplois, leur survie est menacée par une bureaucratie croissante. Corréler éco-conditionnalité des aides et certification RGE, c'est leur mort assurée.
Quand on voit qu'il faut une qualification par activité, que cela représente 1 à 2 semaines de montage de dossier et coûte en moyenne 287€ par an et par qualification... Quelle entreprise de taille petite ou moyenne pourra se le permettre ?
Déjà nombre d'artisans jettent l'éponge, découragés et dégoûtés ; ce seront autant de savoir-faire perdus, de services de proximité en moins et de chômeurs en plus.
Des délais de mise en place RGE intenables
L'objectif affiché conjointement par l'ADEME et les certificateurs est de 30 000 entreprises certifiées "RGE travaux" fin 2014, soit 10 % des 330 000 entreprises du bâtiment. Cela semble peu au regard des objectifs affichés par le Plan de Rénovation Énergétique de l'Habitat.
Trois ans après la mise en place du dispositif, seules 15 400 entreprises étaient certifiées RGE en mars 2014 au niveau national, d'après l'ADEME. Cela paraît très ambitieux d'imaginer doubler ce nombre en quelques mois.
Mais surtout, que va-t-il se passer au 1er juillet (si le décret sur l'écoconditionnalité des aides est promulgué), pour les 95 % de professionnels non certifiés comme pour les maîtres d'ouvrages à la recherche de professionnels ?
Besoin de vraies formations pour de vrais changements
Qui peut croire qu'en 4 jours de formations FEE Bat (plus que 3 dans la version actuellement à l'étude !), un vrai basculement des pratiques soit possible ? A l'heure où les politiques mises en place au niveau de la formation professionnelle vont dans le sens de plus d'individualisation des apprentissages, comment a-t-on pu élaborer une même formation pour la France entière, tous métiers confondus et tous niveaux initiaux ?
Bien entendu, les formations sont indispensables pour l'acquisition de ces savoir-faire multiples liés à l'intelligence de la situation. Mais cela nécessite du temps... Il existe déjà des formations performantes à l'écoconstruction sur le territoire. Mais, bien que la charte RGE prévoit une équivalence pour ces diplômes, dans les faits, un professionnel ne peut actuellement pas demander une qualification RGE s'il ne suit pas une formation FEE Bat.
Car on ne peut pas non plus décréter la montée en compétence avec un seul référentiel de formation pour tous, sans pré-requis, sans tenir compte des métiers, de ceux qui sont plus avancés dans leur expérience, mettant ainsi dans le même panier des pionniers qui pratiquent la qualité environnementale multicritère depuis des années et de nouveaux convertis aux arguments écolo-thermiques... sonnants et trébuchants.
Acheter une certification et une formation FEE Bat bâclées en 3 jours - information serait plus exact - ne saurait surtout pas garantir une montée en compétence, le contenu est bien trop succinct et les conditions d'obtention ne sont pas suffisamment exigeantes (Contrôle de connaissance sous forme QCM.
Alors que cette disposition est prévue et rappelée dans la charte RGE[5], il n'existe pas de système de validation d'acquis, ni de dispositif pour la reconnaissance ou l’équivalence des diplômes cadrés explicitement, et ce alors que la charte RGE existe depuis 4 ans (9 novembre 2011 ).
Ainsi, un BTS thermicien gérant salarié d'une SARL artisanale de maçonnerie qui après plusieurs années d'études puis d'exercice de sa profession est apte à identifier les pièges thermiques et décrypter les simulations thermiques dynamiques... sera quand même obligé d'aller payer son écot FEE Bat... et considéré au même niveau « d'excellence environnementale » qu'un artisan conventionnel dont le domaine de compétence ne saurait faire évoluer profondément la pratique de son métier après 3 jours d'initiation.
Le "RGE études", une entrave au développement de l'efficacité énergétique
Le dispositif "RGE études" va également imposer de nouvelles contraintes administratives et financières aux bureaux d'études thermiques : il s'apparente à un dispositif de contrôle totalement inadapté à une activité souvent pionnière. Le résultat sera un coup d'arrêt à l'innovation en efficacité énergétique. En imposant aux petites structures de déployer des moyens humains et financiers qu'elles ne peuvent pas assumer (temps administratif mobilisé sur ces dossiers, coût de la qualification), le carcan RGE études risque d'accentuer la menace sur la conception thermique des projets, dans un contexte déjà criant de non-reconnaissance économique de cette activité.
Le secteur a au contraire besoin d'encourager la conception thermique plutôt que de l'entraver ou de la confier aux professionnels du chantier (cf l'obligation de diagnostic du label ÉCO Artisan®). Pour le RGE étude également, l'écoconditionnalité des aides est suicidaire !
Avec si peu de compétences « holistiques » acquises en 3 jours... on risque fort de subir une augmentation exponentielle des désordres dus à l'inadéquation avec la complexité du bâti des solutions technologiques industrielles prescrites ; surtout pour les techniques patrimoniales anciennes en réhabilitation.
Du côté des fédérations professionnelles, c’est le côté économique que l’angle est abordé les avantages en terme de marché que représente RGE. « Il faut se rendre à l’évidence. Pour qu’ils puissent obtenir les aides publiques, nos clients vont faire appel à des entreprises RGE. Cela va être une demande forte. Les entreprises qui seront crédibles sur ce marché devront être qualifiées, insiste Jacques Chanut, président de la FFB, qui rappelle qu’une fédération comme la sienne doit emmener toutes les entreprises là où il y a le marché. Quant au coût de la formation, Jacques Chanut rétorque que « ce qui coûte le plus cher, c’est de ne pas avoir de travail ». Il souligne toutefois que son organisation professionnelle veillera à ce que Qualibat soit en ordre de marche pour répondre très rapidement aux demandes des entreprises. « Qualibat doit mettre les moyens pour que les dossiers soient bien examinés et dans les meilleurs délais. En clair, il faut que l’organisme soit le plus pragmatique possible et mette les moyens pour que cette qualification soit inattaquable et permettre de faire sortir de ce marché tous les margoulins ». Reste que l’enjeu est énorme. Même s’il reconnaît et comprend l’exaspération des entreprises concernant la surchage administrative, car la demande pour la qualification RGE est encore synonyme de papiers à remplir, Jacques Chanut veut que les entreprises et artisans transforment l’essai : « Il faut arrêter de gémir, il est temps d’y aller…. ».
De son côté, Sabine Basili, vice-présidente de la Capeb, tente de comprendre la colère des artisans anti RGE, sans toutefois cautionner. « Il est vrai que c’est toujours plus de contraintes, une complexification, un alourdissement en termes de coût, mais c’est la porte d’entrée à un marché de la rénovation énergétique, le seul porteur aujourd’hui dans le bâtiment », explique-t-elle, tout en argumentant que « si la Capeb n’avait pas travaillé sur la démarche Eco-artisan, en réfléchissant sur une simplification des procédures, on serait dans une situation bien pire ». Pour autant, Sabine Basili reconnaît que tout n’est pas parfait, mais qu’il existe encore des pistes d’amélioration, comme celle par exemple du rapprochement des signes RGE. Un travail mené actuellement.
Enfin, interrogé par le Moniteur.fr, Alain Maugard, président de Qualibat ne cache pas son incompréhension. « En ce moment, il y a deux mouvements contradictoires. Celui du collectif « RGE…Pas comme ça ! » qui avance des arguments pour supprimer la qualification RGE et l’autre qui considère que les formations ne sont pas assez fouillées ». « Bien sûr, il est toutefois possible de critiquer la qualification RGE, mais on ne peut nier que l’acquisition par les entreprises de compétences supplémentaires est un véritable pas en avant », reconnaît Alain Maugard qui salue la volonté et le courage des organisations professionnelles pour avoir fixé le cap aux entreprises et artisans. Le président de Qualibat s’interroge aussi : « Ceux qui ne veulent pas devenir RGE sont-ils suffisamment bons pour se passer de formation? Pourtant avec les progrès techniques, elle devient indispensable. Quel est le sens de cette démarche frondeuse ? On fait quoi à la place ? On s’auto-proclame ? Bref, en ce moment, cela n’a pas de sens », s’insurge Alain Maugard.