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Quel éclairage sur l’île de Sein ???

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Quel éclairage sur l’île de Sein ???

Quel éclairage sur l’île de Sein ???

Alors que le projet de loi sur la transition énergétique a été amendé et adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, trois amendements avaient été déposés pour les petites îles non interconnectées (ZNI) de moins de 2 000 clients. Ces trois amendements ont fait l’objet d’un avis défavorable par la rapporteure ainsi que par la Ministre. Ces décisions surprenantes vont à l’encontre d’un projet de transition énergétique déjà bien terne.

Une lettre ouverte adressée à la Ministre de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie par IDSEnergies montre l’exaspération des zones insulaires…

« Objet : Loi sur la transition énergétique - rejet de l’amendement 2122

Les zones insulaires non interconnectées au réseau électrique métropolitain français (ZNI) de moins de 2 000 clients représentent de très petites consommations d’énergie qui n’encouragent pas les opérateurs de grande taille à étudier de nouveaux systèmes, notamment la production d’énergies renouvelables, pourtant abondantes dans ces régions (énergies marine, solaire et éolienne).

Non connectées au réseau, ces îles pourraient sans problème dépasser le seuil de 30 % de renouvelables actuellement défini pour éviter les perturbations du réseau de distribution. En effet, comme le prévoit l’arrêté du 23 avril 2008 mis en avant par l’opérateur EDF, ces zones disposent déjà de fait des capacités de stockage dépassant 100 % des besoins électriques, le premier stockage étant le fioul.

Par ailleurs, dans ces petites îles entièrement dépendantes à ce jour des importations de fioul pour toute leur énergie (chaleur, mobilité, électricité), dont dépend aussi en grande partie leur alimentation en eau potable (dessalement), l’innovation ne peut pas porter uniquement sur la production, mais doit couvrir tout le système énergétique. Cette question est au centre du projet de territoire de ces îles, mais elle leur échappe à ce jour : les décisions appartiennent au seul opérateur EDF, qui investit dans ces territoires dans de nouveaux générateurs au fioul et n’envisage pas d’évolution notable.

Cette production d’électricité au fioul entraîne des surcoûts très élevés qui sont compensés par la Contribution au Service Public de l’Électricité (CSPE). Selon la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE), en 2014, 1,65 milliard € (soit 27 % du produit de la CSPE) a servi à financer l’achat de fioul pour approvisionner l’ensemble des ZNI.

L’amendement proposé vise à donner aux territoires insulaires non interconnectés de moins de 2 000 habitants la possibilité d’opter pour un autre opérateur qu’EDF, afin de pouvoir y mener des expériences alternatives à la production coûteuse et polluante du fioul.

Désigné par le Ministre chargé de l’énergie après avis de la CRE, cet opérateur devrait accepter les contraintes du service public, mais bénéficierait en contrepartie de la CSPE. Un tel opérateur s’affranchirait des limites d’intervention de l’opérateur historique (électricité) et pourrait aborder techniquement toutes les évolutions en rapport avec l’énergie (chauffage, mobilité terrestre et maritime, électricité, production d’eau potable, réseaux intelligents).

Ne concernant de fait que cinq îles ou archipel de France métropolitaine, ce projet n’aurait qu’un impact très limité. Le contrôle par la CRE garantit le bénéfice à terme pour la collectivité nationale.

Les risques techniques sont également extrêmement limités.

Le bénéfice pour le pays de ces expérimentations en vraie grandeur serait considérable en matière de transition énergétique (production d’énergies renouvelables en particulier les énergies marines, stockage, conversion, régulation).

Par ailleurs, le marché mondial pour des petits systèmes énergétiques autonomes est très important : des milliers d’îles et de zones insulaires non interconnectées pourraient bénéficier du savoir-faire développé pour ces projets. Le prix de l’énergie dans ces zones étant déjà aujourd’hui plusieurs fois supérieur au prix du marché de l’électricité en Europe, un développement à l’exportation basé sur l’expérience en ZNI nationale ne nécessiterait aucune subvention.

L’île de Sein, la preuve par l’exemple

Il y a une vingtaine d’années, les élus de l’île de Sein demandent à EDF de produire un peu d’électricité avec du renouvelable. Une étude est alors réalisée en 1998 avec un résultat sans équivoque : on peut produire 50 % de l’électricité de l’île avec du renouvelable et faire par la même occasion 350 000 F d’économie par an (économie de fioul). EDF ne fait rien. Les élus insistent. Une nouvelle étude est réalisée. Plus complète, elle arrive à un résultat encore plus flagrant : on peut produire 75 % avec du renouvelable. EDF engage alors « une action de grande envergure » : le changement de quelques ampoules !

Les nouveaux élus de 2008 ne sont pas convaincus. Et ils commencent à se dire qu’il faudrait installer eux-mêmes, avec les habitants, du renouvelable. La réponse d’EDF est claire : c’est impossible.

Finalement, les élus décident à l’unanimité de lancer un projet local en juillet 2012. La population se mobilise, crée une société locale dès juillet 2013 avec une gouvernance locale et remporte une exceptionnelle adhésion : plus de 25 % de la population est actionnaire !

Aujourd’hui, un projet techniquement et eacute;conomiquement fiable est prêt. Ce projet est soutenu par des Députés locaux, la Région Bretagne (qui a décidé de mettre l’énergie dans les îles au premier rang de ses priorités !)...Ce projet est aussi reconnu par la recherche, l’enseignement supérieur et des industriels, prêts à participer à sa mise en œuvre et à réaliser des expérimentations et des innovations. Il permettrait de plus de diminuer les taxes que paye chaque consommateur d’électricité en France et qui sont utilisées par EDF pour bruler du fioul (27% de la CSPE).

Le blocage que l’entreprise EDF opère sur l’île de Sein est constaté sur toutes les petites îles (voir le cas de Saint-Pierre et Miquelon où EDF, privilégiant le fioul, bien que plus cher, en dehors de toute justification technique, a entrainé la démolition des éoliennes installées depuis 2000)

Un amendement conforme à vos convictions, mais rejeté... Nous vous avons à plusieurs reprises entendue dire que « les îles sont des territoires d’innovation », « il faut favoriser les projets participatifs et l’implication des citoyens », « l’implication est nécessaire pour la réussite de la transition », « réduire les énergies carbonées », « réduire les taxes », « expérimentation », «rôle des collectivités territoriales » etc. En totale contradiction, vous balayez une initiative locale répondant à l’ensemble de ces critères. Qui plus est, l’expérimentation proposée par cet amendement ne comporte strictement aucun risque technique supplémentaire et ne peut qu’entrainer des économies financières.

Pour rejeter cet amendement, votre premier argument est qu’EDF n’a aucune rentabilité dans ces petites ZNI. Nous pensons au contraire que c’est parce que la société EDF a beaucoup trop à perdre dans cette affaire que vos conseillers vous ont transmis ces arguments. Et d’ailleurs, si comme vous le dites, Sein était une charge pour l’entreprise EDF, ne serait-elle pas heureuse de s’en débarrasser ?

Votre deuxième argument est que personne d’autre qu’EDF ne souhaite intervenir sur ces petites ZNI. Le minimum que l’on pourrait attendre d’une Ministre serait au moins qu’elle respecte les petites sociétés et les populations qui se bagarrent pour défendre leur territoire et l’intérêt général depuis de nombreuses années, à Sein et ailleurs. Qu’elle respecte les collectivités locales comme les Régions qui soutiennent ce type de projet. Sans compter que nous avons rencontré votre cabinet et que vous avez reçu notre dossier au moins à deux reprises. En l’occultant ainsi, vous affichez votre mépris pour les habitants de Sein et leur initiative.

Quant à la rapporteure Madame Bareigts qui émet un avis défavorable de la commission, bien que la commission n’ait pas émis d’avis, elle oppose un argument totalement surréaliste comme quoi cela casserait la péréquation tarifaire. C’est vrai qu’après une journée et une nuit complète, à 6h14, on peut être fatigué. Nous avions pourtant été auditionnés par Madame Bareigts... Les iliens seraient-ils assez stupides pour demander la fin de la CSPE ? Bien évidemment non ! Il n’a jamais été préconisé de supprimer la péréquation, il est juste proposé de passer par une autre structure qu’EDF, cette entreprise gérant aujourd’hui la CSPE selon ses volontés et sans aucun contrôle, au détriment de l’intérêt général.

Madame la Ministre, permettez-nous de vous dire que votre décision entraine un grand gâchis pour notre petite île mais aussi pour la France :

► La CSPE va continuer à augmenter car, en soutenant l’entreprise EDF, vous soutenez le fioul pour de nombreuses années, fioul qui augmentera inéluctablement ;

► Vous découragez des habitants motivés pour engager la transition énergétique et découragez par avance beaucoup d’autres groupes de personnes et collectivités qui aimeraient s’investir ;

► Vous faites perdre encore de nombreuses années à des industriels français, en particulier dans le domaine des énergies marines et des smart grid qui attendaient cette loi pour pouvoir enfin installer leur prototype à Sein. Devront-ils attendre la prochaine loi dans dix ans ?

► Vous laissez mourir à petit feu notre île pour qui la transition énergétique était une occasion unique de développement local et territorial, et ce, sans demander de nouvelles subventions à la collectivité nationale.

► Vous laissez passer une belle occasion pour la France d’avoir un projet exemplaire sur un site idéal pour l’innovation et qui pourrait servir à terme à l’ensemble du territoire national et des ZNI .

Madame la Ministre, si vous voulez être mise au courant, au lieu de vous adresser à EDF, adressez-vous à IDSE. »


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