Le canal Seine-Nord va-t-il s’ouvrir une nouvelle voie… ? 7 propositions pour une reconfiguration
Pas moins de 7 mois d’échanges, de rencontres, auront été nécessaires pour que Rémi Pauvros, Député du Nord ai ainsi pu remettre un projet de reconfiguration du Canal Seine Nord Europe suite à l’ordre de mission mandaté par Frédéric Cuvillier, Ministre Délégué Chargé des ports, de la Mer et de la Pêche.
Le Canal Seine Nord Europe, d’une longueur de 106 kilomètres entre Compiègne et Douai, doit permettre de créer un réseau fluvial à grand gabarit entre les bassins de la Seine et du Nord Pas-de- Calais/Belgique. Il peut accueillir les bateaux allant jusque 4400 tonnes (soit plus de 110 camions). Le précédent gouvernement avait prévu de réaliser le Canal Seine Nord Europe par un Partenariat Public Privé (PPP). Au lancement du projet, son coût était estimé à 4,5 milliards d’euros. Les offres remises par les candidats du PPP conduisaient à un renchérissement du projet pour un coût total de 7 milliards d’euros. Sur ce coût total, les frais financiers étaient de l’ordre de 1,5 milliards d’euros, notamment en raison de conditions d’emprunt moins avantageuses pour le secteur privé. L’Europe ne cofinançait le projet qu’à hauteur de 6%. Aussi, le financement du Canal Seine Nord Europe reposait essentiellement sur l’Etat. Le gouvernement actuel a donc décidé d’arrêter cette procédure.
La mission confiée au Député avait donc pour objectif de présenter un projet reconfiguré techniquement et financièrement dès le premier semestre 2014 à la Commission Européenne afin de bénéficier de financements européens au taux maximum sur la période 2014-2020.
En rencontrant une grande partie d’acteurs du projet, Rémi Pauvros a ainsi pu couvrir l’ensemble du Réseau Seine Escaut : Rouen, Paris, Lille, Oise, Dunkerque, Belgique. Au total près de 70 réunions d’échanges qui ont été réalisées afin de créer les conditions d’un accord et d’un portage partagé. De ces échanges, il ressort que ce projet fait l’objet d’une très forte attente des acteurs.
Afin de confirmer l’intérêt économique du projet, une étude confiée à un cabinet indépendant a été réalisée dans le cadre de la mission de reconfiguration. La reconfiguration technique du projet, conduite avec les services de Voies navigables de France (VNF) et de l’Etat a permis d’identifier des pistes d’économie.
Les conclusions de la mission permettent de proposer un projet reconfiguré au coût réduit avec un financement européen à hauteur de 40%. Le bilan de la mission intègre également le crédit redonné à ce projet et une remobilisation générale de tous les acteurs, qui constituent un résultat concret permettant de proposer l’engagement des travaux préparatoires dès 2015 pour une ouverture en 2022 du tronçon central.
Ce projet constitue une véritable attente de la part des acteurs en raison des perspectives de report modal qu’il peut offrir :
➜ Pour les ports : c’est la possibilité de développer un hinterland plus grand et donc d’accroitre les trafics, notamment conteneurs. Afin d’engager cette dynamique vers le transport fluvial, le Port de Dunkerque a lancé le 25 octobre 2013 une navette Dunkerque Dourges deux fois par semaine.
➜ Pour l’Europe : le Canal Seine Nord Europe est l’un des 5 grands projets européens d’infrastructures, du Mécanismes d’Interconnexion pour l’Europe (MIE), voté le 19 novembre 2013 et doté de plus de 22 milliards d’euros sur la période 2014-2020.
➜ Par les collectivités territoriales : relance de l’activité économique dans des territoires parmi les plus durement touchés par la crise. De nombreux projets de ports fluviaux ont déjà émergé dans l’attente du Canal : par exemple sur l’Oise à Longueil Sainte Marie, Bruyères sur Oise.
➜ Pour la batellerie : possibilité de disposer d’un grand réseau qui permette d’amortir des bateaux de taille importante.
Le rapport mentionne donc l’étude économique indépendante qui confirme l’intérêt économique. En effet, El’étude fait apparaître qu’en tablant sur une estimation réaliste, le cabinet SETEC International a confirmé que le chantier permettrait de créer en moyenne de 10 à 13 000 emplois directs et indirects par an durant les 6 à 7 années de chantier. A l’horizon 2050, du fait du développement de nouvelles activités (plateformes multimodales), 50 000 emplois sont envisagés.
Le projet permet de créer un effet réseau (comme ce fut le cas pour les premières lignes TGV, qui avec un tronçon ont permis de faire baisser le temps de trajet pour beaucoup de gares). En reliant les deux bassins importants de la Seine et du Nord, le canal fait sauter un goulet d’étranglement, et met en réseau des bassins économiques. Ce réseau conduira au développement des trafics fluviaux, en particulier sur des filières en émergence : grande distribution, conteneurs, recyclage.
Le projet revêt un intérêt aussi pour la transition énergétique et le report modal
Alors que les trafics de marchandises dans cette zone de l’Europe sont appelés à croitre entre les grands ports, le projet ouvre une possibilité de report vers un moyen économe en consommation d’énergie ; 1 kilo équivalent pétrole permet, en effet, de transporter une tonne sur 50 kilomètres pour un poids lourds contre 275 km pour un convoi fluvial de 4400 tonnes, le plus grand gabarit possible pour le Canal Seine Nord. Une péniche de 1500 tonnes émet 4 fois moins de CO2 à la tonne transportée qu’un poids lourds.
La proposition d’un projet reconfiguré aux performances maintenues, ouvert en 2022, avec un financement revu et une nouvelle structure pour le réaliser :
- Un projet reconfiguré techniquement aux caractéristiques maintenues
Le projet reconfiguré conserve les mêmes caractéristiques techniques. Le gabarit Vb est maintenu : des convois fluviaux d’une longueur de 185 mètres, de 11,5 mètres de large, pour un total de 4400 tonnes pourront l’emprunter. Le reste du réseau au nord et au sud permet déjà à minima des convois de 3000 tonnes. La mission de reconfiguration propose une approche progressive : ouvrir le tronçon central dès 2022 pour profiter du réseau interconnecté, puis améliorer les parties nord et sud ensuite selon les besoins du marché. A titre d’exemple ; le Canal Albert relie Liège à Anvers en Belqique. Inauguré en 1939, il voit ses capacités améliorées encore aujourd’hui. Un canal est donc un outil évolutif.
Sur le projet de nouveau canal, des pistes d’économies ont été recherchées :
➜ Réutiliser sur environ 10 kilomètres le canal du Nord,
➜ Supprimer une écluse, réduire de moitié la hauteur de l’écluse la plus haute,
➜ Différer, tout en gardant possible, certains équipements spécifiques, comme l’approvisionnement en eau de la région autour de Lille.
Le développement des plateformes multimodales est confié aux Régions et collectivités territoriales, comme cela a déjà été fait à Dourges pour la plateforme Delta 3, avec la Région Nord Pas-de-Calais et le Département du Nord notamment.
- Un financement revu avec l’Europe et les collectivités locales
* Pour l’Europe : L’Europe finançait jusqu’ici à hauteur de 6,22% le projet (330 millions d’euros). Dans le cadre du nouveau Mécanisme d’interconnexion en Europe (MIE) voté en novembre 2013, l’Europe s’engage fortement : la « déclaration de Tallinn » co-signée le 17 octobre 2013 par les ministres français, flamand, wallon, néerlandais et le commissaire européen aux transports, Siim Kallas confirme que le projet du Canal Seine Nord Europe est éligible à un financement européen à hauteur de 40% du coût des travaux et 50% du coût des études. L’Europe confirme ainsi que le Canal Seine Nord Europe fait partie des 5 grands projets européens du nouveau Mécanisme d’interconnexion en Europe. Doté de plus de 23 milliards d’euros, le MIE est issu du pacte européen pour la croissance et l’emploi adopté par le Conseil Européen du 28 et 29 juin 2012, à l’initiative du Président de la République. La France dispose 2 grands projets européens, le Lyon Turin et le Canal Seine Nord Europe.
* Pour les collectivités : Les travaux menés dans le cadre de la mission ont aussi conduit les collectivités à renforcer leur soutien. Jusqu’ici les Départements avaient réservé leur contribution au financement des plateformes multimodales, sans prendre part au financement du canal lui-même. Les Départements ont déclaré vouloir rediriger leur appui sur l’infrastructure elle-même. Cette nouvelle volonté va avec une association plus forte à la gouvernance du projet. Les Régions ont garanti leurs précédents engagements à hauteur d’un total de 510 millions d’euros (210 millions d’euros pour l’Ile de France, 80 millions pour la Picardie, 220 millions d’euros pour le Nord Pas de Calais). Les collectivités ont donc signé une déclaration d’engagement en vue de porter à un milliard d’euros leur financement.
- Un nouveau pilotage et un coordinateur national sur le modèle des coordinateurs européens :
Le projet ne sera plus construit au moyen d’un PPP (Partenariat public privé), mais par une entité publique, une société dont les actionnaires seront VNF et les collectivités. Cette société sera ouverte à d’autres partenaires et dédiée au développement du transport fluvial et des emplois. En matière fluviale, ce type de structure spécifique existe de manière similaire : Compagnie Nationale du Rhône en France pour le Rhône, De Scheepvaart ou la SOFICO en Belgique. Cette société publique sera créée par une disposition législative. En outre, cette création constituera un signe fort de la part de la France pour développer à nouveau une culture fluviale.
Sur le modèle de l’Europe, qui nomme un coordinateur européen pour chacun des grands corridors de transport, la mission de reconfiguration propose de désigner un coordinateur national. Personna- lité indépendante, il sera garant de l’avancement du projet au niveau national.
Le projet ainsi reconfiguré permet des pistes d’économies de 550 à 650 millions d’euros auxquelles s’ajoute l’économie des frais financiers. Ceux-ci étaient liés à la réalisation du projet au moyen du PPP, et notamment par des taux d’intérêt plus élevés qu’en maîtrise d’ouvrage publique.
Les pistes d’économie identifiées par la mission permettent d’envisager un coût du projet de l’ordre de 4500 M EUR HT pour le nouveau canal.
Le rapport de Rémi Pauvros précise notamment d’inscrire ce projet dans un cadre politique autour du transport de marchandises renouvelé :
Au-delà du projet économique et d’infrastructure, le projet de canal Seine Nord Europe pose la question de la politique de transport de marchandises. En effet, au contraire de la grande majorité des autres projets d’infrastructure qui sont mixtes fret/voyageurs, les projets fluviaux sont destinés principalement au transport de marchandises. Le transport de marchandises est un élément ma- jeur de la compétitivité d’un pays dans une économie mondialisée. Les enjeux pour la croissance et l’emploi sont considérables. En 2012, en France, les dépenses de transports de marchandises correspondent à plus de 60 milliards d’euros (3% du PIB). Le transport routier de marchandises représente à lui seul 400 000 emplois directs.
7 propositions pour reconfigurer le projet Canal Sein-Nord Europe… :
Proposition n°1 : Suivre une approche globale : intrégrer le Canal Seine Nord Europe dans le réseau Seine Escaut dans une logique économique et européenne en vue de profiter d’un effet réseau.
➜ Engager les investissements de façon à maximiser l’effet réseau
➜ Cohérence de la qualité de service sur le réseau
◗ Cohérence dans les plages ‘ouverture du réseau en lien avec la montée en charge des besoins
◗ Mise en place d’un Service d’Information Fluvial sur le périmètre Seine Escaut
➜ Compétitivité des ports maritimes – question de l’accès fluvial
➜ Créer les conditions d’un accès direct de Port 2000 au réseau Seine-Escaut performant
Proposition n°2 : l’approche progressive, répondre aux besoins du marchés dans une logique de relance de la croissance et d’intérêt économique
➜ Réalisation du tronçon central prioritairement selon un projet reconfiguré pour un coût de 4500MEUR2013 HT
➜ Présenter une date d’ouverture du tronçon central à l’horizon 2020/2023, pour profiter d’un effet réseau rapidement
➜ Réalisation de travaux sur les axes selon des priorités de qualité de service, et en veillant à des travaux dès 2014/2015
➜ Réalisation des plateformes multimodales selon les besoins du marché
Proposition 3 : un aménagement durable privilégiant le partenariat et les réalités locales
➜ Laisser à l’initiative locale les plateformes et leur développement avec en premier lieu les Régions, les Départements et EPCI, associant l’Etat, VNF et les acteurs privés
➜ Préserver une approche progressive avec des plateformes qui seront réalisées selon le besoin du marché. Des réservations foncières sont gardées pour préserver l’avenir.
➜ Prévoir pour les Plateformes des standards de construction en lien avec la transition énergétique (solaire, hydroélectricité,...)
➜ Renforcer la démarche d’autonomie énergétique du canal, voire d’une contribution positive S’inspirer des méthodes HQE Bâtiments ou Route Durable, en ayant recours si besoin à une certification
Mission de reconfiguration du Canal Seine Nord Europe - Réseau Seine-Escaut
Proposition n°4: le portage par une société de projet, au service du développement économique et du report modal sur le périmètre Nord du réseau Seine Escaut
➜ Créer par une disposition législative une société de projet qui associera l’Etat, VNF, les collectivités et sera ouverte à d’autres partenaires
➜ Confier à la société de projet la maitrise d’ouvrage du projet
➜ Conférer un objet de développement économique et de report modal sur le périmètre nord
➜ de Seine Escaut (Oise/Nord Pas de Calais/Picardie) à cette société de projet
➜ Financer l’infrastructure grâce à un partenariat et un plan de financement équilibré: l’Europe
➜ (40%), les collectivités et l’Etat (à parts égales) et l’emprunt
➜ Réflexion sur une recette dédiée pouvant être liée aux incitations au report modal
Proposition N°5 : Nomination d’un coordinateur national
Sur le modèle de l’Europe, qui nomme un coordinateur pour chacun de ses corridors prioritaires, le coordinateur national, personne indépendante, veille à l’avancement, à l’écoute mutuelle de l’ensemble des parties intéressées. Le coordinateur participera à la conférence intergouvernementale.
Proposition N°6 : une gouvernance partenariale au niveau Seine Escaut renouvelée
➜ Proposition d’implication des Pays Bas en lien avec les nouvelles dispositions du Mécanisme d’Interconnexion pour l’EuropeAssociation des partenaires wallons et flamands dans le cadre de sujets spécifiques (innovation, tronçons transfrontaliers,...)
Proposition n°7 : une politique de report modal vers la voie d’eau et le fer qui assure la complémentarité avec le transport routier
➜ La réflexion sur un objectif quantitatif de répartition modale à l’horizon 2030
➜ Inciter une répartition modale des ports maritimes Accompagner formation et les jeunes professionnels du transport de marchandises
➜ Renforcer l’appui en matière fluviale vers le développement des activités en bord à voie d’eau
➜ Prévoir des dispositifs d’incitation à s’engager dans la voie d’eau et report modal ; notamment par des actions d’information