Réforme du code-minier : réaffirmation du modèle minier français
Le 10 décembre 2013, les ministères de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, du Redressement productif ainsi que celui des Outre-mer, ont reçu le projet de code minier rédigé par Thierry TUOT, Conseiller d'État.
Ce projet de réforme du code minier annoncé le 3 juillet 2012 par le Premier ministre vise à réformer le code actuel et à mettre celui-ci en conformité avec l'ensemble des principes constitutionnels de la Charte de l'environnement.
Le Premier ministre a donc désigné M. Thierry TUOT, conseiller d'État, pour préparer cette réforme et procéder aux concertations nécessaires, notamment avec les associations environnementales, les industriels et les collectivités territoriales.
La préparation du projet de loi réformant la partie législative du code, conduite par M. TUOT, conseiller d’État, a fait l’objet, durant l’automne 2012, d’une démarche de concertation auprès des représentants des industriels, des associations de protection de l’environnement, des organisations syndicales représentatives des salariés, des élus, notamment de l’outre-mer, ainsi que des experts juridiques et scientifiques. Son objectif étant de mettre le code minier en conformité avec la Charte de l’environnement et d’assurer aux activités minières la sécurité juridique qui leur est indispensable. Conformément aux engagements du président de la République, la réforme ne devrait pas revenir sur l’interdiction, instituée par la loi du 13 juillet 2011, de recourir à la fracturation hydraulique pour la recherche et l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels.
Le projet comporte 9 livres, soit plus de 700 articles. L’ensemble du code actuel est toiletté, dans son architecture et ses rédactions, dans un souci de lisibilité. Environ 10 % des articles sont des innovations juridiques.
Le livre Ier est consacré aux principes généraux du droit minier.
Le livre II contient les dispositions relatives à l’exploration et à l’exploitation qui tirent les conséquences des principes généraux énoncés au livre 1er .
Le livre III contient les dispositions encadrant les travaux miniers.
Le livre IV contient les dispositions relatives à la police des mines et à la responsabilité des exploitants, notamment dans la phase d’après mines.
Le livre V contient les dispositions relatives à la santé et à la sécurité au travail propres aux activités minières.
Le livre VI contient les autres dispositions sociales propres au secteur minier.
Le livre VII contient les dispositions relatives aux territoires, aux milieux et aux usages. Sont ici rassemblées les dispositions qui dérogent aux dispositions générales et qui sont propres à certains milieux (comme les fonds marins, les gîtes géothermiques et les réservoirs de stockage, dont les spécificités rendent nécessaires des adaptations du régime minier général).
Le livre VIII sera consacré aux outre-mer. Le livre IX comporte de nouvelles dispositions fiscales.
Les propositions essentielles présentées par Thierry TUOT portent sur :
Un texte plus lisible et en grande partie « auto-porteur » :
De manière générale, la terminologie, propre à la réglementation minière est radicalement simplifiée : ainsi, on parle désormais de permis d’exploration ou d’exploitation, là où le code oppose aujourd’hui les deux notions de « permis de recherche » et de « concession ».
Surtout, les renvois au pouvoir règlementaire sont réduits au strict nécessaire. Ce parti de rédaction permettra de disposer plus vite d’un code complet, peu de dispositions réglementaires étant nécessaires pour le rendre applicable.
Une réaffirmation du modèle minier français :
Après débat, le groupe propose de maintenir, en le modernisant, le modèle minier français qui repose sur le rôle de l’Etat qui délivre les titres, les richesses découvertes dans le sous-sol étant des propriétés publiques, à l’opposé d’un modèle anglo-saxon fondé sur la propriété privée.
De même, un code unique est préféré là où d’autres pays distinguent les matières (hydrocarbures/autres ressources) ou les milieux (extraction terrestre/maritime). Enfin, l’idée d’une fusion avec le code de l’environnement a été écartée.
La nécessité de restaurer le rôle de l’autorité politique et de dégager un espace de débat national :
Le groupe de concertation propose que le niveau ministériel soit seul compétent pour prendre toutes les décisions minières au sens large, y compris les autorisations de travaux qui sont aujourd’hui délivrées, conformément à leurs compétences générales, par les préfets de département. Le ministre peut toutefois déléguer son pouvoir (voir l’article L.116-1 du projet).
Pour permettre des débats transparents sur la politique minière nationale, il est proposé de créer un Haut Conseil des mines. Ce Haut Conseil rassemblerait les parties prenantes et respecte la parité hommes-femmes. Il pourrait être saisi par le ministre chargé des mines ou tout ministre intéressé de toute question relative au droit minier, ainsi qu’aux décisions administrative relatives aux activités minières.
Est proposée, dans un même ordre d’idées, l’élaboration d’un Schéma national minier de valorisation et de préservation du sous-sol (voir les articles L112-1 et suivants). La vocation de ce schéma serait de disposer d’une définition des orientations générales de la politique minière nationale. Le groupe propose que ces orientations puissent englober non seulement les données géologiques relatives au sous-sol et à ses ressources mais aussi aux techniques. Cependant, la question de la portée de ce schéma – opposable à des décisions publiques, ou forum de discussion pour dessiner des consensus et des donner des références, - continue de faire débat au sein du groupe. Ce serait, - mais selon le cas, avec une portée juridique très différente, - le moyen de se prononcer au niveau national et en toute transparence sur ce qui est acceptable, ce qui ne l’est pas et ce qui est exclu. Il est précisé que l’interdiction générale et absolue d’utiliser cette technique qui a été validée par le Conseil constitutionnel le 11 octobre dernier, n’est en rien remise en cause par cette réforme.
L’information et la participation du public au cœur de la réglementation minière :
Le groupe propose une avancée considérable en matière d’accès de tous aux informations : ni le secret industriel et commercial, ni le droit de propriété intellectuelle ne seraient opposables au droit du public de consulter ou d’obtenir communication des informations relatives aux substances susceptibles d’être émises dans le sous-sol dans le cadre de la mise en œuvre des décisions administratives prises en application du code minier. (voir l’article L. 111-7 du projet).
Les consultations et autres avis obligatoires, souvent trop formalistes, sont réduites. En revanche, la faculté serait ouverte pour l’autorité chargée de prendre une décision de consulter qui elle veut, selon des modalités et des durées qu’elle peut fixer librement, l’objectif étant de pouvoir croiser les expertises et donner une place nouvelles aux associations de citoyens.
Serait créée une procédure renforcée d’information et de participation du public Cette procédure – destinée à rester exceptionnelle et à traiter les situations nouvelles , pour lesquels les procédures traditionnelles peuvent se révéler insuffisamment efficaces pour dissiper les incompréhensions et éclairer la décision - permettrait la constitution d’un « groupement momentanée d’enquête », réunissant l’ensemble des parties prenantes, qui disposerait du pouvoir de demander des expertises et de formuler un avis dont l’autorité qui délivre la décision doit tenir compte (voir les articles L115-1 et suivants du projet).
La totalité des décisions minières ayant un impact sur l’environnement seraient prises à l’issue d’une procédure d’évaluation environnementale et donc de participation du public. Cet enrichissement des garanties environnementales est jugé nécessaire pour sortir les procédures d’instructions actuelles de l’ « opacité » qui les caractérise du point de vue tant des demandeurs que des élus locaux et des populations. De nombreuses décisions sont aujourd’hui prises sans enquête publique, ni information locale.
Une clarification et une simplification des procédures minières :
Est envisagée la création d’une distinction entre les recherches purement académique n’ayant pas vocation à déboucher sur une exploration suivie d’une exploitation, d’une part, et l’exploration préparatoire à une éventuelle exploitation, d’autre part. Seul le permis d’exploration débouchant sur une exploitation avec droit exclusif nécessiterait désormais une autorisation.
Les délais des procédures du code minier, qui sont aujourd’hui très exorbitants du droit commun (quinze mois pour une prolongation d’un permis de recherche et deux ans pour la délivrance d’une concession), seraient réduits par la loi. Cette méconnaissance de la séparation entre législatif et réglementaire a paru nécessaire, compte tenu du fait que ces délais sont fixés par la loi et qu’ils sont très dérogatoires au droit commun de la loi DCRA.
Dans l’attente de la remise en janvier 2014 par le Conseil d’Etat de ses travaux sur l’approbation tacite des demandes administratives, Thierry TUOT propose, à titre provisoire, un mécanisme d’approbation tacite pour les titres miniers (voir les articles L. 231-7 et L 251-7 du projet) dont les contours exacts devront ultérieurement être discutés tant dans leur principe (toutes les décisions peuvent -elles être concernées ?) que dans leur modalités (forme et délais de naissance des décisions, etc...).
Une prise en compte effective des enjeux environnementaux dans les procédures d’instruction des titres
L’activité minière étant une activité industrielle qui ne présente pas de particularités telles qu’elles justifieraient de lui réserver une réglementation propre, il est proposé de lui appliquer, pour la conduite de la procédure seulement, bien entendu, le fond des décisions restant déterminé au regard des exigences du code minier, la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) au moins en ce qui concerne les travaux miniers. Ce basculement vers la réglementation des ICPE est, outre une simplification majeure, une garantie de prise en compte des enjeux environnementaux.
Une des difficultés actuelles de la réglementation minière réside dans le fait qu’au moment où un opérateur dépose une demande de permis de recherche, il n’est pas tenu de fournir des éléments précis sur les travaux qui ne sont, à ce stade, que prévisionnels. Il est, dès lors, difficile d’avoir une évaluation environnementale sérieuse de l’impact du permis demandé. L’impact environnemental n’est pris en compte qu’au moment de l’autorisation des travaux. Pour réduire ce hiatus, aux articles L. 231-2 et L. 251-2 du projet, il est proposé de faire obligation au demandeur d’un permis d’exploration de mentionner «la manière dont le demandeur compte procéder à l’exploration de l’aire géographique sur laquelle porte sa demande ». La mention de « la manière dont le demandeur compte procéder » est une disposition inspirée de la directive 94/22/CEE du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 1994 sur les conditions d’octroi et d’exercices des autorisations de prospecter, d’explorer et d’exploiter les hydrocarbures. Elle établit un lien « technique » entre le permis et les travaux.
Un renforcement de la sécurité juridique des projets et des activités :
La création d’une nouvelle procédure dite de « de rescrit procédural » est proposée. Il s’agirait d’ouvrir à l’opérateur la faculté de soumettre au juge, avant la phase de délivrance de l’autorisation, les difficultés qu’aurait éventuellement soulevées la procédure. La procédure pourrait alors, le cas échéant, être rectifiée avant que l’autorisation ne soit délivrée. Une fois la procédure validée par le juge, aucun moyen tiré d’une irrégularité ne pourrait plus être soulevé à l’occasion d’un recours ultérieur. (Voir l’article L.122-1 du projet).
Les titres et les travaux miniers seraient soumis, au plan juridique, à un régime de plein contentieux alors qu’aujourd’hui, ils relèvent du recours pour excès de pouvoir. Le juge disposerait ainsi de pouvoirs plus étendus et pourrait modifier la décision attaquée dans des délais améliorés. (Voir l’article L. 121-1 du projet).
Les activités minières sont des activités industrielles qui exigent un haut niveau de compétences techniques et comportent des risques dont les répercussions peuvent être de longue durée. Le sérieux technique et financier des opérateurs est un des éléments clefs de l’instruction des demandes de délivrance de permis. Toutefois, lors de la phase de recherche, des opérateurs nouveaux se créent qui peuvent prendre la forme de sociétés par actions simplifiées (ou SAS). Il s’agit le plus souvent de filiales de groupes. Cette forme juridique de société, qui autorise un mode de fonctionnement très souple et permet aux associés qui doivent être des personnes morales d’être, en grande partie, libres de l’organiser comme ils le souhaitent sans les obligations, plus strictes, imposées aux sociétés anonymes, en matière de constitution de capital. Il est donc proposé de restreindre l’accès de ces formes juridiques, trop ténues pour être contrôlables, aux procédures de délivrance des titres miniers (voir le 2ème alinéa des articles L. 231-1 et 251-1).
Pour remédier aux incertitudes juridiques quant à la possibilité légale pour des installations minières de passer outre aux prescriptions des documents d’urbanisme, il est proposé de basculer vers la procédure de la déclaration d’utilité publique (la DUP) quand les prescriptions d'urbanismes ne sont pas compatibles ou en l’absence d'accord des propriétaires des parcelles concernées par ces installations.
Une rénovation du dispositif national de gestion de l’ « après-mines » :
La France dispose d’un riche passé minier. Il marque encore de nombreuses régions. Des dispositifs ont été prévus de longue date pour remédier aux dégâts de l’après mines dans les anciens bassins. Le groupe constate que ces dispositions, qui sont nées au gré des circonstances et des difficultés rencontrées en Lorraine et dans le Nord, sont toutefois demeurées trop éparses. Le groupe propose de réaffirmer les valeurs de solidarité nationale en mettant en place un régime de solidarité clarifié. Ce régime poserait le principe que la responsabilité de la gestion de l’ « après-mines » incombe à l’exploitant. En cas de disparition de celui-ci, il serait possible de rechercher la responsabilité de celui qui a bénéficié de l’exploitation ou qui en a assuré la conduite effective. Il s’agit, dans ce dernier cas, d’une avancée pratique et symbolique majeure, inspirée du droit fiscal, et qui vise à « paralyser » d’éventuelles tentatives d’opérateurs de rapatriement des profits dans une structure étrangère laissant ainsi exsangue la société française d’exploitation au moment où sa responsabilité est engagée : il sera possible de franchir les frontières (des personnes morales comme des pays) pour aller chercher, le cas échéant, le responsable des fautes commises.
Il est proposé de créer un Fonds national de l’après-mine alimenté par les ressources dégagées par la fiscalité minière (voir les articles L 432-1 et suivants du projet). Il ne s’agirait pas d’une nouvelle structure, mais d’un compte à la Caisse des Dépôts et Consignations qui souscrit les polices d’assurance correspondant aux différents scénarii de risques envisageables pour les activités minières. L’objectif est l'indemnisation des dommages liés à l'activité minière présente ou passée par la remise en l'état du bien sinistré. Le groupe propose de l’étendre non seulement aux habitations autres que les résidences principales, mais à tous les biens affectés, la Constitution ne permettant pas de traiter différemment, de ce point de vue, les propriétés.
Il est également proposé l’ouverture d’une procédure d’action de groupe (ou « class action ») pour les artisans et professions libérales (voir l’article L. 432-9 du projet).
Enfin, la distinction actuelle, jugée inéquitable, entre les contrats de mutation immobilière comportant une clause exonérant l’exploitant de la responsabilité des dommages liés à son activité et ceux n’en comportant pas serait supprimées. Toute clause de ce type serait frappée de nullité.
Une fiscalité minière renouvelée :
Les retombées fiscales de l’exploitation bénéficient aujourd’hui peu aux collectivités territoriales alors pourtant qu’elles hébergent les installations sur leurs territoires :
− Il est donc proposé d’étendre le bénéfice des redevances pour les collectivités territoriales, en fonction des sujétions et impacts de toute nature générés sur leur territoire par les installations ;
− Il est également proposé qu’une partie de la redevance puisse être fixée, de manière conventionnelle, entre les collectivités territoriales bénéficiaires et le titulaire du titre minier, avec une procédure de délibération des collectivités.
L’exploitation d’une ressource minière n’étant pas linéaire, elle génère des profits qui, eux- mêmes, ne sont pas constants dans le temps :
Il est donc proposé que le montant des redevances puisse être revu périodiquement pendant toute la durée du titre minier afin de tenir compte, notamment, de la variation des cours mondiaux des substances exploitées, d’avancées technologiques ou de tout élément pouvant faire varier la production et les profits qui en sont retirés.
L’amélioration de la prise en compte des spécificités ultra-marines :
Il s’agissait d’un des objectifs de la réforme engagée. Des propositions ont été présentées par le ministère des outre-mer le 11 juin 2013 après constitution d’un groupe de travail composé d’experts et d’élus ultra-marins. Les propositions du ministère des outre-mer, qui devront être validées par le Gouvernement, seront intégrées au projet de réforme du code minier par une ordonnance, dans la mesure où les enjeux s’inscrivaient dans le cadre de l’évolution politique, économique et sociale des outre-mer, que le groupe n’avait pas vocation à aborder.
Les Ministres du Redressement productif, de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie et des Outre-mer, ont tenu à remercier Thierry TUOT et son groupe de l’ampleur et de la créativité du travail ainsi réalisé.
Le Gouvernement dispose de nombreuses pistes et d’alternatives qu’il devra arbitrer. Une fois les arbitrages rendus, une saisine de la Commission supérieure de codification et du Conseil d’État pourrait avoir lieu début 2014 afin de recueillir leur avis. Ce calendrier permettrait de présenter le projet de loi en Conseil des Ministres puis de le déposer au Parlement au printemps 2014.
Enfin, le projet de code comportant peu de renvois à des textes réglementaires d’application, sa mise en œuvre pourrait être rapide.