Comment étudier les fonds de la réserve naturelle marine de La Réunion ? Avec des drones…
A partir du 22 septembre et pendant environ une semaine, une équipe de scientifiques de plusieurs organismes de recherche a conduit diverses opérations dans la Réserve naturelle marine de La Réunion, notamment dans la zone de la Passe de l'Ermitage et dans la zone de Boucant Canot. Un drone (petit avion sans pilote) équipé d'un capteur hyperspectral sera notamment testé. Il effectuera de multiples mesures au-dessus des divers types d'habitats hébergés par le lagon.
Pilotée par l'Ifremer, le CNRS et l'UBO via l’IUEM, la mission Hypercoral vise in fine à contribuer au développement d'une méthodologie innovante de cartographie des habitats benthiques (fonds) récifaux du littoral réunionnais à partir d'images hyperspectrales aéroportées.
Pourquoi cartographier les récifs coralliens de La Réunion ?
Les milieux récifaux hébergent des habitats très variés et complexes, favorables à l’installation d’une biodiversité très riche. La caractérisation et la surveillance de ces milieux par les méthodes traditionnelles (stations, transects) est rendue complexe par leur hétérogénéité importante. L’intérêt d’une approche plus globale et surfacique, plus représentative de la diversité des composantes du milieu, est un des atouts de l’approche hyperspectrale.
Elle permet ainsi une cartographie et une caractérisation des habitats, voire d’identifier l’état écologique des milieux. En cela, elle présente un intérêt particulier pour la mise en œuvre de la Directive européenne Cadre sur l'Eau (DCE) dans les eaux côtières ultramarines.
Cette directive établit un cadre pour la préservation et la restauration des eaux de surface, souterraines et côtières des Etats Membres de l’Union européenne. Elle leur impose notamment de mettre en place différents réseaux de surveillance et des indicateurs permettant d’évaluer l’état écologique et chimique des masses d’eau. Dans ce contexte, un des objectifs du projet Hypercoral est de développer des méthodes de traitement automatique des données hyperspectrales dans le but de cartographier et caractériser les habitats récifaux. A terme cela permettrait d'utiliser l’imagerie hyperspectrale pour les suivis au titre de la DCE.
La Réunion et ses plateformes récifales, notamment celle de la Saline-l’Ermitage, constituent un laboratoire pilote pour ces développements méthodologiques, qui pourront ensuite profiter plus largement aux autres milieux récifaux de l’océan Indien (Mayotte, iles Eparses...) et d’ailleurs.
L'imagerie hyperspectrale : c'est quoi ?
L’imagerie hyperspectrale est une technique de télédétection qui permet de caractériser les différents constituants du milieu grâce à leur spectre lumineux spécifique. Une image hyperspectrale peut, mieux qu’une simple photographie aérienne, différencier les longueurs d’ondes réfléchies et permettre d’identifier la nature des objets ou des structures étudiés. En effet, chaque objet absorbe et réfléchit la lumière solaire incidente d'une manière qui lui est propre. La réflectance mesurée (part réfléchie de la lumière incidente) permet donc d'identifier la nature des objets, à condition que leur "signature hyperspectrale" soit connue.
L’application de cette technologie hyperspectrale aux milieux récifaux est particulièrement innovante et porteuse de promesses.
Un drone au-dessus de la Réserve naturelle marine de La Réunion...
Les opérations de terrain programmées à partir du 22 septembre dans la zone de la Passe de l'Ermitage et dans la zone de Boucan-Canot visent trois objectifs complémentaires et nécessitent d'être menées de manière simultanée dans le temps et dans l'espace :
1) Mesure des propriétés optiques de l'eau, avec notamment des échantillonnages d'eau.
2) Acquisition d’images hyperspectrales à l'aide de drones. Une série d'images hyperspectrales sera acquise sur les zones couvrant le périmètre des mesures in situ. Ces images seront enregistrées au moyen d'un capteur miniaturisé porté par une technologie Drone. L'appareil, contrôlé en temps réel depuis le sol, survolera la zone de travail à une altitude comprise entre 50 et 150 m. Portée par l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), partenaire européen du projet HYPERCORAL, cette opération d'acquisition s'inscrit également dans un cadre plus large de travaux de recherche et développement dédiés à ces nouvelles technologies.
Ces expérimentations aéroportées constituent la partie la plus novatrice de cette campagne de mesures. En effet, la technologie drone (petit avion sans pilote) tend à moyen terme à remplacer une partie des acquisitions hyperspectrales faites par avion car elle bénéficie de très grands avantages associant la souplesse d’utilisation et un coût d’acquisition fortement réduit.
3) Mesures des réflectances des différents types de fonds. Il s'agit de mesurer les valeurs de réflectance in situ de différentes cibles représentatives des types d’habitats rencontrés. Ces données de réflectance in situ, acquises en même temps que les images hyperspectrales, seront utiles à toutes les étapes de traitement et de post-traitement.