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Parce que 2/3 des forêts françaises sont privées, l’Etat choisit de brûler celles publiques…

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Parce que 2/3 des forêts françaises sont privées, l’Etat choisit de brûler celles publiques…

Parce que 2/3 des forêts françaises sont privées, l’Etat choisit de brûler celles publiques…

« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ; car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont ».

Cette première phrase de René Descartes, dans « Le discours de la méthode » résume assez bien les facultés des hommes à raisonner, et qu’il ne suffit pas de disposer du bon sens encore faut-il en user de meilleures manières.

Etant donné que tous sommes doués de raison, il faut admettre que nous ne sommes pas semblables dans la manière et l’exercice de réfléchir, ou bien dans cet article précis dans celui de spéculer. En effet, il semble bien que nos pouvoirs publics ne soient doués de raison, mais plutôt capables de spéculer ….

Le mercredi 24 septembre, la Cour des comptes a rendue publiques ses observations définitives sur l’Office national des forêts (ONF) et n’a pas manqué de blâmer cet organisme créé en 1966 en raison d’une gestion et d’une situation financière préoccupante.

Plutôt que de soucier sur la gestion multifonctionnelle et durable des forêts et des espaces naturels, la Cour des Comptes s’est plutôt attachée à formuler ses propres raisons envoûtées par la réduction des déficits publics. Conclusion, la Cour réclame à l’ONF de se débarrasser de ses filiales et du fonds stratégique Bois, et bien entendu de réduire ses dépenses de recherche qui ne semblent pas être sa mission principale et de céder ses centres de formation. Bref un démantèlement en règle d’une institution qui a permis de faire des forêts publiques françaises un des plus beaux patrimoines forestiers européens.

Mais ce rapport de la Cour des Comptes tombe à pic puisqu’il se coordonne avec la prochaine loi de finance prévoyant une forte augmentation des frais de garderie demandés par l’Etat aux 11 000 communes forestières. Les frais de garderie constituant la contribution de ces communes au financement de la mise en œuvre, du régime forestier, par l’Office National des Forêts, dans les forêts publiques conformément aux dispositions du Code Forestier. Dans les projets de Bercy les frais de garderie passeraient de 12 à 18% pour les communes de plaines et de 10 à 15% pour les communes montagnardes. La taxe à l’hectare de forêt gérée passerait également, en 3 ans, de 2 à 14 € par hectare !!! Par ces décisions, l’Etat reviendrait sur les dispositions du contrat pluri annuel qu’il a pourtant signé, pour la période 2012-2016, avec les communes forestières et l’ONF. Ainsi l’Etat choisirait de ne plus honorer sa signature et de casser un contrat établi conformément aux dispositions du Code Forestier.

Ce régime forestier constitue "un ensemble de garanties permettant de préserver la forêt sur le long terme forestier : il constitue un véritable statut de protection du patrimoine forestier contre les aliénations, les défrichements, les dégradations, les surexploitations et les abus de jouissance" explique l’ONF. Pour la Cour des Comptes, les missions de l’ONF, à savoir, gestion des forêts domaniales, gestion des forêts des collectivités, mise en œuvre de missions d'intérêt général et réalisation de prestations de services, sont déficitaires. Et donc la Cour précise à l’ONF d'augmenter la production de bois, comme le prévoit le contrat d'objectifs et de performances (COP) 2012-2016 signé avec l'Etat, et la Fédération nationale des communes forestières (FNCoFor). L’Etat s’étant saisi de cette problématique a donc appuyé son raisonnement en prévoyant qu’une partie importante des charges de gestion des forêts publiques soit transférée de l’Etat vers les collectivités territoriales en mettant en avant deux mesures inscrites dans ce projet de loi, obliger les collectivités ne respectant pas leur programme de coupes à en donner une justification au préfet et l'engagement de la FNCoFor dans le cadre du contrat d'objectifs et de performance 2012-2016.

"Les collectivités territoriales, propriétaires de près des deux tiers des forêts publiques, peuvent choisir de ne pas effectuer de coupes alors même que les aménagements forestiers qu'elles approuvent le prévoient. L'ONF ne maîtrise donc pas les volumes mobilisés par les forêts des collectivités, ce qui rend difficile le pilotage de l'ensemble de la ressource de bois disponible à la vente", explique le premier ministre, dans sa réponse au rapport de la Cour, datée du 22 août dernier.

Résultat, les communes forestières, annonçant qu’elles ne pourront pas assumer cette nouvelle charge, dénoncent ce projet et évoquent une privatisation de la gestion de leurs forêts. Fortement préoccupées par cette perspective, les organisations syndicales des personnels de l’ONF se mobilisent pour défendre le service public forestier. "Alors que ce même État s'apprête à apporter 70 millions d'euros par an pendant 20 ans au projet d'E.ON à Gardanne, méga projet privé de centrale biomasse qui est une aberration économique et écologique, il continue de déstabiliser l'établissement chargé de mettre en œuvre le régime forestier", s'insurge le Snupfen.

Idem du côté du collectif SOS-Forêt France qui dénonce "un accord en trompe l'œil" sans que les syndicats de forestiers ni les associations n'aient été consultés. "Ces mesures vont, au final, dans le sens d'une privatisation à terme de la gestion des forêts publiques et une intensification des prélèvements de bois", juge le collectif.

De la même manière France Nature Environnement (FNE) estime nécessaire l'abandon du projet de transfert du financement de l'ONF par l'Etat vers les communes, et dénonce la pression exercée sur l'établissement public. "La recherche de rentabilité à court terme, au détriment de l'avenir à long terme des forêts publiques serait inacceptable et contre-productive. Ces forêts assurent des fonctions environnementales essentielles à toute la société", prévient Denez l'Hostis, président de FNE.

Dans une logique de production, l’état souhaite pour atteindre plus de volume et pour répondre aux besoins standardisés du marché du bois, soutenir une culture exclusive d’espèces résineuses plus rentables à court terme. Des cultures moissonnées tous les trente ou cinquante ans, en somme appliquer les méthodes de l’agriculture intensive. Plutôt que celle d’une culture intensive, dont on s’aperçoit des dégâts qu’elle a engendré dans l’agriculture, les vrais enjeux pour produire davantage doivent s’axer sur la préservation de la ressource et donc de la biodiversité, en maintenant des sols fertiles, capables de fournir de l’énergie et des bio-matériaux d’origine végétale. D’autant plus que les forêts locales aux essences multiples offrent un intérêt environnemental et macro-économique.

Enfin, il est bon de rappeler que 2/3 de la forêt française sont des zones de propriétés disséminant ainsi l'offre et empêchant la naissance d'exploitation forestière capables de fournir et assurer l'approvisionnement régulier du marché. Conclusion, les mesures gouvernementales ne représentent que des incitations à brûler nos forets françaises publiques.

Le bon sens voudrait que tout ce qui est envisageable est raisonnable, mais c’est aussi la propension à bien juger pour bien faire et juger du mieux pour faire de son mieux.


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