La France, le pays le plus avancé en terme de Bail vert signé à ce jour.
Une enquête internationale publiée par la RICS (Royal Institution of Chartered Surveyors) sur le « Bail vert et Annexe Environnementale » en France, en Allemagne et dans les pays anglo-saxons en analysant les différentes étapes d’avancement et en rassemblant des retours d’expérience afin d’identifier les premiers enseignements.
Apparu en premier en Australie et au Canada, des pays qui connaissent des conditions environnementales extrêmes, sècheresses pour le premier et grand froid pour le second, le bail vert a permis d’activer de nombreux leviers. En effet, après s’être dotés de certifications du bâti (respectivement Green Star Rating et LEED Canada) inspirées du breeam britannique, les acteurs ont rapidement compris que les performances énergétiques et environnementales d’un immeuble n’étaient atteintes et « durables » qu’à condition que preneurs et bailleurs travaillent dans une étroite collaboration, dans le respect d’engagements réciproques.
Début 2009 un « mode d’emploi » du bail vert a été rédigé en Grande Bretagne (“tool kit” du Better Buildings Partnership).
L’annexe verte est devenue un sujet d’étude en France dès 2009, grâce aux travaux du Plan Bâtiment Grenelle, auxquels la RICS France a participé, via notre groupe professionnel « environnement – développement durable ».
Dès 2010 et surtout à partir de 2011, quelques investisseurs français ont décidé de mettre en œuvre l’annexe préconisée afin de consacrer des engagements environnementaux partagés avec leurs locataires.
L’article 8 de la loi du 12 juillet 2010 dite « Grenelle 2 », codifié à l’article L125-9 du Code de l’Environnement, a instauré l’obligation de convenir d’une annexe environnementale ; le contenu de celle-ci a été précisé par le décret publié le 31 décembre 2011.
L’étude réalisée par RICS s’interroge donc sur le niveau réel d’avancement de ce sujet dans les pays anglo-saxons. Elle montre que sur ce plan la France, bien qu’engagée tardivement dans cette démarche, est le pays le plus avancé en terme de contrats signés à ce jour.
En Australie et au Canada l’obligation de recourir à des baux avec clauses ou annexes « vertes » s’applique uniquement aux agences gouvernementales. En Australie, cette obligation concerne les baux portant sur plus de 2 000m2 ; en deçà de ce seuil, les agences gouvernementales sont fortement invitées à recourir à des baux incluant des clauses environnementales. Au Canada, cette mesure ne concerne que les baux portant sur plus de 10 000m2.
En France, cette obligation concerne les baux tertiaires (en faveur d’entreprises publiques ou privées) portant sur des locaux de bureaux ou de commerces de plus de 2 000m2.
L’étude mentionne que le législateur français a choisi d’inscrire une obligation d’annexe environnementale dans la règlementation. Ce choix fait suite aux réflexions du « Plan Bâtiment Grenelle » présidé par Philippe Pelletier, initiative qui a conduit à la création de près de 20 groupes de travail où les différents métiers du bâtiment et de l’immobilier sont représentés. Sa vocation est de favoriser la prise en compte de façon réaliste et concrète ces métiers aux différents stades de la vie d’un immeuble :
• le groupe de travail « parc tertiaire privé » a proposé l’obligation d’une annexe environnementale dans ses Recommandations au comité de pilotage du PBG.
• Le principe d’annexe environnementale aux baux tertiaires portant sur plus de 2 000m2 a constitué l’article 8 de la Loi Engagement National pour l’Environnement du 12 juillet 2010 codifié à l’article L. 125-9 dans le Code de l’Environnement.
• Le décret d’application a été été publié au JORF le 31 décembre 2011. Ce décret d’application reprend et précise les publics concernés par l’obligation et son contenu.
Les recommandations du groupe de travail « parc tertiaire privé » ont été respectées dans la mise en application à travers le décret du 30 décembre 2011 (chapitres 1.2 et 1.3 du présent document).
La France est donc le seul pays dans le périmètre de l’enquête ayant opté pour une obligation réglementaire.
Quid des autres pays étudiés :
Au Royaume-Uni, le contexte britannique est similaire aux contextes allemand et français : le Royaume-Uni doit également se conformer aux objectifs européens de performance environnementale. Le pays élabore une règlementation en matière de bâtiment durable sur un rythme proche de ses homologues européens : obligation de Energy Performance Certificates (Energieausweis en Allemagne et équivalent des Diagnostics de Performance Energétique en France), obligations règlementaires liées aux émissions de carbone (Carbon Reduction Commitment) etc.
Le modèle en matière de clauses vertes en Grande Bretagne est le fruit d’une démarche partenariale entre une agence gouvernementale et les principaux acteurs de l’industrie immobilière britannique.
La London Climate Change Agency (LCCA) a joué un rôle primordial dans l’élaboration et la diffusion d’un Toolkit (boîte à outils / guide pratique) pour baux verts : le Better Buildings Partnership, division de la LCCA pour le secteur immobilier et de la construction, a édité en avril 2009 cette boîte à outils afin de donner des guides pour la mise en place de clauses environnementales dans les baux tertiaires. Ces modèles de clauses environnementales sont proposés sous deux formes, en fonction de l’appréciation des utilisateurs :
• Une annexe désignée sous le vocable anglophone de Memorandum of Understanding : ce format permet une négociation indépendante du bail classique, l’accord pouvant notamment être convenu durant les termes d’un bail en vigueur : ce MoU définit les engagements convenus en matière de bonnes pratiques, que ce soit de la part du preneur comme du bailleur ;
• Des clauses à insérer dans le bail tertiaire, complétant le MoU et permettant surtout d’ancrer dans le bail les modalités d’élaboration et de suivi des engagements contractés dans le MoU : composition du comité de partenariat, responsabilités du comptage énergétique et environnemental, etc.
Les principales foncières britanniques ont contribué à l’élaboration de ce Toolkit. Celles qui ont été contactées dans le cadre de cette étude avaient ainsi pris comme trame celles proposées par le Better Buildings Partnership. Les premières initiatives d’intégration de clauses vertes dans des baux tertiaires datent de 2010.
En Allemagne, l’industrie immobilière allemande considère globalement que la priorité est à donner à l’adoption de certifications afin d’améliorer la performance énergétique et environnementale du bâti. La démarche de certification DGNB , créée en 2009 et majoritairement utilisée en Allemagne, prend en compte l’ensemble des problématiques liées à la performance intrinsèque, à l’analyse du cycle de vie et à l’exploitation.
De plus, la règlementation allemande de l’immobilier (pas seulement dans le secteur résidentiel) est fortement organisée en faveur des locataires : en matière d’utilisation du bâtiment, les bailleurs allemands semblent hésitants à ajouter des exigences environnementales dans les conventions locatives tertiaires.
L’élaboration de clauses « vertes » dans les baux tertiaires est très récente en Allemagne : les foncières leaders engagées sur le plan du développement durable ont entamé des réflexions sur cette mise en place courant 2011 : au moment de l’enquête, Allianz Real Estate finalisait des clauses environnementales à intégrer dans ses baux tertiaires susceptibles de s’adapter à divers marchés immobiliers européens voire au-delà (la société est aussi implantée à Singapour). Notre recensement n’a pas permis de constater de signature effective de bail avec clauses environnementales sur le marché immobilier tertiaire allemand.
Aux Etats-Unis, la mise en place de baux verts est apparue sur le marché immobilier nord américain à partir de 2007, puis a été favorisé par l’effondrement du marché immobilier neuf, qui a accentué l’intérêt en faveur de la rénovation « verte » des immeubles existants. L’arrivée des certifications sur les bâtiments existants a également joué un rôle positif.
Traditionnellement, certains baux contiennent des clauses organisant un partage des dépenses de travaux destinés à réduire les coûts d’exploitation. Néanmoins, il est souvent difficile d’attribuer la responsabilité au bailleur ou au preneur en cas de mauvaise performance énergétique.
La mesure et le partage des données de consommation d’énergie et d’eau est donc probablement le principal enjeu pour l’émergence de baux verts aux Etats-Unis.
La mise en place de baux verts aux Etats-Unis est concentrée sur les secteurs géographiques où le marché immobilier est le plus dense, et sur les grands portefeuilles d’actifs. Dans le cadre de l’enquête 2013 du Global Real Estate Sustainability Benchmark (GRESB), 36% des sociétés qui ont répondu ont indiqué qu’elles utilisaient des baux verts (vs 39% en Europe). Même en prenant en compte le biais de l’autosélection des répondant à l’enquête, et la notion floue de ce qui constitue un bail vert, l’enquête révèle qu’une part croissante des leaders de l’industrie immobilière considère le bail vert comme un sujet utile et pertinent.
De plus, de nombreuses collaborations entre acteurs de l’industrie immobilière prouvent l’intérêt croissant qu’ils portent au bail vert, par la mise en place d’outils, de modèles et de références afin d’assister les opérations dans leurs démarches. Parmi ces initiatives, nous pouvons citer :
• Le Building Owners and Managers Association (BOMA) a publié un Green Lease Guide dès 2008, et mis à jour son Guide pour la rédaction d’un bail existant, en y intégrant les problématiques de performance énergétique et environnementales du bâtiment concerné.
• La California Sustainability Alliance a créé un Green Lease toolkit en collaboration avec de nombreux bailleurs, locataires et organismes promouvant le développement durable en Californie.
• Squarefootage.com a publié un Green Model Lease en 2009 au terme d’un travail d’un an qui a associé des avocats, des bailleurs et des locataires.
• Le Guide for Landlords and Tenants publié en 2012 dans le cadre d’un partenariat entre le Rocky Mountain Institute (RMI) et le BOMA propose 5 catégories de bonnes pratiques pour guider le partenariat entre bailleur et locataire dans la négociation d’un bail vert.
• Le Manuel de révision des dépenses d’exploitation (Operating Expense Escalation Book) qui sera publié par le BOMA en 2013-2014 contient un chapitre intitulé « Devenir vert » (Going green).
• Une association de sociétés se l’industrie immobilière a créé une Green Lease Library, financée par le Département Fédéral de l’Energie, et gérée par l’Institute for Market Transformation. Cette base de données a été visitée par 25 000 personnes dès la première année. Elle contient des modèles de baux verts, des études et recherches réalisées sur le sujet et notamment des études de cas sur la mise en place de baux verts aux Etats-Unis et à l’international.
• Bien que la majorité des baux verts soient contractualisés dans l’immobilier de bureaux, un groupe d’environ 25 majors de la Retail Industry Leaders Association et de l’International Council of Shopping Centers a publié un manuel sur le bail vert dans l’immobilier commercial. Ce groupe de travail continue son travail de concertation et de pédagogie au sein du secteur.
Au Canada, la popularité du bail vert au Canada est, comme les autres formes de garantie d’exploitation vertueuse des bâtiments, difficile à cerner. Le pays est en effet relativement avancé sur certains aspects du développement durable. Territoire étendu riche en ressources écologiques, il a depuis plusieurs décennies amorcé des initiatives fortes en matière de protection de l’environnement : l’accord Canada-Ontario concernant l’écosystème des Grands Lacs est, par exemple, en vigueur depuis 1971. Néanmoins, les retours sur investissement à court terme qui sont attendus par une partie de l’industrie immobilière canadienne constituent un frein aux démarches de verdissement de l’activité.
« Les fonds de pension sont les structures les plus dynamiques sur la question des baux verts : ils sont plus ancrés dans des valeurs d’éthique et de morale. Les REITs, elles, ont pour enjeu fondamental la création de valeur et une rentabilité à court terme. »
Michael Brooks, président de REALpac, 12 août 2011.
Les premières initiatives de clauses vertes sont issues de l’Etat fédéral et des principales associations de l’industrie immobilière :
• La première initiative de bail vert est issue du gouvernement canadien : les services du Gouvernement fédéral ont l’obligation d’inclure des clauses environnementales dans les baux portant sur des locaux de plus de 10 000m2.
• La Real Property Association of Canada, association des propriétaires immobiliers canadiens, a élaboré un modèle de bail vert (Green office Lease) dont la dernière version date de 2010. Elle a également décliné le concept de guide destiné aux locataires : un Green Lease Guide for Commercial Office Tenants a été publié par l’association en janvier 2010, dans le même esprit que celui qui avait été élaboré par Investa et des institutions australiennes en 2006.
Les exemples d’application du modèle élaboré par REALpac sont pour le moment peu nombreux : on peut citer Morguard REIT qui a signé deux baux incluant des clauses vertes en 2010 et 2011 ; les responsables interviewés ont indiqué que ces baux ont été signés avec des locataires désireux de convenir d’engagements mutuels en termes de performance énergétique et environnementale.
Enfin, en Australie, Depuis désormais plus d’une décennie, l’Australie a pris en compte de manière volontariste les enjeux de développement durable pour l’immobilier. La lutte contre le changement climatique est une préoccupation majeure dans un pays qui dispose de conditions climatiques rudes (sécheresse et gestion cruciale des ressources en eau).
Le recours à des clauses environnementales dans l’immobilier tertiaire australien est dû à une dynamique issue d’acteurs différents mais qui ont travaillé en parallèle :
• depuis 2005, l’administration rend obligatoire, pour ses agences locales, de signer des baux incluant des clauses vertes pour des locaux de plus de 2 000m2, sachant que les collectivités publiques australiennes louent environ 30% du parc tertiaire privé national.
• dès 2001, la foncière Investa, leader en Australie, a intégré les problématiques environnementales dans ses activités, qu’elle retrace annuellement dans son rapport développement durable. Investa a été un interlocuteur de premier plan pour le gouvernement australien, dans la définition et la mise en œuvre des baux verts. Elle a rédigé en 2006 un modèle de bail vert, ainsi qu’un Green lease guide for commercial office tenants en partenariat avec la Ville de Sidney, l’Université de Technologie de Sidney et d’autres institutions publiques.
• en 2009, la RICS Oceania a publié un guide pour les clauses de performance environnementale (Guide to Environmental Performance Clauses).
Le partenariat entre bailleurs et preneurs est un élément important : les foncières australiennes qui ont été contactées durant l’enquête possèdent chacune un modèle de clauses vertes, toujours associé à un guide à destination des locataires. Le guide édité par la RICS Oceania constitue une trame de convention entre bailleurs et preneurs, dans l’esprit d’une « check-list » indicative.
Les baux et annexes environnementaux australiens sont très orientés sur le suivi instrumenté de la performance énergétique et environnementale des immeubles : le lien est très étroit entre les standards nationaux de suivi de le performance environnementale et les engagements du preneur en matière de reporting.
Dans ses conclusions, l’étude montre que l’incidence sur le loyer bénéficie d’un impact réel. En définitive, lorsque l’annexe verte s’inscrit dans une démarche de verdissement d’un parc immobilier et qu’elle est adossée à un véritable plan d’actions destiné à améliorer la performance énergétique et environnementale de celui-ci, le taux de capitalisation retenu par les experts doit indéniablement en tenir compte et, par voie de conséquence, la valeur vénale doit en bénéficier. Cette position est largement partagée dans les différents pays où l’enquête a été réalisée ; néanmoins, elle ne donne pas lieu à l’application d’un barème ou d’une grille partagée. Les différents travaux menés sur la valeur verte ne permettent pas d’envisager la définition d’un tel dispositif à court terme.