Quantcast
Channel: Le blog de l'habitat durable
Viewing all articles
Browse latest Browse all 2312

L’état mise sur le démembrement du droit de propriété, en instaurant Certivia, un fonds viager, gage sur le temps de vie…

$
0
0
L’état mise sur le démembrement du droit de propriété, en instaurant Certivia, un fonds viager, gage sur le temps de vie…

L’état mise sur le démembrement du droit de propriété, en instaurant Certivia, un fonds viager, gage sur le temps de vie…

Parce que les personnes âgées sont massivement propriétaires : 73 % des personnes âgées de 60 à 74 ans et 65 % de celles qui sont âgées de 75 ans ou plus sont propriétaires de leur résidence principale contre 55 % pour l’ensemble des ménages de France métropolitaine. Parce que les inégalités croissantes font que malgré un patrimoine, ces personnes âgées ne sont pas riches pour autant, surtout avec l’avenir des systèmes de retraites mal assuré. La population des personnes âgées constitue un groupe hétérogène sur le plan des ressources comme sur tous les autres plans. Cette population est en réalité constituée de générations différentes, ce qui est déterminant du point de vue des retraites, et constituée, au sein de chacune de ces générations, d’individus appartenant à des groupes sociaux différents, ayant eu des parcours professionnels différents.

Et pour ces différentes raisons, les pouvoirs publics ont souhaité prendre la mesure de ce que l’important patrimoine immobilier des personnes âgées pouvait receler de potentiel, …

La Caisse des Dépôts, CNP Assurances, Suravenir, AG2R LA MONDIALE, Groupama, Maif, le groupe Macif, le groupe Crédit Mutuel Nord Europe et Unéo ont annoncé le lancement de CERTIVIA, fonds dédié à l’achat et à la gestion de biens immobiliers en viager. Le projet poursuit deux objectifs : améliorer le pouvoir d’achat des retraités propriétaires d’un bien immobilier, stimuler et sécuriser le marché du viager en France en appliquant des standards de qualité élevés.

La CDC mise donc sur un marché lié au temps de vie en s’accaparant un patrimoine qui pour l’instant n’a qu’une valeur d’usage, du moins quand il s’agit de la résidence principale. Entre d’autres termes, un pari sur la mort d’un côté et pratique antifamiliale parce que dilapidatrice de l’autre… Les biens immobiliers constituent une forme d’épargne considérable….

Ce lancement d’un fonds viager investissement par la CDC achètera des biens immobiliers en viager occupé, ce qui permettra aux vendeurs seniors de rester dans leur logement tout en percevant un complément de revenus, grâce au versement d’un capital appelé bouquet, et de rentes leur vie durant. Doté initialement de 120 millions d’euros, le fonds pourrait par la suite atteindre jusqu’à 150 millions d’euros.

Une aliénation à fonds perdu. Réglementé par les articles 1964 à 1983 du Code civil ainsi que par la loi du 29 mars 1949, le contrat de vente en viager est un contrat écrit de vente par lequel un individu, appelé crédirentier, échange un bien immobilier ou mobilier ou un capital, contre une rente que lui devra jusqu’à sa mort un individu appelé débirentier.

Le contrat de vente en viager en combine deux autres. En ce qu’il ressortit à la vente d’immeubles, il est onéreux et synallagmatique3 ; en ce qu’il ressortit au contrat de rente viagère, il est successif et aléatoire. Mais ce qui le fonde absolument est son caractère aléatoire : « Sans caractère aléatoire, il n’y a pas de rente viagère » (Cass. civ., 5 mai 1982). Le contrat aléatoire se définit comme « une convention réciproque dont les effets quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l’une ou plusieurs d’entre elles, dépendent d’un événement incertain » (art. 1974 du Code civil). En l’occurrence, c’est la durée de vie du vendeur qui constitue l’aléa. D’où le terme de « viager » : il vient du vieux français viage qui signifie temps de vie. Parce qu’il est « successif », ce contrat impose que le paiement du bien soit pour l’essentiel effectué sous forme de versements échelonnés, ou arrérages. Ces derniers sont supposés être dépensés au fur et à mesure qu’ils sont perçus, c’est ce qui fait de la vente en viager une « aliénation à fonds perdu » : à la mort du vendeur, il n’y a plus rien dans la succession, « ni chose, ni rente ».

Un dernier rempart contre la misère ?

La gestion de CERTIVIA a été confiée à la société de gestion La Française REM aux côtés de la société Renée Costes Viager, leader du viager en France. Ces partenaires ont été sélectionnés à la suite d’une procédure de mise en concurrence.

Projet innovant porté par la Caisse des Dépôts et des investisseurs institutionnels de référence, CERTIVIA apporte une solution permettant de mobiliser le patrimoine immobilier des personnes âgées, afin de pallier la baisse anticipée de leurs revenus, tout en favorisant leur maintien à domicile. Il vise également à dynamiser le marché du viager, encore insuffisamment développé à ce jour, alors qu’il constitue une solution qui peut contribuer à répondre aux enjeux du vieillissement de la population.

Le viager : pourquoi ?

Le projet repose sur les constats suivants :

• Le vieillissement de la population française : selon l’Insee, le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans devrait progresser de plus de 8 millions d’ici à 2040, pour constituer plus de 30 % de la population française ;

• La tendance à la diminution relative des revenus observée chez les personnes âgées devant faire face à des dépenses supplémentaires ;

• 72 % des personnes âgées de plus de 70 ans sont propriétaires de leur résidence principale ;

• L’impossibilité pour la famille de loger les ascendants compte tenu des prix de l’immobilier.

En quoi la création de CERTIVIA est-elle une innovation ?

Dans un viager classique, l’acquéreur est un particulier. Dans le cas de CERTIVIA, c’est le fonds (« le débirentier ») qui achète les biens et qui verse à la personne âgée (« le crédirentier ») un bouquet et des rentes sa vie durant. Avec CERTIVIA, il n’existe donc plus de face à face entre deux personnes physiques, situation qui peut créer des blocages tant du côté des vendeurs que des acquéreurs. L’arrivée d’un acteur institutionnel tel que CERTIVIA sur le marché du viager permettra donc de stimuler et d’accompagner le développement du secteur.

La question désormais qu’il faudrait poser est de nature sociétales puisqu’elle place le contexte des relations intergénérationnelles à travers les registres socio-économique et sociologique. En effet, elle pose une réflexion sur l’inéquité entre générations, alors que la situation familiale en France ne cesse de s’aggraver, avec une pauvreté accrue de la jeunesse, comment admettre, individuellement, que les pouvoirs publics prennent la décision d’aggraver une disposition de ces derniers en désaccumulant pour leur propre usage ? La famille étant le siège d’échanges importants entre générations. Dans le sens descendant on observe des aides financières, matérielles et affectives, dans le sens ascendant les aides sont essentiellement matérielles et affectives (dans ce sens, les aides financières ne représentent que le dixième des aides descendantes). Cette asymétrie reflète des besoins objectifs, mais elle révèle aussi les normes qui président aux échanges intra-familiaux. L’autonomie des différentes générations en présence est une norme forte. « On a toujours besoin de donner à ses enfants, même quand on est vieux. On ne se contente pas de récolter ce qu’on a semé... selon un modèle simple de réciprocité généralisé », (Godbout J., 2000, p. 35)

« On a toujours besoin de donner à ses enfants, même quand on est vieux. On ne se contente pas de récolter ce qu’on a semé... selon un modèle simple de réciprocité généralisé », (Godbout J., 2000, p. 35)

Maupassant dans « Le petit fût » met aux prises une mère Magloire qui finit par se laisser convaincre de vendre sa ferme en viager à Maître Chicot, lequel lui offre force petits fûts de fine et qui, lorsqu’elle meurt « ...étant tombée, soule, dans la neige », lui fait cette oraison : « C’te manante, si alle s’était point boissonnée, alle en avait bien pour dix ans de plus ». Il faut dire qu’il l’avait attendu longtemps ce moment, murmurant à chacune de ses visites à sa coriace crédirentière « Tu ne crèveras donc point, carcasse ! », (Maupassant G., 1986, pp. 80 et 82). Le vieux Marabito de Pirandello vend lui aussi en viager. Sans cesse, son acheteur « le fixait d’un regard perçant et semblait vouloir l’avaler tout vivant comme une vipère dévorant une grenouille ». Mais Marabito se disait en lui-même « ‘Pour te faire rager, je veux tenir bon !’ Et il avait envie de se retourner et de lui faire les cornes ». Il « tient » en effet, mais à la longue, cette vente qui aurait dû signifier pour lui une vieillesse heureuse se transforme en boulet : « Il me reproche le pain que je mange et les quelques jours qu’il me reste à vivre ! » disait-il de son acheteur en pleurant comme un enfant », (Pirandello L., 1996, p. 20). Cependant, il enterre plusieurs acheteurs successifs, son statut de crédirentier semble lui accorder une éternité qui lui pèse et lui fait honte.


Viewing all articles
Browse latest Browse all 2312

Trending Articles