La problématique de la surconsommation d’eau des commerces en copropriété
L’ARC, association à but non lucratif, implantée actuellement sur plus de 14000 immeubles en copropriété, vient de publier un édito sur la problématique de la surconsommation d’eau des commerces en copropriété.
En effet, l’ARC a donc pu observé que le poste de l’eau représente parfois le premier poste de dépense au sein des copropriétés et surtout lorsque l’on note la présence de commerces qui peuvent, selon leur activité, être de gros consommateurs d’eau (coiffeurs, laveries, etc.).
Voici quelques exemples, à titre indicatif, de consommations journalières (en litres). Selon les activités commerciales :
|
Consommation en litres par jour |
Restaurant (30 clients) |
600 |
Salon de coiffure (3 employés) |
750 |
Petits bureaux (36 m2) |
144 |
Petits supermarchés (50 m2) |
100 |
Boulangerie (3 employés) |
600 |
Ainsi que le remarque l’association, dans certains petits immeubles, la part des commerces peut représenter 50 % de la consommation globale d’eau. Il est donc impératif de faire installer des compteurs divisionnaires ou d’obliger à des branchements particuliers, en s’assurant que l’alimentation spécifique distribue bien tous les points de puisage.
Si votre copropriété se trouve dans cette situation, il est vivement conseiller – si cela n’est pas encore fait – d’engager une action permettant d’individualiser la consommation des commerces.
En effet, une copropriété ne comportant pas de compteurs divisionnaires (Les compteurs divisionnaires sont les compteurs installés dans chaque lot pour décompter les consommations privatives ; ils servent à répartir la facture entre les différents copropriétaires, mais uniquement un compteur général d’eau (qui sert à établir la facture générale, payée par la copropriété : la consommation relevée sur le compteur général est répartie entre les copropriétaires selon les tantièmes), a pour conséquence de faire supporter à l’ensemble des copropriétaires la surconsommation éventuelle des commerces.
L’ARC donne différentes solutions pour individualiser la consommation d’eau des commerces :
1- L’individualisation des abonnements d’eau pour l’ensemble des lots
La pose de compteurs individuels pour l’ensemble des copropriétaires est la solution la plus adaptée. En effet, cela permet d’obtenir une gestion efficace des consommations ; le poste de l’eau sort des charges communes (efficace contre les mauvais payeurs) et chacun paie ses consommations directement auprès de la compagnie des eaux. La pose de compteurs avec un abonnement individuel permet de responsabiliser les copropriétaires sur leur consommation et est la solution la plus équitable : chacun paie réellement ce qu’il consomme !
(Les compteurs individuels sont des compteurs associés à un contrat de fourniture individuel, comme les compteurs d’électricité)
Des solutions techniques existent (compteurs radio-relevés avec vannes de coupure à distance) tandis que le coût des travaux peut être éventuellement subventionné. Tout ceci ne peut s’envisager qu’après une étude technique menée par le distributeur d’eau et en l’absence de production d’eau chaude sanitaire collective.
L’individualisation des abonnements d’eau se vote à l’article 25 (majorité absolue) et non plus à la majorité 26 depuis la loi ALUR du 26 mars 2014. Ainsi, si la décision est adoptée, elle s’impose à l’ensemble des copropriétaires.
2- L’individualisation des abonnements d’eau pour les seuls commerces
Il s’agit, dans ce cas, de faire poser des compteurs individuels dédiés pour les lots commerciaux avec un abonnement direct auprès de la compagnie des eaux.
Cette solution est moins coûteuse que la précédente (coût de la pose des compteurs et travaux supportés par les commerces). Elle permet de pallier le problème de la surconsommation des commerces mais ne responsabilise pas l’ensemble des copropriétaires quant à leurs consommations individuelles d’eau.
Comme nous l’avons déjà vu, cette décision se vote à l’article 25 et peut donc s’imposer aux seuls commerces si la décision est adoptée. Il s’agit ici d’appliquer le premier alinéa de l’article 10 de loi du 10 juillet 1965 relatif à la répartition des charges des services collectifs en fonction de leur utilité objective, critère d’ordre public, au regard des stipulations du règlement de copropriété.
Toute contestation de la part des propriétaires des locaux commerciaux pour abus de majorité va se heurter au principe d’utilité objective de l’eau, alors qu’il apparaît évident que la consommation d’un restaurant ne sera pas équivalente à celle d’un appartement habité. Cette question ne semble pas avoir fait l’objet de jurisprudence à ce jour.
La création d’une clé de charges spéciales d’eau pour les commerces et d’une clé de charges spéciales d’eau commune (les autres lots) va donc exclure les locaux commerciaux des charges d’eau commune de la copropriété.
Peut alors se poser la question de savoir si ces locaux commerciaux ne devraient pas participer à la consommation correspondant au nettoyage des parties communes ou à l’arrosage des espaces communs... Dans la plupart des copropriétés, la configuration des lieux est telle que les locaux commerciaux n’ont pas l’utilité de ces dépenses et il est donc logique qu’ils n’y participent pas. Dans de rares cas, il peut être prévu de transférer 5 à 10 % de la charge d’eau résiduelle des dépenses spéciales d’eau vers les dépenses générales dans un souci de parfaite équité.
Rappelons que les locaux commerciaux sont alors abonnés individuels et paient leur eau directement auprès du distributeur.
3. La pose de compteurs divisionnaires pour l’ensemble des lots
La pose de compteurs divisionnaires pour l’ensemble des lots permet à chaque copropriétaire de payer sa consommation.
La quantité résiduelle, appelé aussi « delta », correspond à l’écart entre la consommation globale relevé sur le compteur général et le total des consommations individuelles relevées sur les compteurs divisionnaires, écart qui ne devrait pas, en théorie, dépasser 5 % est répartie en fonction des millièmes.
Dans ce cas, il sera étudié l’opportunité d’acheter les compteurs, de les faire poser par un plombier et de les faire relever par les membres du conseil syndical ou par le syndic ou de passer par un prestataire pour la location, l’entretien et la relève contrat LER).
Cette décision se vote à la majorité de l’article 25 (majorité absolue).
4. La pose de compteurs divisionnaires pour les seuls commerces
Cette solution permet de poser des compteurs divisionnaires uniquement pour les commerces. Dans ce cas, les commerces paient leurs consommations (relevées sur les compteurs divisionnaires) et les autres copropriétaires se répartissent la différence (consommation relevée sur le compteur général moins la consommation relevée sur les compteurs divisionnaires des commerces) en fonction des tantièmes.
Dans ce cas, il apparaît préférable d’acheter les compteurs, de les faire poser par un plombier et de les faire relever par les membres du conseil syndical ou par le syndic plutôt que passer par un prestataire pour la location, l’entretien et la relève. Ces frais sont à supporter par le syndicat des copropriétaires.
Dans ce cas, la répartition des charges d’eau passe par la création d’une clé de charges d’eau privative pour les seuls commerces et une clé spéciale d’eau commune pour les autres lots. Le problème de participation des lots commerciaux aux dépenses d’arrosage ou de nettoyage des parties communes traité plus haut (compteurs individuels) est le même ici.
Cette décision se vote à la majorité de l’article 25 (majorité absolue).
Remarque :
Enfin, l’ARC précise que quelle que soit la solution retenue, il convient de bien inventorier toutes les canalisations d’alimentation de l’immeuble afin d’éviter tout oubli qui génèrerait un contentieux par la suite avec l’oubli du décompte d’une alimentation par exemple.
Pour ce qui est de la modification de la répartition des charges, celle-ci doit être votée par l’Assemblée générale, après la décision d’installation des compteurs, à la même majorité, l’article 11 de la loi du 10 juillet 1965 prévoyant cette modification de répartition des charges.