Rendre au ruisseau du Val des Choues son tracé originel en vue de restaurer la continuité sédimentaire et biologique
Publié par Life, un rapport fait mention d’effacement d’un chapelet de cinq étangs sur le ruisseau du Val des Choues situé en Bourgogne à Villiers-le-Duc.
Ainsi cette suppression d’étangs sur cours d’eau s’inscrit dans un cadre de multiples objectifs :
• Accroître le secteur colonisable par les écrevisses en supprimant les étangs et en rendant au ruisseau son tracé originel.
• Restaurer les habitats de la lamproie de Planer, du chabot et de la truite commune.
• Restaurer la continuité amont-aval (débits, continuité sédimentaire et biologique)
• Restaurer le cycle thermique naturel du cours d’eau.
Le ruisseau du val des Choues est un affluent de l’Ource de 5,5 kilomètre de long. Il coule sur un vallon calcaire à 80% sous couvert forestier. Son bassin versant s’étend sur 18km2. Le peuplement piscicole est constitué à priori de la truite commune, du chabot, de la lamproie de Planer, du vairon et de la loche franche. L’écrevisse à pieds blancs est présente en amont
Le cours d’eau dans la partie restaurée est distant d’environ 1,5 km pour une largeur moyenne d’environ 2 m avec une pente à 10 %.
En 1968, en vue de l’élevage de salmonidés, l’étang Narlin, ancien étang créé par les moines d’une abbaye, est transformé en un complexe de cinq étangs. Cet élevage se révélera non rentable et sera abandonné dès 1973. Cet aménagement est la cause des impacts observés sur le cours d’eau : déconnexion du cours d’eau et de son principal affluent, donc obstacles à la libre circulation piscicole et astacicole, modification thermique et apport d’espèces piscicoles indésirables. La fragmentation du ruisseau par les étangs entraine une modification du milieu et rend d’autant plus fragile la population d’écrevisses.
Photo 1 : L’étang le plus en amont est conservé. Il présente un intérêt patrimonial (historique et faunistique). Nicolas Poulet - Onema
■ Les opportunités d’intervention
Le Val des Choues fait partie du site Natura 2000 « Milieux forestiers du Châtillonnais avec marais tufeux et sites à sabot de Vénus ». Dans le cadre du programme Life Nature « ruisseaux de têtes de bassins et faune patrimoniale associée », ce site a été choisi pour un projet portant sur la restauration des populations d’écrevisses à pieds blancs.
L’association de pêche locale qui pêchait sur ces étangs a eu la possibilité de continuer ses activités sur d’autres étangs à proximité.
■ Les travaux et aménagements
La volonté des partenaires de ce projet était de réaliser les travaux les plus simples et les moins coûteux possibles (vidange puis ouverture des digues aval) et de suivre scientifiquement les processus d’ajustement géomorphologique et de recolonisation écologique.
La vidange des plans d’eau a été réalisée en deux temps : en juin 2006 les trois étangs amont ont été vidangés, une pêche de sauvetage a été réalisée. Les digues ont été ouvertes en août. En septembre 2006, les deux derniers étangs aval, qui servaient jusque là de décanteur, ont été vidangés, puis les digues ont été ouvertes en novembre.
L’étang situé tout en amont n’a pas pu être effacé car il possède une forte valeur patrimoniale (historique et faunistique). Cet étang était relié aux autres étangs par le cours d’eau et par un canal parallèle (à vocation piscicole). Afin de limiter les assecs du cours d’eau, l’intégralité du débit sortant de l’étang a été redirigée vers le ruisseau par démantèlement du seuil de partage des eaux assurant l’alimentation du canal et comblement partiel de ce dernier dans sa partie amont. Des aménagements permettant de diversifier les habitats dans le cours d’eau originel ont été réalisés (pose de blocs calcaires) et un moine hydraulique sur le plan d’eau amont a été posé.
■ La démarche réglementaire
Dossier d’autorisation au titre de la loi sur l’eau pour la mise en assec des étangs en forêt domaniale de Châtillon : 3.2.4.0 (A) : Vidanges d’étangs ou de plans d’eau
Dossier de déclaration au titre de la loi sur l’eau pour la deuxième tranche de travaux : 3.1.1.0 (D) : Installations, ouvrages, remblais et épis, dans le lit mineur d’un cours d’eau, constituant : 1°Un obstacle à l’écoulement des crues. 2°Un obstacle à la continuité écologique
3.1.2.0 (D) : Modification du profil en long et en travers 3.1.5.0 (D) : Destruction de frayères
■ La gestion
Aucune mesure particulière de gestion n’a été prise. L’objectif est de laisser la forêt environnante recoloniser le milieu de manière spontanée et naturelle.
■ Le suivi
Cette opération a été précédée par la mise en place d’un suivi scientifique destiné à établir l’évolution des caractéristiques physiques et biologiques du site. Un état initial du ruisseau en amont et en aval des étangs a été réalisé en 2005 avant la mise en assec. Suite aux travaux, des inventaires portant sur les peuplements d’invertébrés, de poissons et d’amphibiens, des cartographies et des descriptions du milieu ont été réalisés pour mesurer la vitesse et la dynamique de recolonisation du milieu et pour observer l’évolution morphologique du cours d’eau. Enfin, un suivi photographique régulier permet une approche visuelle complémentaire.
■ Le bilan et les perspectives
Les premiers résultats du suivi scientifique ont été très encourageants : les débits hivernaux de la première année ont permis au ruisseau de recreuser son lit sur la quasi totalité du linéaire restauré. Le cours d’eau a repris un tracé légèrement sinueux dans un lit globalement très peu encaissé (berges de 10-20 cm de hauteur). La première réponse a été meilleure que celle attendue, le lit a évolué très vite en faveur d’habitats biogènes liés à la présence d’embâcles et de bois mort. Toutefois, les alluvions grossières (petits galets, graviers et sables) restent peu nombreuses, le fond du lit reste vaseux.
La mise hors d’eau des trois premiers étangs en juin 2006 a eu pour conséquence une explosion de la végétation. En moins de trois mois, les anciens étangs asséchés ont été recolonisés par une végétation naturelle, saule blanc et souchet brun principalement, stabilisant ainsi les vases.
L’analyse des températures en 2007 et 2008 indique une diminution de la température moyenne des eaux du cours aval. Toutefois, elle montre également que l’étang du Val des Choues conservé en amont exerce une nette influence en termes de température maximale journalière, celle-ci augmentant significativement à l’aval de l’étang (entre 2 et 8°C sur la période mai-septembre).
Certaines biocénoses aquatiques se sont aussi réinstallées, notamment celles des milieux annexes (amphibiens). En août 2006, lors des inventaires, des écrevisses à pieds blancs ont été retrouvées, sur un linéaire de 3,5 kilomètres, dans la partie amont du secteur restauré. Ces individus constituent à présent une des plus grandes populations de cette espèce en Bourgogne.
Cinq ans après les travaux, en 2011, le suivi piscicole réalisé montre que les espèces inféodées aux plans d’eau ont très fortement régressé et qu’il ne reste plus que quelques individus sporadiques. Les espèces qui devraient être naturellement présentes se sont réapproprié le linéaire et les populations semblent aujourd’hui équilibrées à l’échelle du bassin versant. Ceci est vrai notamment pour la truite commune qui occupe aujourd’hui le cours d’eau et ses différents milieux pour effectuer l’ensemble de son cycle biologique.
■ La valorisation de l’opération
Un panneau d’information est installé sur le site et des nombreuses rencontres y ont été organisées : signature du contrat de rivière SEQUANA, colloque final de restitution du Life, visite avec des syndicats de rivières etc .