Le paradoxe vert, entre taxe carbone et recherche R&D
C’est à travers un Workshop de l’Institut d’Economie Industrielle, un centre de recherche au sein de l'université Toulouse 1, que trois chercheurs, Mauricio Bermudez Neubauer, André Grimaud et Luc Rouge, ont analysé les politiques de R&D et les taxes carbones.
Partant du contexte que la limitation des énergies fossiles qui est à l'origine des principales émissions de carbone anthropogéniques, est nécessaire pour lutter contre le réchauffement climatique, l’étude poursuit le raisonnement sur les mécanismes de réduction des émissions grâce à des technologies comme la séquestration du carbone, à niveau d’utilisation donné et à émissions données, de réduire leur impact en prenant des mesures d'adaptation.
Le développement des énergies renouvelables permet de réduire ces émissions, et par conséquent l’action politique doit encourager leur recours. De la même manière qu’il convient d'encourager la recherche et développement (R&D) dans différents domaines, comme celui de l'efficacité énergétique ou celui de l'intensité en carbone.
Le Workshop fait observer que plusieurs préconisations économiques concernant la lutte contre le changement climatique prônent une politique de renchérissement du prix des énergies fossiles à travers une taxe carbone ou encore des marchés de droits à polluer comme le Système Européen d'Echange de Quotas d'Emission de gaz à effet de serre (European Union Emissions Trading Scheme, ou EU-ETS). De même qu’elles encouragent les énergies renouvelables ainsi que la mise en œuvre de subventions aux différents types de R&D.
En prenant compte divers travaux menés sur l’application de ces politiques de réduction du recours aux énergies fossiles, le Workshop mentionne que les effets attendus sont bien souvent contraires et néfastes.
C’est donc à travers ce prisme que l’étude a pu mettre en exergue le paradoxe vert… En effet certaines politiques mise en œuvre modifient le rapport d’utilisation des énergies fossiles entrainant un usage plus fort à court-terme et donc des émissions de carbone plus importantes dans les premières années
Suivant Sinn (2008), on parle alors le "paradoxe vert" ; en effet, il s'agit de politiques environnementales qui ont pour impact paradoxal de détériorer la situation environnementale - au moins à court-terme.
Différents types de politiques ont été ainsi étudiées à travers ce spectre. Comme de la taxation de l'utilisation des ressources polluantes ou bien des émissions polluantes elles-mêmes (voir par exemple Sinn, 2008 ou Hoel, 2010), ou de subventions à des substituts verts comme dans Grafton et al. (2010), Gerlagh (2011) ou encore van der Ploeg et Withagen (2012). Néanmoins, le Workshop s’est concentré à analyser l'impact de ces politiques prises isolément en tenant compte des effets économiques dans lesquels les autorités publiques mettent conjointement en place une taxe sur les émissions de carbone et des subventions à la recherche. Ainsi, l’étude porte sa réflexion sur les effets de ces deux types de politiques qui peuvent aller dans le même sens et donc se renforcer mutuellement, mais ils peuvent également être opposés. Dans certains cas, la nature d'une des deux politiques détermine l'impact de l'autre.
Pour étudier ces questions, le Workshop a utilisé un modèle de croissance endogène avec innovations verticales à la Aghion et Howitt (1998) et progrès technique dédié au sens d'Acemoglu (2002). L’étude a donc pour principal objet d'étudier l'interaction entre la taxe carbone et les politiques de R&D lorsque ces dernières ont permis d'atteindre l'équilibre dans lequel les deux secteurs de recherche sont actifs.
Le Workshop révèle que la subvention atténue les effets de la taxe carbone sur l'extraction de la ressource et les émissions de carbone, que celle-ci les accélère ou qu'elle les ralentisse : si la taxe accélère l'extraction de la ressource, produisant ainsi un paradoxe vert, l'adjonction de la subvention à la recherche dans le secteur propre le tempère. De façon symétrique, si la taxe carbone retarde l'extraction de la ressource, comme cela est généralement préconisé dans la littérature la subvention a pour effet inverse de l'accélérer, ce qui constitue ici une forme de paradoxe vert.