La chaleur : 50 % de la consommation énergétique finale, d’ou l’intérêt d’une énergie « gratuite » non indexée sur le cours des énergies fossiles…
Une étude menée par la Conseil général de l’Environnement et du Développement durable (CGEDD) sur les potentialités et des facteurs de développement de l’utilisation du solaire thermique et de la géothermie à très basse énergie dans le cadre de production de chaleur et de confort d’été pour les logements individuels et les petits immeubles collectifs montre que la contribution des énergies renouvelables (EnR) à cette production de chaleur directe reste très modeste et, plus modeste encore, parmi ces dernières, l’énergie calorifique issue du solaire thermique et de la géothermie.
Alors qu’en Europe, le pétrole demeure la source d’énergie prépondérante que la mission du CGEDD s’est penchée sur deux facteurs de production de chaleur tels que le solaire thermique et de la géothermie à très basse énergie. En effet, c’est parce que la chaleur représente en France près de 50 % de notre consommation énergétique finale justifiant ainsi l’intérêt porté aux problématiques de chauffage des locaux. La part des EnR dans l’optique de cette production de chaleur étant faible, la mission du CGEDD s’est proposée d’étudier comment la micro-chaleur peut devenir accessible à tout propriétaire d’un logement individuel et ainsi prendre la place qui lui revient dans les sources d’énergie du bâtiment.
Afin de définir commodément le champ commun couvert par la chaleur extraite grâce aux pompes à chaleur des deux sources que sont le solaire thermique et la géothermie à faible profondeur, la mission propose d’employer le terme de « micro-chaleur » pour la valorisation de ces deux ressources par les particuliers. La géothermie à très grande profondeur et les panneaux solaires photovoltaïques sont hors du champ de la mission. La chaleur géothermique de très faible profondeur et le solaire thermique sont en effet à tort assimilés respectivement à la géothermie dans son ensemble, réputée complexe et coûteuse, et aux panneaux solaires photovoltaïques importés d’Asie.
La micro-chaleur justifie l’intérêt du particulier : elle garantit une énergie « gratuite » non indexée sur le cours des énergies fossiles qui peut, par réversibilité, offrir l’été un véritable confort thermique.
On pourrait multiplier les éléments témoignant d’une certaine méconnaissance injustifiée :
- Si l’investissement inital à réaliser est légèrement supérieur à la moyenne, le coût complet permet de démontrer que le supplément investi est très souvent largement compensé par les économies réalisées ensuite sur toute la durée de fonctionnement de l’installation.
- La micro-chaleur certes se transporte mal, mais ceci ne peut qu’inciter naturellement tout producteur de cette chaleur à l’autoconsommer sans qu’il soit besoin de la distribuer et d’ajuster un tarif d’achat comme pour les productions délocalisées d’électricité ou de biogaz ;
- Elle n’est aujourd’hui promue ni par la RT 2012 (coefficients pénalisants), ni par le Fonds chaleur (trop forte atomisation de la demande), ni par les artisans qui ne maîtrisent pas seuls tout le process, ni par les aides publiques qui prennent en compte les EnR sur la base de l’investissement initial et n’introduisent pas un calcul en coût complet.
Un changement s’opère actuellement dans le public, en partie lié à la libéralisation du marché de l’énergie: le recours (et donc la dépendance) à une seule forme d’énergie laisse aujourd’hui progressivement la place à l’utilisation d’un panel d’énergies incluant des EnR.
Ainsi, le rapport du CGEDD a permis de présenter un état quantitatif des sources et consommations d’énergie, avec la part des énergies renouvelables et plus particulièrement celle de la micro-chaleur. Les deux techniques, solaire thermique et chaleur géothermique, ont été ensuite détaillées, avec quelques éclairages sur le marché, la profession, les innovations. Après un parangonnage européen, des propositions ont été construites sur le plan réglementaire pour favoriser la micro-chaleur.
Pour formuler des recommandations en matière de suivi, d’encadrement et de soutien à cette forme d’énergie «douce», le rapport prend en compte les caractéristiques suivantes : l’atomisation de la décision, les difficultés que rencontrent les particuliers souhaitant recourir à la micro-chaleur, le conseil technique souhaitable pour garantir la meilleure solution à la spécificité de chaque chantier, enfin la nécessité d’une réelle accessibilité à l’information avec une garantie de résultat dans un encadrement réglementaire « intuitif » et stable.
La mission, en pointant deux types d’énergie peu habituels, en parlant chaleur et non électricité produite localement, en parlant coût complet et non coût d’investissement seul, invite à un véritable changement de paradigme, qui tienne compte de la régularité d’approvisionnement, d’une perspective de disposer d’une énergie locale indépendante de l’évolution inexorable du prix des énergies d’origine fossile, et qui conduise à l’émergence d’une compétence dans des emplois qualifiés et non délocalisables.
Parce que les ENR doivent susciter l’intérêt des consommateurs notamment dans le cadre de décisions d’investissement, la production de chaleur par des EnR a de véritables atouts à faire valoir.
Aujourd’hui les solutions de chauffage des locaux ne recourent plus à un seul type d’énergie au profit d’un « mix » de deux ou trois ressources mobilisées conjointement (exemple : gaz + géothermie + bois ou solaire thermique + bois + électricité, etc.), solution souvent préférable à toute dépendance envers une source unique d’énergie (fragilité en cas de crise : rupture d’approvisionnement, incident technique, interruption pour maintenance et entretien,..). Et la micro chaleur excelle au sein de tels « mix énergétiques ».
Si l’investissement à réaliser est légèrement supérieur, un raisonnement en coût complet permet de constater que le supplément investi est souvent largement compensé par les économies réalisées ensuite sur toute la durée du fonctionnement de l’installation. Par ailleurs, maison individuelle ne signifie pas individualisme : la mutualisation des ressources doit être systématiquement explorée. Un même forage géothermique à faible profondeur peut être réalisé pour alimenter plusieurs unités d’habitation via des micro-réseaux de chaleur, autorisant en termes de production et de distribution des « circuits courts » de proximité.
En termes macroéconomiques, la micro-chaleur vient, avec un rendement optimal du fait de la proximité entre sa production et sa consommation, alléger d’autant la demande de fourniture d’énergie produite de manière centralisée : le dimensionnement des réseaux de transport de d’énergies (chaleur, gaz ou électricité) n’est ainsi pas affecté par le développement de la micro-chaleur.
De même, vis-à-vis de ces réseaux de transport d’énergie, l’autoconsommation quasi obligée de la chaleur produite et l’absence de tarif d’achat ne font pas courir le risque d’une nouvelle bulle spéculative via la CSPE (contribution au service public de l’électricité) comme c’est le cas pour l’obligation d’achat de l’électricité « renouvelable ».
La micro-chaleur bouscule la perception habituelle que chacun se fait de la manière de satisfaire ses besoins de chauffage et d’eau chaude sanitaire, où chacun est captif d’une énergie et de son prix imposé. En accédant à une source de micro chaleur, un particulier pourra avoir la maîtrise de sa facture d’énergie avec de substantielles économies au fil des années (après une étude thermique adéquate et une fois le bon choix opéré).
Ceci suppose néanmoins un environnement propice : la micro-chaleur n’est aujourd’hui promue ni par la RT 2012 (coefficients pénalisants), ni par le Fonds chaleur (trop forte atomisation de la demande), ni par les artisans qui ne maîtrisent pas seuls tout le process, ni par les aides publiques qui privilégient les EnR à faible investissement initial et n’intègrent pas les flux financiers prévisibles sur la durée de vie de l’équipement (calcul en coût complet).
Ceci suppose également du particulier qu’il apprenne à penser autrement son « chez soi » où chaque logement a « sa » chaudière, sa « centrale thermique ». Ne pas exclure de partager ou concevoir ses équipements de production de chaleur avec son ou ses voisins n’est pas contradictoire avec le concept de maison individuelle.
Les recommandations de la mission se sont attachées à chacune des spécificités de la micro chaleur : l’atomisation de la décision, le besoin d’expertise et d’ingénierie pour autant de situations spécifiques, enfin la nécessité d’une réelle accessibilité, « intuitive » et stable, à la réglementation, à l’information, et à une garantie de résultat.
Le recours à la micro chaleur suppose une maîtrise rigoureuse de la qualité thermique des bâtiments avec la nécessité d’une approche globale des besoins à couvrir, des formes de production à prévoir et des corps de métiers à coordonner pour mener à bien un projet (rénovation ou construction neuve).
L’enjeu est réel : la micro-chaleur est une opportunité pour favoriser un développement local et développer des emplois non délocalisables. Hormis certains particuliers convaincus, la plupart d’entre eux ne vont pas naturellement se tourner vers ces technologies, aujourd’hui « confidentielles » et qui rompent avec les habitudes. Une action de promotion est donc nécessaire.
Ainsi, au moment où la France s’engage dans la transition énergétique, il importe de mettre en avant les atouts de la «micro-chaleur» porteuse de croissance et d’emplois non délocalisables. De ce qui précède la mission aura retenu quelques éléments spécifiques aux deux filières de production de chaleur étudiées :
• une chaleur produite localement et consommée localement ;
• la compatibilité de la géothermie et du solaire thermique qui peuvent alimenter une même PAC ;
• la possibilité pour la « micro-chaleur » d’assurer jusqu’à 80 % du besoin énergétique de chauffage ;
• la nécessité d’assurer une meilleure connaissance de ces deux ressources, y compris par le législateur (RT 2012) ;
• la nécessité de surmonter le caractère très diffus sur tout le territoire des chantiers de
« micro-chaleur », ce qui ne contribue pas à leur notoriété, chaque chantier ayant sa spécificité ;
• le coût d’investissement souvent supérieur aux technologies « traditionnelles », pour des particuliers ne raisonnant qu’au niveau de leur trésorerie disponible face au montant de l’investissement initial, constitue un défi. Comment les à amener à :
- raisonner en coût complet (sur 10 ans ou parfois plus) à propos d’une technologie dont la ressource énergétique est … gratuite ?
- accepter une éventuelle mutualisation de certains équipements : distribuer la chaleur produite via un même forage ou une même installation de panneaux solaires grâce à un micro réseau de chaleur entre plusieurs particuliers ?
Au final, il importe de mettre sur pied une intermédiation technico-économique de « conseil technique » auprès du particulier et une sensibilisation des artisans pour dynamiser la filière.
• Mettre à disposition du particulier des outils d’aide à la décision : fiches techniques rassemblant sur des « cas d’école » les performances de chauffage et de confort thermique, ainsi que les éléments de coût complet…
• Sensibiliser les artisans via leurs structures professionnelles et la formation, à une adaptation de leur offre face à la demande émergente des particuliers permettant l’intervention conjointe et cohérente de plusieurs corps de métiers. Il s’agit de développer une compétence de proximité en matière d’ingénierie de projets pour répondre aux attentes des particuliers.
La montée en compétence d’artisans locaux peut être l’amorce d’un réseau d’ambassadeurs de ces technologies, sous réserve que des dispositifs de formation efficaces soient mis en place et que soient établis des bilans thermiques pour chaque chantier.
De tels « îlots de compétence » associant artisans ou PME à des bureaux d’ingénierie thermique constitueront autant de viviers illustrant ces démarches exemplaires et capables d’essaimer.