Appel à projets « territoires zéro gaspillage zéro déchet »
Un plan déchets pour évoluer vers une économie circulaire :
Le modèle linéaire de fabrication et d’utilisation des produits (extraire, produire, consommer, jeter) n’est plus compatible avec les tensions ressenties sur les approvisionnements en ressources. Lors de la Conférence environnementale de septembre 2013, le Gouvernement français a donc fixé l’objectif politique d’une transition vers un modèle économique « circulaire ». Cet objectif a été décliné et précisé dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.
Tendre vers un modèle économique circulaire implique de développer un système de production et d’échanges prenant en compte, dès leur conception, la durabilité et le recyclage des produits ou de leurs composants afin qu’ils puissent être réutilisés ou redevenir des matières premières nouvelles. Ainsi, la consommation des ressources (matières et énergies) est moins importante et leur utilisation plus efficace.
L’économie circulaire repose aussi grande partie sur une politique de prévention et de gestion des déchets, qui prévienne les gaspillages, favorise la réutilisation et le réemploi, maximise le recyclage et la valorisation matière, et enfin permette la valorisation énergétique des déchets non recyclables. Une telle politique engendrera la création de filières industrielles porteuses d’emplois pérennes et non délocalisables.
Un plan déchets pour atteindre des objectifs ambitieux
Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte présenté par le ministère de l’Ecologie prévoit, dans son volet « économie circulaire » des objectifs ambitieux en matière de prévention et de valorisation des déchets. Ils font écho à la feuille de route « économie circulaire » de la Conférence environnementale de septembre 2013 qui a fixé l’objectif d’augmenter massivement le recyclage et de diminuer de moitié la mise en décharge.
Les grands objectifs de la politique sur les déchets :
- Réduire le volume de déchets ménagers, par des actions de prévention, de 7% et stabiliser le volume des déchets des activités économiques d’ici 2020 (par rapport à 2010) ;
- Augmenter la valorisation des déchets non dangereux, en particulier les biodéchets, pour atteindre 55% en 2020 et 60% en 2025 ;
- Valoriser 70% des déchets du BTP d’ici 2020 ;
- Réduire de 30% les quantités mises en décharge en 2020 et 50% en 2025 (par rapport à 2010) ;
- Augmenter la valorisation énergétique des déchets non valorisables et résultant d’une opération de tri.
Pour atteindre ces objectifs, le ministère de l'Ecologie a décidé l’élaboration d’un « plan déchets » pour accompagner la transition vers une économie circulaire, qui doit mobiliser et mettre en mouvement les collectivités, les entreprises et les Français autour d’objectifs communs. Pour le construire, une large écoute des parties prenantes a été conduite au sein du Conseil national des déchets, présidé par Gérard Miquel, Sénateur du Lot, qui vient de rendre ses propositions. Tout comme celles du Comité à la Fiscalité Écologique et du Plan « recyclage industriels et matériaux verts » de la Nouvelle France Industrielle, elles permettront la finalisation d’un plan ambitieux et équilibré, et qui sera dévoilé progressivement d’ici l’automne 2014.
Répondre aux enjeux de la prévention et de la gestion des déchets :
Le plan couvrira l’ensemble des champs d’action nécessaire, en définissant :
- les actions de prévention de la production de déchets, formalisées dans un « programme national de prévention des déchets » qui sera publié fin juillet 2014 ;
- une ambition nationale pour le tri à la source des biodéchets. Ces déchets organiques, produits en quantité importante par les particuliers ou les entreprises, sont pleinement valorisables en compostage ou en méthanisation : il est essentiel de mieux les collecter et les gérer, ce qui permet de réduire significativement la mise en décharge ;
- la généralisation du tri des déchets par les entreprises ;
- la juste place de la valorisation énergétique : réduction de l’incinération des déchets collectés en mélange et valorisation énergétique des déchets non recyclables dans les conditions technico-économiques du moment ;
- les modalités de prévention et de gestion des importantes quantités de déchets du BTP ;
- les spécificités de la gestion des déchets dans les DOM.
Définir des leviers d’actions pour une mise en œuvre rapide :
Pour atteindre ces objectifs, le plan mobilisera tous les leviers d’actions pertinents au service de la prévention des déchets et de la valorisation matière des déchets inévitables :
- la mobilisation des territoires, via le lancement d’un appel à projets «territoires zéro gaspillage zéro déchet », pour lesquelles les collectivités candidates sont appelées à construire leur projet dès juillet 2014 ;
- le lancement d’un appel à projets « 1500 méthaniseurs » : les lanceurs de projets s’enregistreront en ligne sur le site du ministère de l’écologie et seront éligibles à des aides de l’ADEME ;
- la mobilisation du fond déchets de l’ADEME, pour l’accompagnement des acteurs, et en particulier des collectivités, dans leurs investissements et leur prise de décision ;
- une amélioration des performances et du pilotage des filières « à responsabilité élargie des producteurs » (REP) ;
- la mobilisation des secteurs industriels dans des engagements volontaires collectifs ;
- la modernisation des outils réglementaires et fiscaux au service des nouvelles ambitions ;
- l’application du « principe de proximité » pour que les déchets soient traités aussi près que possible de leur lieu de production afin de réduire les distances parcourues et les consommations d’énergie.
Le 2 juillet 2014, la Commission européenne a rendu public un « paquet économie circulaire et déchets » dont les propositions stratégiques sont très convergentes avec ces orientations. Les travaux menés depuis 18 mois avec toutes les parties prenantes donnent à la France une avance dans la préparation de ce débat européen qui s’amorce sur l’avenir de la politique de gestion des déchets.
L’appel à projets « territoires zéro gaspillage zéro déchet »
Aujourd’hui, jeudi 24 juillet 2014, Ségolène Royal lance le premier appel à projets « territoires zéro gaspillage zéro déchet ». Levier de mobilisation des territoires, cet appel à projets a pour objectif d’engager 20 territoires volontaires dans une démarche exemplaire et participative de réduction, réutilisation et recyclage de leurs déchets.
Un territoire « zéro gaspillage zéro déchet » : de quoi s'agit-il ?
Les 20 territoires « zéro gaspillage zéro déchet » seront des collectivités territoriales volontaires :
- pour démontrer la pertinence, par une démarche participative de co-construction associant les acteurs économiques, associatifs et citoyens, la faisabilité et les bénéfices d'un dispositif intégré de diminution des quantités de déchets produites sur leur territoire en association avec les acteurs économiques de leur territoire ;
- pour s’engager vers des objectifs ambitieux de prévention des gaspillages et de valorisation des déchets qui ne peuvent être évités, dans une perspective d'économie circulaire.
Dans ce cadre, le « zéro gaspillage zéro déchet » est un idéal à atteindre : ne pas gaspiller, limiter au maximum la production de déchets, recycler tout ce qui est recyclable, limiter au maximum l’élimination. Tendre vers cet idéal constitue une démarche de progrès qui se conçoit sur le long terme. Cette notion, popularisée par le réseau « Zero Waste Europe », rassemble de plus en plus de collectivités (déjà 300 en Europe et notamment en Italie et en Espagne) préoccupées par l'amélioration de la prévention et de la gestion de leurs déchets.
Vivre dans un « territoire zéro gaspillage zéro déchet »
Sur le territoire « zéro gaspillage zéro déchet », tous les acteurs, collectivités, citoyens, entreprises, associations, sont informés et impliqués dans la réflexion et participent à la réduction du gaspillage et des déchets. Le dialogue est constant pour identifier des moyens d'agir et de réduire chaque type de déchets.
Les collectivités ont un rôle particulier vis-à-vis des citoyens qu’elles doivent informer des coûts de la gestion des déchets et des gains réalisés en évitant le gaspillage, en réduisant les déchets et en les valorisant. Les taxes locales pour l'enlèvement des ordures ménagères récompensent les réductions accomplies en étant, par exemple, proportionnelles au volume de déchets produit.
Les acteurs du territoire, ménages et acteurs économiques, doivent réduire au maximum leur production de déchets, pour cela :
- ils évitent le gaspillage alimentaire en n'achetant que les quantités nécessaires, en veillant aux dates de péremption, en cuisinant les restes ;
- ils achètent des produits à longue durée de vie : solides, réparables... ou des produits d'occasion, et ne les renouvellent pas prématurément ;
- ils revendent ou donnent leurs objets plutôt que de les jeter et ont recours à la location, au prêt, au partage, aux systèmes de consigne : ils pratiquent des politiques d’achat responsables et développent l’éco-conception pour leurs produits.
Pour valoriser leurs déchets, ils veillent à bien les trier :
- ils compostent leurs biodéchets, ou les jettent dans une poubelle à part, qui fait l'objet d'une collecte séparée ;
- ils trient leurs emballages et papiers ;
- ils rapportent dans des bornes ou en déchèterie leurs textiles, appareils électroniques, piles, meubles...).
Les « territoires zéro gaspillage zéro déchet » : quels critères ?
A travers cet appel à projets, le ministère de l’Ecologie souhaite inciter les collectivités à développer les circuits courts et l’emploi local et à démultiplier l’effet des actions par la mobilisation citoyenne. Les collectivités participant à l’appel à projets devront répondre à différents critères :
- Prendre un engagement politique fort et affirmé de développer et mettre en œuvre une démarche « zéro gaspillage zéro déchet », s’inscrivant dans une perspective de moyen-long terme. Les collectivités et entreprises du territoire peuvent être déjà plus ou moins avancées dans des politiques de prévention et de gestion des déchets lors de leur engagement : l’essentiel est de vouloir élaborer et déployer une démarche de progrès.
- Mettre en place une démarche participative dans le cadre d’une gouvernance élargie associant l’ensemble des parties prenantes concernées sur leur territoire pour mobiliser toutes les énergies et rassembler les meilleures idées. Ces synergies doivent permettre d’améliorer la prévention et la gestion des déchets via une réflexion régulière sur les types et quantités de déchets produits, et sur l’information et la sensibilisation des citoyens.
- S’inscrire dans une réflexion intégrée de « remise à plat » de la politique de prévention et de gestion des déchets de leur territoire, prenant en compte tous les types de déchets (dangereux, non dangereux, inertes) et toutes les origines de déchets (déchets ménagers et assimilés, déchets professionnels et notamment déchets du BTP et déchets agricoles). Cette réflexion pourra être intégrée à un projet de territoire pouvant notamment se concrétiser par des démarches d’écologie industrielle et territoriale ;
- Se donner des objectifs ambitieux et adaptés au territoire et à la situation de départ, portant à la fois sur la prévention des déchets et sur les modalités de gestion des déchets inévitables ;
- Déployer des actions concrètes et innovantes pour la prévention et la gestion des déchets en se basant sur la pleine application de la réglementation concernant les déchets (programme local de prévention des déchets ménagers, facturation d’une « redevance spéciale » aux activités économiques produisant des déchets « assimilés » aux déchets ménagers, obligation de tri et valorisation des biodéchets des gros producteurs). La mise en place d’une tarification incitative est également nécessaire.
Les collectivités sont bien entendu invitées à aller au-delà, en se situant à l’avant-garde de la réglementation existante et en s’inscrivant notamment dans les orientations du plan déchets (développement du tri à la source des biodéchets, mise en place d’une tarification incitative, mise en place de déchèteries professionnelles notamment pour les déchets du BTP, incitation à la valorisation énergétique des refus de tri...).
- Identifier et mobiliser des moyens financiers et humains adaptés, pour mener et pérenniser la démarche « zéro gaspillage zéro déchet ».
- Faire bénéficier les autres collectivités de leur expérience afin de pouvoir essaimer et reproduire les bonnes pratiques en mettant en commun leurs données et leurs idées.
Quels bénéfices ?
Les collectivités retenues feront l’objet d’un accompagnement par l’ADEME pour une période de 3 ans et bénéficieront d’un soutien financier pour la réalisation d'une étude de faisabilité pour certains projets (collecte sélective des biodéchets, mise en place de composteurs ou de méthaniseurs, fiscalité incitative, tri des plastiques) et pour la mise en place d’une animation territoriale pendant cette période, afin de leur permettre de lancer et de porter leur projet.
Les projets développés dans ce cadre seront éligibles aux aides du fond déchets.
Les collectivités pourront également bénéficier d'un accompagnement des services de l'Etat qui pourront les appuyer dans leur démarche et les aider à construire au plus vite les dossiers liés aux nouveaux équipements rendus nécessaires à leur projet.
Le « zéro gaspillage zéro déchet », un mouvement déjà engagé en France : l’exemple de Roubaix
En lien avec Zero Waste France et Lille Métropole Communauté Urbaine, la ville de Roubaix construit un projet zéro déchet autour de cinq volets :
- les citoyens : la ville propose aux habitants de mettre en place, avec une subvention à l’achat, des composteurs individuels pour ceux qui disposent d’un jardin ou des lombricomposteurs individuels pour les autres. Par ailleurs, depuis cet automne, 101 familles participent au défi de réduire de 50% leur production de déchats par an ; celles qui y parviendront obtiendront un remboursement de 50% de leur taxe d’ordures ménagères.
- les bâtiments publics et les écoles : des actions concrètes sont mises en place pour réduire les déchets de la mairies et de ses annexes (remplacement des bouteilles d’eau plastiques par des carafes, réduction massive de la consommation de papier, etc.). La réduction des déchets dans les établissements scolaires s’appuie notamment sur une limitation du gaspillage alimentaire dans les cantines et une valorisation des biodéchets.
- les associations : les nombres associations de la ville se mobilisent pour animer des zones d’apport volontaire de biodéchets et des ateliers de réparation.
- les commerces : plusieurs commerces de la ville se sont engagés à réduire l’emballage et la distribution de sacs plastiques et développent le label «mon commerçant m’emballe durablement ».
- les entreprises : la ville de Roubaix prévoit de lancer des appels à projet territoriaux permettant d’accompagner financièrement les entreprises souhaitant modifier leur process et réduire quantitativement et qualitativement leurs déchets.
...et en Europe : l’exemple de la province de Trévise en Italie
Le syndicat Contarina, regroupant deux intercommunalités de la province de Trévise, s’est engagé dans la démarche Zero Waste au début des années 2000. Ce territoire compte plus de 550 000 habitants et une grande variété de paysages : zones urbaines denses, périurbaines et rurales, sites touristiques et espaces naturels.
Depuis le début des années 2000, la quantité de déchets résiduels y a été réduite de 80% pour atteindre seulement 50 kg par habitant. Le syndicat ne souhaite pas s’arrêter là et vise à nouveau une réduction de 80% (pour atteindre 10kg par habitant) d’ici 2022.
Résultats :
- La progression la plus rapide s’est observée pendant les deux premières années, principalement grâce à la mise en place de la collecte séparée (biodéchets compris) et de la tarification incitative. Entre 2000 et 2002, les déchets résiduels ont diminué de 46% et le taux de recyclage est passé de 36% à 62%).
- Les habitants recyclent ou compostent désormais plus de 83% de leurs déchets et en sont récompensés : leur facture pour l’enlèvement des déchets s’élève désormais à environ 170 euros par foyer et par an, contre 240 euros en moyenne en Italie ! Le coût pour la collectivité est en effet le plus bas du pays (environ 104 euros par habitant et par an).
- Parmi les nombreuses actions mises en place, un effort tout particulier a été porté sur la communication sur les moyens de prévention, la gestion de l’organique, et le contrôle du tri.
Les déchets en chiffres
Production des déchets en 2012
344,3 millions de tonnes (Mt) de déchets produites par les activités humaines et économiques à 30 Mt produites par les ménages soit 475 kg/an/habitant à 314,3 Mt produites par des professionnels dont 246,2 Mt dans le secteur du BTP
Gestion des déchets en 2012
61% sont recyclés ; 3% sont valorisés énergétiquement ; 33% sont mis en décharge ; 3% sont incinérés (NB : sur l’ensemble des déchets produits en France)
4500 déchetteries ; 250 centres de tri ; 650 composteurs industriels ; 130 incinérateurs ; 250 décharges
Coûts et financements en 2010
15,7 milliards d’euros dépensés pour assurer la gestion des déchets en 2011
10 à 12 milliards d’euros par an générés par les ventes de matières de recyclage
926 millions d’euros générés par les éco-organismes des 15 filières REP
2% de la consommation totale d'énergie primaire française fournie par les déchets
42 millions d’habitants couverts par un programme local de prévention des déchets
Impact environnemental
11,4 MteCO2 des émissions de gaz à effet de serre dues au secteur des déchets soit 2,3 % des émissions françaises en 2012 (source : CITEPA)
19 millions de tonnes d’émissions de CO2 évités par le recyclage en 2010 (source : ADEME)
Création d’emplois
119 000 emplois liés aux activités de gestion des déchets ou de dépollution en 2011 (source : ADEME Chiffres-clés Déchets, juin 2014).
400000 emplois supplémentaires sur l’UE d’ici 2020 dont 70 000 en France, si l’ensemble des objectifs européens relatifs aux déchets sont atteints, selon la Commission européenne ; 580000 emplois en tout si ces objectifs sont renforcés.
10 fois plus d’emplois générés par le tri pour recyclage des déchets ménagers que par l’incinération et 30 fois plus que la mise en décharge en 2010 (source : ORDIF Emploi dans la filière déchets en Ile-de-France, septembre 2012).
Les déchets ménagers en 2012 +13% de déchets ménagers produits en 15 ans (1995-2011)