L’avant-projet de loi de transition énergétique, une méthode d’élaboration en tuyau d’orgues et par une logique « du haut vers le bas »
Une note issue du groupe de travail co-présidé par Géraud Guibert et Arnaud Gossement sur la loi de transition énergétique animée par la Fabrique Ecologique, fondation pluraliste de l’écologie met en évidence une analyse des principaux enjeux d’un texte appelé à devenir « l’une des lois les plus importantes du quinquennat », selon les termes du Président de la République lui-même, prononcés lors de la deuxième Conférence environnementale de 2013.
A l’heure ou le texte sur la loi de transition énergétique n’est qu’un avant projet, cette note sera suivie de la publication avant la discussion parlementaire d’une note plus détaillée avec des propositions d’amendements, et une note définitive au terme des travaux législatifs. Elle met en relief des principaux enjeux de ce texte et à un focus sur certaines mesures clés.
Dans la présentation, Géraud Guibert a indiqué que « la transition énergétique est au milieu du gué. Le texte présente plusieurs aspects positifs, mais il est important qu’il soit débattu, complété et amélioré, en particulier sur la gouvernance et la précarité énergétique ».
Arnaud Gossement a pour sa part insisté sur le fait que « le texte engage un processus positif de décentralisation énergétique mais encore trop timidement, dans un contexte de réforme territoriale. Il est encore trop marqué par une méthode d’élaboration en tuyau d’orgues et par une logique « du haut vers le bas ».
D’une manière générale, la note estime que l’avant-projet de loi offre une bonne base de travail aux parlementaires et autorise une discussion riche et de qualité. Toutefois, elle considère que son contenu reflète cependant d’une méthode d’élaboration « en tuyau d’orgue » plutôt que réellement interministérielle. Ceci explique sans doute que des sujets majeurs comme l’agriculture ou l’aménagement urbain n’y sont pas traités. La note rajoute que l’avant-projet procède trop souvent à des renvois aux ordonnances ou aux décrets sur des points pourtant majeurs. Le texte se fonde sur une approche carbo-centrée et électro-centrée, principalement consacrée à la seule question, certes essentielle mais pas unique, de la production. Il propose une adaptation plus qu’une véritable transition du droit de l’énergie. L’étude d’impact est parfois trop imprécise, s’agissant notamment de la solidité juridique de certaines mesures dont celle de réduction de la part du nucléaire.
Par ailleurs, sur la question des objectifs du nouveau modèle énergétique, la note mentionne que ceux-ci sont ambitieux et mobilisateurs, en particulier pour la réduction de la consommation finale d’énergie, de la consommation d’énergie fossile et le développement de la part des énergies renouvelables. Elle complète que le texte actuel fait disparaître l’objectif d’un « facteur 4 à 5 » en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les pays développés de 2005 à 2050, ce qui est indispensable à corriger. Toutefois, elle estime que des objectifs intermédiaires harmonisés à 2030 seraient bienvenus notamment pour la réduction de la consommation finale d’énergie.
Question gouvernance, la note précise que l’avant-projet de loi propose une méthode sur la stratégie bas carbone et la programmation pluriannuelle de l’énergie qui a le mérite de la cohérence et de la continuité dans le temps. A ces égards, la note observe qu‘il peut contribuer à dépassionner le débat sur la réduction de la part du nucléaire et ainsi le faire avancer. La note mentionne également qu’il comporte pour l’essentiel des mesures portant sur les compétences et les attributions des collectivités territoriales, il confirme le choix de décentralisation énergétique, ce qui est positif. Toutefois, la note montre qu’il ne va pas suffisamment loin pour que cette logique soit pleinement cohérente : pour les exercices de planification nationaux, c’est toujours un dispositif « du haut vers le bas » qui prédomine ; le rôle des régions et les outils à leur disposition ne sont pas clarifiés ; la nécessaire coordination entre les intercommunalités, nouvelles autorités organisatrices de l’énergie (AOE) et les autorités de la distribution de l’énergie n’est pas traitée.
La note estime que le texte pourrait donner davantage de garantie pour une transition énergétique transparente et partagée : le parlement est très peu associé à l’élaboration et à la révision des nouveaux documents de planification ; les multiples, et sans doute trop nombreux, nouveaux comités ne sont pas articulés avec le Conseil national de la transition écologique (CNTE).
Sur la question du mix énergétique et les usages, et plus particulièrement sue celles des transports et qualité de l’air, la note signale que l’avant-projet de loi propose de renforcer le volet « pollution atmosphérique » dans tous les instruments de planification environnementale. La pérennisation des zones de circulation restreinte peut constituer un levier efficace. Toutefois, la note juge que les mesures sur la voiture électrique, intéressantes, ne suffisent pas à une véritable politique de mobilité durable.
Sur Les bâtiments, la note observe que plusieurs mesures vont dans le bon sens pour faciliter les travaux d’efficacité énergétique (règles d'urbanisme moins bloquantes, vote simplifié dans les copropriétés,...). L’obligation d’isolation lors de certains travaux est utile, elle se révèlera très puissante ou illusoire selon les précisions réglementaires. D’autres points restent à arbitrer. La question de l’agrément bancaire des sociétés de tiers financement doit être tranchée. La précarité énergétique n’est toujours pas reconnue au nombre des critères de l’habitat indigne.
Le chèque énergie, qu’il faudrait mieux rebaptiser « chèque chauffage », ne doit pas être l’occasion de faire subventionner le chauffage au fuel, mais plutôt d’inciter à la reconversion des installations de ce type.
Concernant l’économie circulaire, pour la note, la définition de la valeur juridique de cet objectif demeure confuse. Pour l’heure, l’avant-projet de loi limite cette notion à des mesures relatives à la gestion des déchets.
Enfin, sur les énergies renouvelables, la note explique que le texte propose surtout des mesures de contrôle et d’adaptation, favorisant certainement leur acceptabilité à moyen terme (sociale, technique...) mais pas leur développement aujourd’hui très ralenti. Il souffre d’un manque de mesures de simplification, sauf pour les énergies marines, y compris s’il doit être lu en correspondance avec le projet de loi de simplification de la vie des entreprises.