‘’Les PPP, un outil à haut risque …’’ et ‘’des bombes à retardement’’
Fréquemment dénoncés sur le blog, les contrats de Partenariat public-privé, (PPP) posent la problématique de l’endettement sur les générations futures. Devenus systématique pour financer un projet de construction, les conclusions sur un retour d’expérience à 9 ans sont consternantes. Une concurrence inexistante, la quasi totalité des PPP réalisés par seulement trois grands groupes et leurs filiales, des contrats de plusieurs milliards donnés dans une concurrence de façade, des dérives qualitatives criantes sur les opérations de bâtiment, des contrats déséquilibrés avec des coûts du « hors contrat » incontrôlables, des loyers qui explosent et un impact économique final immaîtrisable et fiscalement intenable.
C’est donc à travers ce prisme que les sénateurs Hugues Portelli et Jean-Pierre Sueur ont présenté le 16 juillet un rapport sur les effets de ces nouveaux contrats afin d’en appréhender le plus objectivement possible les avantages mais aussi les inconvénients et risques qu’il induit, et recommandent, d’exclure l’architecture du champ des contrats de partenariat. Ils préconisent également de réserver une part minimale de l’exécution de ces contrats aux PME-TPE et de revenir à deux critères, au lieu de trois aujourd’hui, pour justifier le recours à un tel contrat.
D’inspiration anglaise, le contrat de partenariat trouve son origine dans la Private Finance Initiative (PFI), lancé par le gouvernement de M. John Major en 1992. Le PFI correspond à une « forme de PPP qui associe un programme de marché public, dans lequel le secteur public achète des éléments d’actif immobilisés au secteur privé, à une forme d’externalisation où les services publics sont contractuellement fournis par le secteur privé ». Il ne s’apparente toutefois pas à une privatisation dans la mesure où les acteurs publics conservent un rôle prépondérant dans l’initiative et la détermination du projet.
Parce que la commission des lois du Sénat prépare l’évolution du cadre juridique des contrats de partenariat (CP), qui doit intervenir à l’occasion de la transposition des directives européennes de 2014 sur les marchés publics, Jean-Pierre Sueur (Loiret, groupe socialiste) et le sénateur du Val d’Oise Hugues Portelli (UMP) ont donc fait 13 recommandations publié dans un rapport d’information. Un rapport sans équivoque « Les contrats de partenariat : des bombes à retardement ? ». « La question financière est considérable »
En effet, l’étude s’appuie sur le rapport mystérieux effectué par l’Inspection générale des finances. Elle y dénonce que la mission d’appui aux partenariats public-privé est un outil de prosélytisme en faveur des contrats de partenariat. Qu’une évaluation préalable qui, par définition, ne peut pas être crédible, faute de pouvoir s’appuyer sur des données connues au moment où elle est faite. Pour vérifier l’effectivité et la présence du critère de l’efficience économique, la personne publique doit procéder, avant la conclusion du contrat, a l’établissement d’une évaluation préalable afin de justifier que le choix d’un contrat de partenariat pour un projet donné constitue la réponse la plus pertinente. L’évaluation préalable n’a pas vocation, en revanche, à justifier ou à remettre en question l’opportunité d’un projet : la décision politique de réaliser un ouvrage est considérée comme actée et définitive et ne peut être remise en question par l’évaluation préalable. Les rapporteurs regrettent que l’évaluation préalable soit devenue une simple formalité et non une étape essentielle de la réflexion de la personne publique pour choisir la formule juridique la plus adaptée pour la réalisation d’un projet. Ils estiment notamment que l’évaluation préalable établie par les collectivités territoriales fait le plus souvent l’impasse sur la question de la soutenabilité budgétaire des engagements induits pour la collectivité publique concernée par un contrat de partenariat, alors que c’est la seule question dirimante, la seule question qui devrait constituer un préalable absolu au choix de recourir à un contrat de partenariat, et alors que cette obligation est logiquement prévue aujourd’hui pour l’État et ses établissements publics par le décret n° 2012-1093 du 27 septembre 2012 complétant les dispositions relatives à la passation de certains contrats publics.
Une formule a priori séduisante mais souvent fallacieuse pour les pouvoirs publics. Le rapport estime que son recours est facilité par une formule simple qui repose sur un lien contractuel unique avec un seul interlocuteur prenant en charge, en lieu et place de la personne publique, l’ensemble des missions liées à la réalisation d’un projet, de la conception à sa maintenance et son exploitation, en passant par sa réalisation, sa construction et son financement. Les défenseurs du PPP juge que le contrat de partenariat permet de lever la contrainte budgétaire et donc, d’accélérer la réalisation d’investissements publics et de bénéficier d’effets d’échelle ou de série sur les coûts de réalisation, Toutefois, le rapport évalue que le bénéfice de gains d’efficience par la personne publique est aussi lié à l’apport, dans des domaines techniquement complexes, de compétences spécialisées dont la personne publique ne dispose pas.
Ensuite, le rapport juge le recours aux PPP représente un haut risque pour la puissance publique. Reposant sur une formule simple, le PPP présente plusieurs inconvénients pour les personnes publiques, l’État ou les collectivités territoriales dont les conséquences pour les générations futures peuvent s’avérer très néfastes, d’autant plus que les personnes publiques développent un « syndrome d’addiction ». Le rapport estime qu’il s’agit là d’une bombe à retardement budgétaire souvent ignorée. Le rapport fait remarquer que l’analyse des évaluations préalables, les données souvent biaisées en faveur des contrats de partenariat et l’absence d’information relative à la soutenabilité budgétaire des engagements montrent que la personne publique, en particulier les collectivités territoriales, se contentent d’analyser les enjeux immédiats d’un projet passé en contrat de partenariat sans apprécier l’ensemble des risques sur toute la durée du contrat.
Le recours systématique aux PPP constitue donc une myopie coûteuse…
- Un double risque de rigidification et d’éviction des budgets des personnes publiques : le rapport s’appuie sur celui de l’Inspection générale des Finances, estimant que le recours à un contrat de partenariat « contraint sur plusieurs décennies les budgets des administrations publiques en augmentant la part de leurs dépenses dites « rigides », c’est-à-dire inévitables, et en limitant leurs capacités de redéploiement ». Ainsi, un contrat de partenariat crée « un effet d’inertie qui intervient, par ailleurs, sur des budgets publics déjà marqués par la prédominance de dépenses peu flexibles ». Le rapport rajoute que le corolaire de la rigidification de la dépense publique est l’effet d’éviction sur les autres dépenses de fonctionnement.
- La croyance d’une possibilité d’investissement supérieure à ses capacités d’endettement. En effet, pour les rapporteurs, le contrat de partenariat est souvent conçu comme un instrument de facilité par l’État mais aussi par les collectivités territoriales, qui leur permettrait d’investir au-delà de leurs possibilités budgétaires et financières en raison de la possibilité de bénéficier d’un paiement différé. Or le rapport observe comme l’a notifié la Cour des comptes les investissements réalisés par la personne privée dans le cadre d’un contrat de partenariat « correspondent en réalité à un endettement public et devront faire l’objet de remboursements par la puissance publique.»
- La difficulté d’évaluer le coût réel d’un contrat de partenariat. Le rapport insiste sur le fait que la difficulté d’appréciation du coût final d’un contrat de partenariat se traduit dans la plupart des projets à un quasi-doublement des charges à payer sur le long terme par rapport au montant de l’investissement équivalent qui serait réalisé en MOP
Ensuite, le rapport note que ce dispositif est souvent mal adapté aux projet lui–même. En effet, il entraine une potentielle inadéquation avec les besoins escomptés et nuire à la qualité du service public. Le contrat de partenariat a souvent été choisi par les collectivités territoriales pour des projets non adaptés, sur-dimensionnés en méconnaissance du fait qu’en vertu de la loi, ce type de contrat devait rester l’exception. Le rapport note également, à cet effet, que l’inspection générale des Finances avait ainsi mis en évidence un lien certain entre le recours à un contrat de partenariat et le cycle électoral municipal.
Le rapport signale, aussi, les problèmes liés par la fréquente insuffisance des compétences appropriées au sein de la personne publique. Il observe que les collectivités territoriales, en particulier les plus modestes d’entre elles, ne disposent pas des ressources internes suffisantes pour négocier avec des grands groupes disposant de l’appui de plusieurs conseils. Le rapport souligne également le risque contentieux proportionnel à la taille du projet.
Les rapporteurs ont, par ailleurs, indiqué les effets pervers du recours aux PPP, notamment par l’éviction des PME-TPE. Des contrats de partenariat captés par un oligopole et constituent en raison de leur caractère global une barrière pour les PME. Ainsi, les PME-TPE sont réduites aux fonctions de « sous-traitance ». La rapport observe également que les contrats de partenariat aboutissent à une minoration de la prise en compte de la spécificité des métiers.
Le rapport fait 13 recommandations :
Préciser les critères de recours à un contrat de partenariat
Recommandation n° 1 : Préciser la définition du critère de complexité
Recommandation n° 2 : Préciser la définition du critère de l’urgence
Recommandation n° 3 : Supprimer le critère de l’efficience économique pour justifier le recours à un contrat de partenariat
Rendre effectif l’accès des PME-TPE à la commande publique
Recommandation n° 4 : Réserver les contrats de partenariat à des opérations dont le coût excède un montant minimal
Recommandation n° 5 : Fixer par la loi ou le règlement une part minimale de l’exécution du contrat de partenariat confiée aux PME et artisans
Recommandation n° 6 : Renforcer les garanties de paiement des entreprises auxquelles il est fait appel par le partenaire privé pour l’exécution du contrat de partenariat
Recommandation n° 7 : Exclure le choix de l’équipe d’architecture du champ du contrat de partenariat et organiser en conséquence la concurrence pour l’établissement d’un tel contrat sur la base d’un projet architectural préalablement défini et adopté
Définir une doctrine de recours aux contrats de partenariat et professionnaliser la commande publique
Recommandation n° 8 : Définir une doctrine qui permette de ne pas recourir au contrat de partenariat pour les services pour lesquels ils sont peu adaptés
Recommandation n° 9 : Favoriser la mise en place par la personne publique d’équipes projet recouvrant des compétences de haut niveau à tous les stades de la vie d’un contrat de partenariat
Recommandation n° 10 : Retirer à la Mappp son rôle de promotion
Recommandation n° 11 : Substituer à l’évaluation préalable une étude approfondie sur les capacités financières prévisibles de l’instance se proposant de signer un contrat de partenariat et sur ses capacités de remboursement à moyen et long termes sans obérer ses capacités d’investissement et de fonctionnement eu égard aux données disponibles
Recommandation n° 12 : Confier l’établissement de l’évaluation préalable, recentrée sur ses dimensions juridique et financière, à des organismes publics, indépendants et habilités
Renforcer l’information des collectivités territoriales
Recommandation n° 13 : Pour les collectivités territoriales, rendre obligatoire l’avis de la Mappp ou de la DDFiP avant la conclusion d’un contrat de partenariat