« Créer un désir d’architecture » et « libérer la création architecturale »
La commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, présidée par le député de Paris Patrick Bloche, a créé en décembre 2013, une mission d’information sur la création architecturale. Elle a « procédé à plus de 50 heures d’auditions et de tables rondes (...) et rencontré et auditionné 61 architectes ainsi que des représentants de l’Ordre, des syndicats, d’associations ; des juristes également, des représentants des différentes administrations compétentes, des maîtres d’ouvrage, des ingénieurs, des constructeurs. »
La commission a abouti à 36 propositions répondant à deux objectifs : « susciter un désir d’architecture au sein du grand public » et « libérer la création architecturale ».
Le Conseil national de l’Ordre approuve la démarche et les propositions qui couvrent de nombreux sujets essentiels : de l’abaissement du seuil de recours obligatoire à l’architecte à la diffusion de la culture architecturale, de l’organisation des marchés publics à la simplification du système normatif, de la formation des architectes au conseil du public, etc.
Dans ses conclusions, le rapport note qu'après des dizaines de rencontres et plusieurs déplacements sur les lieux où se fait, aujourd’hui, la création architecturale contemporaine, un constat qui pourrait apparaître, en première analyse, comme paradoxal : les acteurs de la création architecturale, à titre personnel, débordent d’enthousiasme et de créativité, fourmillent d’idées, font surgir partout des bâtiments qui aiguisent la curiosité, l’intérêt, dessinent un quotidien meilleur pour nos concitoyens ; mais, lorsqu’ils se penchent sur la situation globale, ils se font, au choix, sévères ou pessimistes.
Pour dépasser ce paradoxe et assurer à la création architecturale une reconnaissance publique qui lui fait défaut, il faut − la mission en est, à l’issue de ses travaux, convaincue −, redonner à la fonction d’architecte une unité et une visibilité qu’elle a peut-être, dans l’évolution qui a conduit de l’art de bâtir à la nécessité de construire, perdue. Il n’y a pas à trancher entre l’architecte artiste, affublé hier de sa lavallière et tout de noir vêtu aujourd’hui, et l’architecte ingénieur, soucieux d’exploits techniques mais sourd aux exigences d’une architecture à vivre. La leçon de Frank Lloyd Wright, livrée au début de son Testament, mérite ici d’être rappelée : il « faut voir, travaillant ensemble, pendant toute une vie, le poète dans l’ingénieur, l’ingénieur dans le poète et les deux réunis dans l’architecte » (1).
Enfin le rapport souligne qu'en dépit de difficultés réelles, le désir de créer, les nouvelles formes d’organisation collective, la pluridisciplinarité grandissante, donnent à l’architecte les ressources nécessaires pour se saisir des défis de la ville de demain et de l’aménagement durable du territoire. La création architecturale française doit retrouver son aura et son dynamisme du point de vue économique, mais aussi dans le domaine de l’urbanisme.
Le rapport estime que l’architecture doit se penser et se vivre au quotidien, la mission propose donc un plaidoyer, en trente-six propositions, pour une création architecturale désirée et libérée.
(1) F. L. Wright, Testament, Marseille, Parenthèses, collection Eupalinos, 2002, p. 17.
LISTE DES PROPOSITIONS :
> Un constat : une architecture contemporaine mal aimée : quels remèdes ? Proposition 1 : abaisser le seuil du recours obligatoire à l’architecte à 150m2
Proposition 2 : inciter les architectes à mettre en avant le coût global du projet afin que les particuliers puissent faire un choix à partir d’une information réelle
Proposition 3 : mettre en œuvre des mesures pour inciter les particuliers à faire appel à l’architecte : permis simplifié et prêt bonifié
> Donner plus de visibilité à l’architecture sur le plan politique
Proposition 4 : Créer une délégation interministérielle (culture, logement, environnement) placée auprès du Premier Ministre
> Faire évoluer les citoyens par la formation, organiser une meilleure communication, valoriser l’architecture au quotidien
Proposition 5 : Développer l’initiation à l’architecture dès l’école,
Proposition 6 : conforter les actions conduites par les Maisons de l’architecture, notamment l’implantation de résidences d’architectes par le biais de subventions publiques
Proposition 7 : organiser une meilleure communication, recourant à des media innovants et participatifs, autour des réalisations des concours d’architecture et des prix portant sur l’architecture au quotidien
> Accentuer les efforts en faveur des Ecoles d’architecture et de l’enseignement
Proposition 8 : Rééquilibrer la répartition des ENSA sur tout le territoire
Proposition 9 : Instituer des cours de langue obligatoire dans les ENSA
Proposition 10 : Renforcer la HMO en allongeant la durée de la mise en situation professionnelle
Proposition 11 : Il faut reprendre dès la rentrée prochaine les 10 propositions du rapport Feltesse
Proposition 32 : Donner aux enseignants un statut semblable à ceux des enseignants-chercheurs, promouvoir le regroupement des laboratoires de recherche, et le développement d’équipements mutualisés sur le territoire
> Faire rayonner l’architecture en France et à l’étranger
Proposition 12 : donner plus de visibilité aux prix d’architecture, encourager l’exportation grâce aux réseaux culturels (expositions) mais surtout économiques
> Les concours sont nécessaires, Mais il faut éviter le dumping du star système
Proposition 13 : Il faut simplifier les dossiers
Proposition 14 : Faciliter l’accès des jeunes à la commande
Proposition 15 : Lever partiellement l’anonymat du candidat pour permettre l’échange entre le jury et les finalistes
> Et plus généralement pour la commande publique :
Proposition 36 : Développer une stratégie nationale de la commande publique
> PPP, stopper les dérives : « ce sont des bombes à retardement budgétaire » : sans les supprimer ne les conserver que pour des projets exceptionnels
Proposition 16 : supprimer le 3ème critère d’évaluation déterminant le recours au PPP, fondé sur un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d’autres contrats de la commande publique
Proposition 17 : Réintroduire l’architecte dans la phase conception en imposant le concours pour le choix du maître d’œuvre, le partenariat n’intervenant que dans la phase de construction, après le PC
Proposition 18 : Prévoir le choix de deux architectes lors de ce concours : un chargé de conseiller la maîtrise d’ouvrage publique une fois le contrat de partenariat conclu, l’autre poursuivant sa mission auprès du groupement privé
Proposition 19 : limiter les dérogations à la loi MOP et revenir à une loi capable de susciter et de stimuler la création architecturale
> Renforcer la présence des architectes sur les territoires, renforcer leurs missions et rémunération
Proposition 20 : Renforcer la présence des architectes conseils au niveau régional (augmenter leurs vacations ou leur rôle)
Proposition 21 : Prévoir un enseignement en architecture et urbanisme dans la formation des responsables administratifs locaux
Proposition 22 : Recueillir obligatoirement le conseil des CAUE lors de l’élaboration des documents d’urbanisme et généraliser les structures d’accueil pluridisciplinaires
Proposition 23 : Développer des actions de formation spécifique des personnels chargés de l’instruction des PC
Proposition 24 : Généraliser le 1% artistique
Proposition 25 : Généraliser la mission complète de l’architecte
Proposition 26 : Rémunérer systématiquement le travail préparatoire de l’architecte à la demande de PC
Proposition 27 : Prendre appui sur les commissions préalables aux PC associant les pouvoirs publics, la maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre et maîtrise d’usage
> Respecter les normes mais lutter contre leur empilement
Proposition 28 : Passer d’une logique prescriptive à une obligation de résultat en fixant des objectifs à atteindre plutôt que des moyens
Proposition 29 : Proposer des zones franches sur l’ensemble du territoire qui permettraient de déroger aux règles
Proposition 30 : systématiser les dispositifs dérogatoires aux règles d’urbanisme relatives au gabarit, à la densité et à l’aspect extérieur du bâtiment lorsqu’il fait preuve d’une qualité architecturale avérée
Proposition 31 : Prévoir que tous les logements d’un immeuble neuf soient rapidement adaptables aux situations de handicap
> Un enjeu : la réhabilitation
Proposition 34 : Développer l’offre de formation initiale et continue en matière de réhabilitation et de transformation du bâti existant
Proposition 35 : Intégrer les CAUE aux plateformes de la rénovation énergétique pour faciliter l’orientation des particuliers