La recharge du véhicule électrique, un médian pour le développement des smart grids
Dans le cadre de l’évolution des réseaux d’électricité vers les smarts grids, dont la CRE a formulé 41 recommandations afin de les faire passer du stade expérimental au stade opérationnel, elle a notamment pris en exemple la recharge du véhicule électrique, un cas d’école pour leur développement ….
La France s’est fixé l’objectif ambitieux d’atteindre deux millions de véhicules électriques et hybrides rechargeables en 2020.
Le développement du véhicule électrique et hybride rechargeable est un enjeu majeur pour la transition énergétique française. Il constitue un levier important en matière de respect des engagements internationaux de la France sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. À ce bénéfice environnemental, il faut ajouter la contribution à la lutte contre la pollution atmosphérique locale, ainsi que la décarbonatation du secteur des transports. Il représente également une opportunité majeure de développement économique et industriel en France, premier marché d’Europe pour les véhicules électriques et hybrides. Les constructeurs automobiles français ont pris une avance technologique considérable et produisent des véhicules électriques sur le territoire national.
Piloter la recharge du véhicule électrique en fonction de la consommation
Afin d’accélérer le déploiement des véhicules électriques sur l’ensemble du territoire français, il est nécessaire de lever l’incertitude sur la possibilité de recharger son véhicule en tout lieu. En effet, le large déploiement d’infrastructures de charge de véhicules électriques sur l’ensemble du territoire est donc une condition sine qua non du décollage des ventes de véhicules électriques en France.
Ces infrastructures de recharge sont raccordées aux réseaux de distribution d’électricité. Elles auront donc un impact sur la gestion et la configuration des réseaux aux échelons local et national. En effet, les premières études menées par les gestionnaires de réseaux mettent en avant l’impact potentiel du développement des véhicules électriques sur la pointe de consommation. Une modélisation de la charge a été réalisée par les gestionnaires de réseaux à partir des statistiques d’usage des véhicules électriques, du type de recharge des batteries (lent, semi-rapide, rapide) et des caractéristiques des véhicules (capacité de la batterie, autonomie, technologie hybride versus 100 % électrique).
Cette modélisation permet de définir des courbes de charge « naturelle » des véhicules électriques, sans gestion particulière de la recharge. Elles indiquent très nettement que le nouvel usage du véhicule électrique vient s’ajouter aux autres usages, souvent pendant les heures de forte consommation, et induit un accroissement notable de la consommation électrique à la pointe.
L’appel de puissance lié à la recharge des véhicules électriques pourrait donc avoir :
- des conséquences économiques (renforcements du réseau notamment) ;
- et des conséquences environnementales (recharge en période de pointe et donc émissions de CO2) potentiellement très importantes.
Le choix du moment de la recharge ainsi que de la puissance de recharge utilisée doivent prendre en compte l’ensemble des contraintes engendrées sur le système électrique. Ces contraintes portent, notamment, sur le dimensionnement du réseau public de distribution et sur l’équilibre entre production et consommation d’électricité.
Il semble donc important que l’utilisateur soit sensibilisé à ces contraintes, ce qui suppose notamment qu’il réagisse, directement ou via l’asservissement de ses équipements, aux signaux tarifaires et aux signaux prix qui lui sont transmis. Il s’agit donc de piloter la recharge du véhicule électrique en fonction de la production d’électricité et de l’état des réseaux électriques.
Différents démonstrateurs travaillent sur ces nombreuses questions technologiques, juridiques et techniques qui se posent pour permettre une intégration réussie des infrastructures de recharge aux réseaux électriques.
L’exemple du projet VERDI
Le projet Véhicule électrique et Énergies Renouvelables dans un Réseau de Distribution Intelligent (VERDI) : adapter le pilotage de la recharge en fonction de l’état des réseaux et du système électriques
Le projet VERDI teste la mise en œuvre d’une infrastructure de recharge des véhicules électriques communicante permettant de réduire les impacts de la recharge des véhicules électriques sur les réseaux publics de distribution d’électricité. Le projet Driv’Eco, quant à lui, teste le pilotage de la recharge des véhicules électriques en fonction de la production d’électricité de sources renouvelables.
Le projet Véhicules électriques et Énergies Renouvelables dans un Réseau de Distribution Intelligent (VERDI) a pour objectif de mettre au point une infrastructure de recharge des véhicules électriques intelligente et communicante.
Cette infrastructure de recharge permettra de limiter l’impact :
- environnemental en évitant la charge des véhicules électriques pendant les heures de pointe pour privilégier la charge pendant les périodes d’injection d’énergies renouvelables sur le réseau ;
- économique en évitant la charge des véhicules électriques pendant les heures de pointe (minimiser les coûts d’acheminements et les renforcements de réseaux de distribution).
Exemple de borne communicante et pilotable proposée par Saintronic, partenaire du projet VERDI (Source : Saintronic)
Dans les territoires insulaires : piloter la recharge en fonction de la production
Ainsi, si en métropole, l’idée de passer d’un parc « essence » à un parc « électrique » paraît s’imposer d’elle- même parce que le développement de véhicules électriques, se rechargeant sur le réseau à partir d’une électricité produite à plus de 90 % sans émission de CO2, est considéré comme une solution évidente pour passer d’une mobilité carbonée à une mobilité « propre », en revanche, dans les systèmes énergétiques insulaires, tel que celui de la Corse, qui ne bénéficient pas, ou peu, d’interconnexions à un réseau électrique continental, l’implantation de véhicules électriques doit être envisagée avec précaution.
En effet, même si les mix énergétiques locaux sont appelés à évoluer, ils resteront encore durablement marqués par une production thermique fortement carbonée (diesel, charbon). C’est la raison pour laquelle le bilan carbone du véhicule électrique pourrait s’avérer négatif avec un résultat obtenu en termes d’émission de CO2 loin de l’objectif recherché.
À cela, il convient d’ajouter la fragilité plus grande de l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité sur ces territoires. La recharge simultanée des véhicules à la pointe du soir conduirait à une fragilisation supplémentaire pouvant nécessiter de nouveaux investissements dans des moyens de production de pointe (notamment des Turbines à combustion – TAC) quasiment dédiés à cet usage.
L’exemple du projet Driv’Eco en Corse
Adapter le pilotage de la recharge en fonction de la production
Le démonstrateur Driv’Eco a pour objectif d’étudier l’impact du pilotage de la recharge du véhicule électrique en fonction de la production. Ce projet consiste à concevoir, construire et exploiter un réseau de 50 stations de recharges connectées à des ombrières photovoltaïques pour des véhicules électriques en Corse. Ces stations feront partie d’un réseau intelligent de gestion de l’énergie.
Un des objectifs majeurs du démonstrateur est d’imaginer des solutions de mobilité avec des véhicules électriques en Corse, dont l’empreinte carbone sera inférieure aux meilleurs véhicules thermiques ou hybrides selon un bilan dit du « puits à la roue ». Dans les systèmes insulaires actuels, ceci constitue un défi important et nécessite une attention particulière sur la concomitance entre recharge et production solaire.
Afin de pouvoir recharger les véhicules électriques à l’énergie solaire, il est donc nécessaire que la recharge du véhicule électrique soit pilotée. En effet, le pilotage permet d’indiquer à la borne quand de l’énergie solaire est disponible. Le projet Driv’Eco teste donc le déploiement d’une infrastructure de recharge intelligente et communicante, judicieusement positionnée pour favoriser le stationnement en journée permettant de recharger des véhicules à partir d’une source d’énergie solaire et d’avoir le minimum d’impact sur le système électrique corse.
Ces deux projets montrent qu’afin que le véhicule électrique ne soit pas un handicap pour les réseaux et qu’il soit plus écologique qu’un véhicule à essence, il faut que la recharge du véhicule électrique soit pilotée. Dans ce cadre, la CRE recommande le développement de solutions de pilotage de la recharge des véhicules électriques.