En termes économiques, une inondation majeure en Île-de-France est estimée entre 17 et 20 milliards d’euros
Selon un récent rapport établi par l’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU) et paru le 2 décembre, près de 8% de l’habitat de la région de l’île-de-France seraient menacés en cas de grande crue centennale semblable à celle qui frappa Paris en 1910.
Un rapport sorti une semaine après qu’un exercice de simulation d’inondation en aval de la capitale par la préfecture des Hauts-de-Seine afin de préparer ses responsables à gérer une situation en cas de grande inondation. Pompiers, policiers, responsables des transports publics et de l'équipement, ainsi que représentants des municipalités et de la Croix-Rouge, se sont penchés sur les problèmes de grande crue.
Dans cette note, l’Institut d’Aménagement et D’Urbanisme a évoqué que pour une crue d’occurrence centennale – considérée comme une crue moyenne par la directive Inondation près de 435 000 logements (environ 8 %), totalisant 27,3 millions de m2 de surfaces habitables, sont potentiellement exposés aux inondations par débordement.
Ces logements s’inscrivent essentiellement dans les lits majeurs de la Seine (81 %) et de la Marne (15 %) qui constituent le principal bassin de risques ; la répartition des autres logements se distribue entre les berges de l’Oise (moins de 1 %) et celles de l’ensemble des petites rivières (Essonne, Yerres, Loing, Epte...) qui irriguent le territoire francilien.
Avec près de 78 % des logements potentiellement exposés, les départements de la petite couronne concentrent les enjeux. Le Val-de-Marne apparaît comme le territoire le plus menacé, avec plus de 123000 logements en zone inondable, suivi de Paris (107 700) et des Hauts-de-Seine (94 450). La Seine-Saint-Denis, beaucoup moins exposée au fleuve, n’est concernée qu’à hauteur de 11700 logements. En grande couronne, la Seine-et-Marne et l’Essonne présentent le plus de risques, avec chacun plus de 36 000 logements exposés. Les enjeux peuvent être localement très élevés. Ainsi, une quinzaine de communes comptent plus de 10 000 logements en zone inondable, essentiellement en petite couronne : trois arrondissements parisiens (15e, 12e, 7e), Alfortville, Asnières, Ivry, Gennevilliers, Créteil... Chelles (Seine-et-Marne) est la seule commune de grande couronne à dépasser ce seuil. La place occupée par le 15e arrondissement de Paris s’explique notamment par l’implantation de plusieurs immeubles de grande hauteur (IGH) à vocation d’habitat sur les berges de Seine, dans le quartier Beaugrenelle.
Par ailleurs, l’enquête sur la zone inondable en île-de-France montre qu’en termes d’occupation du sol, les espaces strictement dédiés à l’habitat occupent en 2008, 13,1 % des zones inondables d’Île-de-France, soit plus de 6 000 ha. Ce taux augmente sensiblement en petite couronne, où les zones d’habitats représentent plus de 35 % des surfaces exposées, la quasi-totalité des zones inondables se trouvant par ailleurs urbanisée. À l’échelle régionale, ces 6 000 ha se répartissent à 70 % dans de l’habitat individuel et 30 % dans de l’habitat collectif. Ce rapport de surface s’inverse dans la répartition par type de logements impactés. 357 700 logements, soit 82 %, sont localisés dans environ 25 650 immeubles à usage d’habitat collectif ou, pour une part importante d’entre eux, à usage mixte (commerces, équipements éducatifs ou sociaux, bureaux, activités libérales...). À l’exception du Val-d’Oise, la part de l’habitat collectif est majoritaire dans tous les départements, pour atteindre un taux supérieur à 90 % dans les Hauts-de-Seine et de quasiment 100 % à Paris.
Les logements individuels totalisent un peu plus de 77 000 résidences. Le Val-de-Marne accueille à lui seul près du tiers de ce parc de maisons individuelles exposées (24650).
Au-delà du nombre de logements en zone inondable, c’est aussi l’exposition aux hauteurs d’eaux qui permet d’apprécier la vulnérabilité du parc. Le niveau de risque est particulièrement important en Île-de-France. Plus de 48 % des logements en zone inondable (205 000) sont exposés à des niveaux d’aléas forts (hauteur de submersion entre 1 m et 2 m) à très forts (hauteur de submersion supérieure à 2 m) pour une inondation d’occurrence centennale. Par le nombre et la part de logements concernés, le Val-de-Marne peut être considéré comme le territoire le plus sensible. Près de 80 % des logements y sont localisés dans des zones d’aléas forts (52 000 : 42,2 %) à très forts (43 750 : 35,5 %). Seul l’Essonne enregistre également une part majoritaire (50,7 %) de logements exposés à ces niveaux d’aléas, mais pour un nombre de résidences sensiblement inférieur (18 300).
Autre constat, à l’échelle régionale, la part de maisons individuelles exposées aux aléas forts et très forts (45 600 : 60 %) est proportionnellement plus importante que dans l’habitat collectif (159 150 : 44 %).
La lecture de tous ces éléments vient conforter le choix d’inscrire le cœur de l’agglomération parisienne en territoire à risques importants (TRI) de niveau national. Le TRI « métropole francilienne » couvre 92 % des logements potentiellement exposés de l’Île-de-France, dont près de la moitié localisée en zone d’aléas fort à très forts.
Si le système des ouvrages de protections (digues, batardeaux...) développé par la ville de Paris pourrait théoriquement protéger la voie publique parisienne d’une inondation par débordement jusqu’au niveau de la crue de 1910, les autres territoires de l’agglomération centrale paraissent beaucoup plus vulnérables. Au regard des ouvrages de protection existants (niveau des murettes de protection inférieur au seuil de la crue centennale), le Val-de-Marne ressort comme le territoire le plus sensible à une inondation majeure. Si les enjeux quantitatifs sont moindres dans les Hauts-de-Seine, le diagnostic s’y avère similaire sur de nombreux points.
Dans la capitale, plus de 100.000 logements sont en zone inondable, mais "on sait que Paris est protégé jusqu'à une cote de 1910. En théorie du moins", selon Ludovic Faytre, responsable de l'étude.
Le coût direct d'une inondation majeure en Ile-de-France est estimé entre 17 et 20 milliards d'euros, dont au moins un tiers pour l'habitat. Une crue majeure pourrait toucher 8% des logements franciliens, soit près de 435.000, et 850.000 personnes, selon ses estimations. En dépit d'une forte pression foncière, "on arrive aujourd'hui à limiter l'extension urbaine en zone inondable", souligne le spécialiste. Mais "on a peut-être un peu plus de mal à contenir le renouvellement urbain", avance-t-il pour expliquer pourquoi, depuis le début des années 1980, plus de 100.000 logements ont été construits en zone inondable en Ile-de-France, dont 85% dans l'habitat collectif.
Cette étude, réalisée en comparant la cartographie des zones à risque avec les fichiers fonciers du ministère des Finances, vient s'ajouter aux travaux plus larges réalisés pour l'Etablissement public territorial de bassin Seine grands lacs (EPTB), responsable de la lutte contre les inondations. Selon ces études, l'Ile-de-France et ses 12 millions d'habitants sont insuffisamment préparés pour faire face à une crue historique. Une inondation semblable à celle de janvier 1910, qui avait vu la Seine monter à 8,68 mètres, "impacterait directement et indirectement cinq millions de citoyens et de nombreuses entreprises", représentant un tiers de l'activité économique du pays, selon ces travaux de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour l'EPTB.