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L’eau du robinet, perçue comme chère d’une part et moins sure que les eaux en bouteille…

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L’eau du robinet, perçue comme chère d’une part et moins sure que les eaux en bouteille…

L’eau du robinet, perçue comme chère d’une part et moins sure que les eaux en bouteille…

Le Service de l’économie, de l’évaluation et de l’intégration du développement durable, (SEEIDD), du Commissariat général au développement durable, (CGDD), a réalisé une étude permettant de comprendre les raisons exactes qui poussent les consommateurs français à s’orienter de plus en plus vers l’eau en bouteille, alors que l’on constate une amélioration générale de la qualité des milieux aquatiques sur le territoire métropolitain sur les trente dernières années.

En effet, la consommation d’eau en bouteille a dans le même temps été multipliée par trois, un tel décalage entre modes de consommation et état des ressources signifie-t-il que les Français pensent que la qualité de l’eau se dégrade ?

Sur le plan quantitatif, plusieurs études tendent à montrer que la hausse de la demande en eau et le changement climatique aboutiront, à long terme, à une diminution de la quantité d’eau disponible. Face à cette tendance, les Français sont-ils prêts à accepter des changements dans leurs modes de consommation (réutilisation des eaux usées, des eaux de pluies) afin de diminuer la pression pesant sur la dimension quantitative de l’eau ?

Pour répondre, entre autres, à ces interrogations, le Commissariat Général au Développement Durable a lancé une enquête d’opinion auprès de la population française. La présente publication en restitue les résultats et en propose une lecture économique.

L’étude réalisée par est une enquête réalisée auprès d'un échantillon de 4 000 individus, représentatif de la population de France métropolitaine âgée de 18 ans et plus. Cette représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas au regard des critères de sexe, d’âge, de profession, de catégorie d’agglomération, de région et de statut d’occupation du logement, sur la base des données du recensement de la population de 2010 (source Insee).

La collecte des données a été supervisée par l'Institut français d'opinion publique (Ifop). Elle a eu lieu par questionnaire auto-administré en ligne du lundi 8 avril au mercredi 1er mai 2013, suite à deux phases de tests réalisées auprès de 11 et 104 individus.

Le SEEID a pu observer, à travers l’enquête, qu’elle a permis de dégager des tendances significatives aussi bien sur la perception qu’ont les Français de l’état qualitatif et quantitatif des ressources en eau que sur leurs habitudes de consommation d’eau.

L’étude note que si la majorité de la population métropolitaine considère les milieux aquatiques qui l’entourent en bon état général, elle estime néanmoins que cet état ne cesse de se dégrader. Les impacts des activités agricoles et industrielles inquiètent plus particulièrement les Français. Cette vision pessimiste, fondée en partie sur les événements ponctuels survenus en France lors des dix dernières années (marées noires, phénomènes d’algues vertes, etc.), va à l’encontre à la fois d’améliorations observées sur le terrain et des politiques engagées pour atteindre les objectifs environnementaux poursuivis par la France, et les autres pays européens, sous l’égide commune de la Directive Cadre sur l’Eau de 2000.

Sur les aspects quantitatifs des ressources en eau, le bilan est globalement identique. Les personnes sondées considèrent ainsi que les quantités d’eau disponible en métropole sont suffisantes pour couvrir les besoins actuels de l’ensemble des secteurs (agricole, industriel, énergétique et des ménages). Toutefois, là aussi, les Français estiment que la situation est allée en se dégradant lors des dix dernières années et va empirer dans le futur du fait de la hausse de la demande. Contrairement à celles formulées sur la dimension qualitative des ressources en eau, ces inquiétudes illustrent effectivement une tendance de long terme. De nombreuses études annoncent en effet une pression plus forte sur les disponibilités en eau dans les décennies à venir.

Ces craintes formulées par les Français ont eu des impacts sur leurs consommations d’eau et ont contribué au développement des marchés des eaux embouteillées et des systèmes de filtration domestique lors des vingt dernières années. Perçue comme chère d’une part et moins sure que les eaux en bouteille d’autre part, l’eau du robinet a donc été délaissée pour l’usage boisson par 60 % de la population métropolitaine. En plus de leurs impacts environnementaux (gaz à effet de serre dus au transport et déchets plastiques pour les eaux embouteillées par exemple), les nouvelles formes de consommation d’eau se sont traduites par une hausse des dépenses des ménages français. Si ces derniers ignorent pour beaucoup le fait que l’eau du robinet subit des contrôles de qualité très stricts et qu’elle est en réalité 30 à 250 fois moins chère que l’eau en bouteille, un apport supplémentaire de connaissance sur ces sujets ne semble pas en mesure, à lui seul, de modifier durablement les habitudes de consommation. Par ailleurs, même en cas de baisse substantielle de leurs revenus, une large majorité de buveurs d’eau en bouteille déclarent qu’ils continuerait à en boire.

Les changements d’habitudes pour favoriser une utilisation plus rationnelle des ressources sont également difficiles à envisager. Si, dans une logique de gestion plus économe de l’eau, les Français accepteraient de consommer des eaux de pluies (après que celles-ci aient été rendues potables), des réticences claires apparaissent quant à la réutilisation des eaux usées.

Pour pouvoir faire face aux futurs défis de la gestion de l’eau, plusieurs démarches devront donc être entreprises. Un changement durable des consommations d’eau des Français ne pourra se faire que par l’association d’instruments de communication et économiques. Outre la mise en place d’une plus grande information du public concernant l’état général des ressources en eau (comme cela est d’ailleurs demandé dans la Directive Cadre sur l’Eau), le prix de l’eau devrait, à travers toutes ses composantes (rémunération du service d’eau et du service d’assainissement, taxes et redevances), refléter au mieux les pressions s’exerçant sur la ressource à un instant donné.

Mouette sur un panneau « réserve » au dessus d'un étang © Laurent Mignaux – MEDDE – 2006

Une vue du lac Blanc dans le massif de Belledonne © Daniel Coutelier – MEDDE – 2007

Une vue du lac Blanc dans le massif de Belledonne © Daniel Coutelier – MEDDE – 2007

Principaux résultats

Perception de la qualité des ressources en eau

- Deux tiers des Français considèrent que la qualité des ressources en eau est bonne.

- Quelques divergences régionales apparaissent toutefois, le Nord de l’Hexagone ayant globalement une appréciation plus négative que le Sud. Celles-ci se recoupent avec les disparités de concentration de l’eau en certains polluants (nitrates et pesticides) au niveau régional.

- La moitié de la population considère que les ressources en eau se sont dégradées lors des 10 dernières années et qu’elles vont continuer à se détériorer dans les 10 années à venir. Cette perception va à l’encontre de nombreuses observations de terrain.

- Les secteurs agricole et industriel sont identifiés comme les principaux responsables de la pollution générale des ressources en eau.

- Les Français voient dans le secteur agricole le principal responsable de la pollution des ressources en eau par les nitrates et les pesticides.

Perception de la quantité d’eau disponible

- Trois quarts des Français considèrent que la quantité d’eau disponible en France est suffisante pour satisfaire les besoins des ménages et des secteurs agricole, industriel et énergétique.

- Des divergences régionales de perceptions apparaissent. Toutefois, celles-ci ne correspondent pas aux déficits hydriques constatés par le passé. Les personnes interrogées originaires du Nord de la France ont une vision plutôt pessimiste de la disponibilité des ressources en eau alors qu’elles résident dans une région où la pression quantitative sur les ressources en eau est faible. Les individus vivant dans les principales zones de déficit hydrique (Sud-ouest, bassin parisien) n’ont pas une vision plus pessimiste que le reste des Français sur la disponibilité des ressources en eau.

- Les secteurs de l’industrie et de l’agriculture sont désignés chacun par un quart des Français comme étant le secteur utilisant le plus d’eau. Un autre quart des Français considère que les quatre usages (agricole, industriel, énergétique et domestique) utilisent autant d’eau les uns que les autres.

- Deux tiers des Français considèrent que la quantité des ressources en eau disponible a diminué ces 10 dernières années et qu’elle va continuer à diminuer dans l’avenir. Cette appréhension va à l’encontre de ce qui a été observé lors des 10 dernières années, mais est en adéquation avec les projections futures.

- La majorité des Français associe la diminution à venir de la quantité d’eau disponible à la hausse de la demande. Ce résultat correspond aux projections de l’offre et de la demande en eau à l’horizon 2070.

Consommations d'eau des Français : Aspects qualitatifs

- Pour l’usage boisson, la France compte autant de consommateurs d’eau du robinet non filtrée que de consommateurs d’eau en bouteille (40 % chacun).

- Les modes de consommation d’eau pour l’usage boisson sont influencés par l’âge des individus et par la perception qu’ont ces derniers de la qualité des milieux aquatiques qui les entourent.

- Le mauvais goût et la dureté demeurent les deux principaux freins à la consommation d’eau du robinet. Néanmoins, une part non négligeable des Français n’en consomme pas par crainte d’une pollution. La crainte d’une contamination par les résidus de produits utilisés dans l’agriculture (nitrates et pesticides) est majoritairement citée.

- Même si 60 % des Français ne boivent pas directement l’eau du robinet, celle-ci est toutefois considérée comme globalement bonne par l’ensemble de la population. Les régions du Sud ont ainsi une opinion plus positive de la qualité de l’eau du robinet que les régions du Nord.

- L’eau du robinet est considérée comme plutôt chère par la population. Toutefois, cette appréciation doit être nuancée par le fait que seulement 20 % des Français estime correctement le prix de l’eau.

- Une part très restreinte de la population connaît les différences existant entre les trois types d’eau en bouteille (eau de table, eau de source et eau minérale) ou encore l’efficacité réelle des systèmes de filtration domestique.

- Les habitudes de consommation des Français semblent figées. A titre d’exemple, une grande majorité de consommateurs d’eau en bouteille affirme qu’elle continuera à le faire en cas de baisse significative de revenu.

Consommations d'eau des Français : Aspects quantitatifs

- Un tiers des Français ne connaît pas le circuit de l’eau domestique et pensent qu’après traitement, les eaux usées sont directement redistribuées au robinet, alors qu’en réalité elles sont rejetées dans le milieu naturel.

- L’acceptabilité de la réutilisation des eaux usées dépend fortement de l’usage considéré :

* 45 % des Français accepteraient que les eaux usées soient redistribuées directement au robinet après traitement pour qu’elles redeviennent potables, afin de participer aux efforts de préservation de la ressource en eau. Cette proportion est plus importante chez les Français pensant que la quantité d’eau disponible en France n’est pas suffisante.

* Une large majorité des Français (68 %) accepterait de consommer des fruits et légumes arrosés avec des eaux usées traitées. Les Français consomment déjà des fruits et légumes importés de pays où la réutilisation des eaux usées pour l’irrigation est fréquente (Espagne notamment) sans nécessairement le savoir.

- En ce qui concerne les eaux de pluie, une part nettement plus importante de la population (9 Français sur 10) est favorable à leur réutilisation pour l’alimentation en eau potable.

- Trois quarts des Français déclarent préférer diminuer leur niveau actuel de consommation d’eau, plutôt que conserver leur niveau actuel de consommation contre une augmentation du prix de l’eau. Une analyse des caractéristiques des Français selon leur choix de scénario montre que les répondants au niveau de vie le plus élevé (revenus et équipements) sont ceux qui accepteraient le plus facilement une hausse du prix de l’eau.

- Le consentement à payer (CAP) moyen des Français pour conserver leur niveau actuel en cas de baisse de la quantité d’eau disponible s’élève à 14,5 €/personne/an, ce qui correspond à 0,26 €/m3 (8 % du prix de l’eau). La faiblesse du CAP provient probablement du fait que les sondés ont eu du mal à se projeter dans une véritable situation de raréfaction des ressources. Rappelons qu’une majorité des Français pense que la quantité d’eau disponible en France est suffisante et le sera également à l’avenir.

Evaluation économique à partir des résultats d’enquête

- Les dépenses engendrées par la crainte de mauvaise qualité de l’eau du robinet du fait des pollutions agricoles seraient de l’ordre de 195 millions d’euros annuels, répartis de la manière suivante :

* 191 millions d’euros pour les reports vers l’eau en bouteille,

* 4 millions d’euros pour le report vers la filtration domestique.

- Les dépenses engendrées par la crainte de mauvaise qualité de l’eau du robinet du fait des pollutions industrielles seraient de l’ordre de 103 millions d’euros annuels, répartis de la manière suivante :

* 101 millions d’euros pour les reports vers l’eau en bouteille,

* 2 millions d’euros pour le report vers la filtration domestique.

Carafes d’eau © Laurent Mignaux – MEDDE – 2008

Carafes d’eau © Laurent Mignaux – MEDDE – 2008


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