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Horizon 2020 encourage l’exploitation du gaz de schiste, au lieu de développer des énergies à faible émission, sa 1ère vocation

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Horizon 2020 encourage l’exploitation du gaz de schiste, au lieu de développer des énergies à faible émission, sa 1ère vocation

Horizon 2020 encourage l’exploitation du gaz de schiste, au lieu de développer des énergies à faible émission, sa 1ère vocation

Dans un article paru sur Euractiv, le fonds de recherche européen inscrit dans le cadre du programme Horizon 2020 propose une aide de 113 millions d'euros aux entreprises qui exploitent le gaz de schiste. Un programme qui en théorie a vocation à encourager le développement d’énergies à faible émission de carbone.

Alors que le mythe du gaz de schiste explose aux USA, des estimations dévaluées de presque deux tiers…., l’Union européenne se lance dans le marché noir…..

Le programme Horizon 2020, qui court de 2014 à 2020, prévoit d'investir 80 milliards dans des technologies innovantes en Europe. Or ces fonds dédiés à l'innovation pourraient bénéficier au gaz de schiste. Le recours à des technologies innovantes pour évaluer les risques de l'exploitation du gaz de schiste ainsi que le modélisations de l'exploitation pourront en effet être concernés.

Ces financements pourraient aider des compagnies gazières, qui auraient autrement été contraintes de financer elles-mêmes ces études. Des critiques s'élèvent contre ces allocations de fonds qui entrent directement en contradiction avec les politiques européennes en matière de décarbonisation.

De l'argent public mal orienté

« La Commission a déclaré vouloir garantir une haute protection environnementale, et affirme qu'elle prend la lutte contre le changement climatique très au sérieux. Mais en même temps son fonds de recherche finance des études destinées à l'industrie d'exploitation du gaz de schiste. Ce conflit d'intérêts ne peut être ignoré », a indiqué à EurActiv Antoine Simon, le porte-parole des Amis de la Terre.

« C'est particulièrement cynique puisque [ce financement] distribue de l'argent public à une industrie qui est entre les mains de quelques-unes des plus riches sociétés au monde, alors qu'il y a des priorités bien plus importantes en matière d'efficience énergétique et d'énergie renouvelable », a-t-il poursuivi.

33 millions d'euros pour 2014

La DG recherche et innovation ne dévoilera pas quels sont les groupes qui ont obtenu les fonds en question, mais a indiqué que 33 millions d'euros ont déjà été engagés pour financer ces études sur 2014

« Sur les 23 candidatures éligibles, sept ont été conviées à soumettre un projet final avant la date butoir du 23 septembre », a indiqué un fonctionnaire de la Commission à EurActiv. « Nous ne pouvons pas dire pour l'instant combien de projets seront retenus à la fin, ni non plus qui demande une aide financière puisqu'il s'agit d'un appel d'offres concurrentiel », a ajouté le fonctionnaire.

Même si la Commission aimerait limiter chaque attribution à un maximum de 3 millions d'euros, elle se dit encline à verser des sommes plus importantes, a poursuivi la même source.

Une décision rajoutée in extremis par le Conseil européen de décembre dernier permet au fonds chapeauté par le programme Horizon 2020 de contribuer à l'exploitation et à la production de gaz et de pétrole non conventionnels le cas échéant. L'appel d'offres a été publié quelques jours plus tard.

Une source d'énergie propre ?

Le gaz de schiste émettrait peu de carbone selon le programme et « pourrait contribuer à la transition [énergétique] vers une économie à faible émission en carbone étant donné que ses rejets de gaz carbonique dans l'air sont suffisamment faibles », explique un autre fonctionnaire européen. À ses yeux, ce nouveau fonds pourrait contribuer à opérer la transition énergétique de l'UE.

Un rapport britannique déposé l'année dernière par le conseiller scientifique en chef auprès du gouvernement, David MacKay, arrive à la conclusion que les émissions générées par l'exploitation du gaz de schiste étaient similaires à celles du gaz naturel liquéfié (GNL) importé du Qatar.

Selon le rapport, « le principal effet qu'aurait la production et la consommation de gaz de schiste britannique serait le remplacement du GNL importé, ou possiblement de tout gaz importé de l’extérieur de l'Europe. Les conséquences sur les taux d'émissions [en gaz à effet de serre] seraient alors certainement limitées ».

Bien que le cycle de vie du CO2 rejeté par l’exploitation du gaz de schiste soit deux fois plus court que celui du charbon ou du pétrole, il reste encore bien plus long que celui des énergies vertes, à l'instar de l'énergie éolienne et solaire, selon le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

Marcus Pepperell, porte-parole de Shale Gas Europe, souligne que les rapports du GIEC ont également montré que le gaz non conventionnel pourrait être utilisé comme une énergie de transition potentielle en vue de basculer vers une société entièrement basée sur les énergies renouvelables.

« L'Europe est confrontée en particulier à une question de sécurité énergétique et cependant nous n’avons aucune action sur le continent en vue d'assurer une exploitation commerciale du gaz de schiste », a-t-il indiqué à EurActiv. « Il est logique que la Commission se penche sur toutes les possibilités en vue de diversifier le mix énergétique de l'Europe ».

« Étant donné les quantités significatives qui ont été investies dans les autres sources d'énergie telles que les renouvelables, il n'est pas absurde de voir là où l'Europe peut aider à développer l'industrie du gaz de schiste dans un cadre environnemental durable », a-t-il indiqué.

Isaac Valero, porte-parole du commissaire en charge de l'action pour le climat, Connie Hedegaard, estime que le gaz de schiste pourrait être une énergie de transition vers les sources d’énergie renouvelable et l'efficience énergétique, « mais le gaz de schiste seul ne résoudra pas la question climatique », a-t-il mis en garde.

Connie Hedegaard a d’ailleurs demandé aux banques de développement de prendre l'initiative et d'éliminer l'aide public pour les énergies fossiles.

Des émissions de méthane problématiques

L'un des paramètres clés débattus sur le rôle potentiel que pourrait endosser le gaz de schiste dans la lutte contre le changement climatique est celui du méthane. Le méthane est en effet au moins 25 fois plus puissant que le dioxyde de carbone sur une période d'un siècle et 72 fois sur vingt ans. Selon certains scientifiques, il pourrait déclencher des « boucles de rétroaction de réchauffement » au niveau planétaire.

Une étude de 2011 publiée par l'Université de Cornell dirigée par le professeur Robert Howarth a montré que l'impact du gaz de schiste sur le climat pourrait être entre 20 à 100 % plus fort que le charbon. D'autres rapports sont cependant moins alarmants.

Lors de la fracturation hydraulique, de grandes quantités de gaz remontent à la surface avec des produits chimiques utilisés dans les liquides de fracturation. Là, le méthane peut s'évaporer dans l'atmosphère, être brûlé et ainsi transformé en dioxyde de carbone, ou encore capturé et vendu sur les marchés pour réduire la quantité de gaz rejeté dans l'environnement. C’est ce que les anglophones nomment le « green completion ».

Cette dernière méthode est selon M.Howarth, « la meilleure chose pour l'environnement, même si certaines quantités de méthane sont sûrement encore perdues au cours de l'opération », indique-t-il. « Mais [elle] n'est pas couramment utilisée aux États-Unis. [Cette technique] prend du temps et les compagnies préfèrent avancer aussi vite que possible, pour construire et forer d’autre puits. »

L’Agence américaine de protection de l'environnement cherche à rendre cette méthode obligatoire - avec quelques exceptions - d'ici 2015. Mais l'évaluation reposera sur les quantités d'émission de méthane rejetée par une industrie plutôt que sur des inspections sur place, ce qui permettra certaines « manipulations », craint le chercheur.

Les sociétés européennes devront également surveiller leurs émissions de méthane elles-mêmes selon les dernières directives proposées par l'UE, qui pourraient devenir contraignantes en 2015.

« L'évaporation [du méthane] est invisible à l'œil nu », explique M. Howarth. Les plateformes de forage sans surveillance vont probablement frauder de temps à autres, étant donné le passif de l'industrie américaine du pétrole et du gaz en matière de respect des lois », a-t-il ajouté.« L'industrie devra peut-être fournir des informations en Europe », indique le professeur. « Mais comment saurons-nous si les informations sont exactes ? », s'interroge-t-il. « L'industrie a certainement fortement intérêt à tenter de prédire de faibles émissions de méthane », ajoute-t-il.

L'industrie des hydrocarbures se défend et affirme que le forage de schiste pourrait déjà enter dans le champ d’application de certaines législations européennes, telles que la directive sur les déchets miniers ou la directive-cadre sur l'eau.

« Nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire d'avoir de nouvelles réglementations sur le gaz de schiste, mais si des lacunes législatives sont identifiées, nous serions alors heureux de faire le point sur la situation et de coopérer avec les législateurs en vue de trouver la meilleure voie pour aller de l'avant », a indiqué à EurActiv Alessandro Torello, porte-parole de l'International Association of Oil and Gas producers.

Horizon 2020 encourage l’exploitation du gaz de schiste, au lieu de développer des énergies à faible émission, sa 1ère vocation

Pour avoir une idée vue de l'intérieur, un ancien dirigeant du groupe pétrolier américain Mobil Oil explique son opposition radicale aux forages de gaz et d’huile de schiste. Il pointe les pollutions massives, l’impact important sur le climat, les ressources limitées et appelle à sortir des énergies fossiles.

Au temps de la guerre froide, on l’aurait qualifié de transfuge. Ancien vice-président exécutif du groupe pétrolier Mobil Oil, Louis Allstadt est devenu un opposant résolu à l’exploitation des gaz et des pétroles de schiste. Aujourd’hui retraité, il a dirigé des opérations d’exploration et de production de l’entreprise après avoir été en charge de ses activités d’approvisionnement, de commerce et de transport pour le monde. Il a également supervisé, côté Mobil, la fusion de son entreprise avec la société Exxon – Exxon Mobil est aujourd’hui l’un des plus grands groupes mondiaux. Au total, Louis Allstadt a travaillé trente et un ans dans les hydrocarbures.

Mediapart a pu l’interroger pendant près d’une heure, par Skype et en public, dans le cadre d’une discussion qui a suivi la projection du film de Lech Kowalski Holy Field Holy War (voir ici), début avril. Nous publions ci-dessous la retranscription de cette conversation, complétée par un échange par email.

Dans cet entretien, il s’inquiète en particulier des fuites de méthane, un puissant gaz à effet de serre, lors des forages de gaz de schiste. Des chercheurs viennent de mesurer des taux de fuite très supérieurs aux estimations de l’agence américaine de protection de l’environnement (voir ici leur article).

Pourquoi vous opposez-vous à l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste, vous, un ancien cadre dirigeant de l’industrie pétrolière ?

Louis Allstadt. J’ai pris ma retraite de l’industrie pétrolière et gazière en 2000. Je n’ai aucune intention de travailler de nouveau dans ce secteur. Il y a six ans environ, des amis m’ont demandé s’il était possible de forer en toute sécurité des puits de gaz à seulement 150 mètres du lac qui fournit l’eau potable de notre village. J’ai d’abord trouvé très étrange de vouloir forer aussi près.

Puis je me suis plongé dans les différences technologiques entre la fracturation hydraulique et les méthodes des forages conventionnels. La fracturation hydraulique utilise de 50 à 100 fois plus d’eau et de produits chimiques que les anciens forages conventionnels. Son infrastructure industrielle est aussi beaucoup plus importante. Le problème des déchets est majeur : il faut environ 20 millions de litres d’eau et environ 200 000 litres de produits chimiques pour fracturer. Un tiers environ de ces liquides ressort du puits chargé de métaux lourds. Ce sont des déchets toxiques et pour une part radioactifs. Le lien a été fait entre leur stockage sous pression, dans les puits d’injection, et des tremblements de terre à proximité. La moindre fuite crée un sérieux problème aux réserves d’eau potable.

Les riverains de forages par fracturation hydraulique sont victimes de nuisances importantes. Il existe des procédés de recyclage de l’eau usée qui permettent de consommer 30 % d’eau « fraîche » en moins. Mais il faut quand même énormément d’eau. Des progrès ont aussi été accomplis dans la réalisation des puits, permettant de réduire les fuites de méthane. Mais ces améliorations sont bien faibles au regard de la force brutale de cette technologie.

Au bout de quelques années, je suis arrivé à la conclusion que cette technologie ne peut pas être utilisée sans dommage, en particulier à proximité de là où des gens vivent et travaillent. Or je me suis rendu compte que les réglementations étaient très limitées. La loi américaine autorise par exemple les exploitants à garder secrète la composition des produits chimiques qu’ils utilisent pour forer. Elle autorise également les forages très près des écoles et des bâtiments publics. J’espère donc que vous aurez de bien meilleures lois que nous.

À quoi servent les gaz et huile de schiste aux États-Unis ?

Le gaz de schiste n’est pas différent du gaz conventionnel. C’est chimiquement la même chose. Pareil pour le pétrole. Le gaz, qu’il provienne d’un forage par fracturation hydraulique ou d’un forage conventionnel, passe par les mêmes tuyaux, les mêmes gazoducs et sert de la même manière au chauffage des logements, à produire de l’électricité, à cuisiner. Aujourd’hui les principales sources d’énergie aux États-Unis sont le pétrole, qui sert principalement dans les transports (essence, diesel, carburant aérien) et un peu pour le chauffage. Le charbon est utilisé pour produire de l’électricité. Les pourcentages des unes et des autres varient en fonction des régions américaines.

L’électricité est beaucoup produite à partir de charbon aux États-Unis, ressource qui émet énormément de gaz à effet de serre, plus que le gaz. Or l’un des arguments des pro-gaz de schiste est d’affirmer que cette méthode réduit l’impact climatique de la production d’énergie. Que leur répondez-vous ?

Si vous brûlez tout le gaz, vous émettez moins de dioxyde de carbone qu’avec le charbon. Le problème, c’est qu’une grande partie de ce gaz fuit et s’échappe dans l’atmosphère sous forme de méthane, qui est 80 à 100 fois pire, en pouvoir de réchauffement, que le CO2 pendant les vingt ans qui suivent son rejet. Ces fuites sont un gros problème. Et elles rendent en réalité le gaz pire que le charbon. Des études sur les champs de production indiquent un taux de fuite dans l’atmosphère qui peut atteindre 6 %. Sous les rues des grandes villes, les vieux tuyaux qui fournissent le gaz aux logements et aux bâtiments fuient quant à eux de 3 à 5 %. S’y ajoutent les fuites des stations de compression, et celles qui se produisent chaque fois que vous allumez votre gazinière. Or il suffit de 1 à 1,5 % de fuite pour que le recours au gaz soit aussi mauvais que le charbon en matière d’émission de gaz à effet de serre.

Donc, même s’il semble que brûler du gaz soit plus propre que brûler du charbon, c’est faux. On ne le sait que depuis ces dernières années. Je dois dire que cela m’a surpris lorsque je l’ai découvert. Tous les tests réalisés jusqu’ici indiquent que nous avons un très gros problème.

L’exploitation du gaz et des huiles de schiste constitue une activité importante aux États-Unis aujourd’hui. L’Europe peut-elle être un nouvel eldorado ?

Vous pouvez probablement apprendre de ce qui s’est passé aux États-Unis. Au départ, les entreprises gazières prétendaient que là où il y a du gaz de schiste, vous pouvez bâtir un puits et en extraire du gaz. Pendant quelques années, des puits de forage sont effectivement apparus là où se trouvaient des gisements de gaz. Ce qu’on a découvert, c’est que ce gaz n’est pas présent partout dans le sous-sol, mais seulement en quelques endroits d’un potentiel gisement, ce qu’on appelle des « sweet spots », des « parties tendres ». Donc l’exploitant qui tombe sur une « partie tendre » peut très bien s’en sortir. Mais ceux qui ne les ont pas trouvées ne s’en sortent pas si bien.

Par ailleurs, les premières estimations de l’étendue des réserves gazières ont été très surestimées. Au départ, il se disait que les États-Unis pouvaient avoir dans leur sous-sol l’équivalent de cent ans de consommation de gaz. Maintenant, on ne parle plus que de vingt ans ou moins. Je ne connais pas précisément la situation des réserves européennes. Mais je crois qu’il va se passer la même chose que pour le reste des extractions de minerais : le produit est concentré en certains rares endroits, et il ne sera pas rentable d’exploiter le reste. Regardez la décision que vient de prendre Shell, un des plus gros groupes pétroliers au monde : ils réduisent leur engagement financier et en main-d’œuvre aux États-Unis dans le pétrole de schiste. C’est emblématique des difficultés rencontrées par d’autre majors.

Autre argument des défenseurs des forages de gaz et de pétrole de schiste : permettre l’indépendance énergétique des États-Unis. N’est-ce pas à vos yeux un horizon qui compte ?

C’est ce que disaient les entreprises au départ. Elles le disent toujours parfois. Mais cet argument ne se justifie vraiment pas. Les puits de pétrole et de gaz de schiste s’épuisent très vite. En un an, la rentabilité peut décliner de 60 %, alors que les gisements conventionnels de gaz déclinent lentement et peuvent rester productifs 40 ans après le début du forage.

L’autre aspect, c’est que les forages visent les « parties tendres ». Quand elles sont épuisées, d’autres emplacements moins productifs doivent être forés. Cela ne semble pas promettre des horizons d’indépendance énergétique aux États-Unis. Au contraire, je pense qu’ils vont recommencer à importer du gaz d’ici la fin de la décennie. Les États-Unis ne sont pas indépendants énergétiquement et ne le deviendront pas grâce aux forages de gaz et d’huile de schiste. Même s’ils deviennent le plus gros producteur mondial de pétrole, ils continueront à en importer d’énormes quantités.

Quant aux emplois créés, ils ne bénéficient pas aux riverains des forages, mais profitent à des spécialistes venus du Texas ou d’Oklahoma ou d’ailleurs, qui ne restent que tant que dure le forage, et partent ensuite. Ils sont en général de courte durée.

Si le bilan des gaz et huile de schiste est si mauvais, pourquoi l’exploitation se poursuit-elle aux États-Unis et pourquoi Barack Obama en fait-il une telle promotion, notamment lors de son voyage officiel en Europe le mois dernier ?

Je pense que la position du président Obama est fortement influencée par son nouveau secrétaire à l’énergie, Ernest Moniz, qui est favorable à la fracturation hydraulique. Par ailleurs, l’information sur la quantité des fuites de méthane dans l’atmosphère et leur impact sur le climat est relativement récente. Il faut du temps aux gouvernements pour absorber l’information et changer de stratégie.

C’est aussi une question géopolitique en lien avec ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine. Je serais surpris que les États-Unis exportent de grandes quantités de gaz. Certaines entreprises veulent en exporter, sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL), parce que le prix du gaz est plus élevé en Europe et en Asie. Mais je n’y crois pas. Nous n’avons pas à ce jour de terminal d’exportation gazière. Peut-être un ou deux seront construits un jour, mais ils coûteraient beaucoup d’argent. Le transport par mer de gaz liquéfié coûte aussi très cher. Ce serait donc un investissement très risqué. Il n’y aura pas assez de gaz pour maintenir une activité d’exportation sur le long terme.

En France et en Europe on parle beaucoup de transition énergétique. Les États-Unis pourraient-ils répondre à leurs besoins d’énergie sans les gaz et huiles de schiste ?

La clé à long terme, c’est le passage aux énergies renouvelables : éolien, solaire, hydraulique. C’est la seule solution. Les hydrocarbures faciles et bon marché ont déjà été exploités. Il ne reste plus que les gaz et huile de schiste – mais leur production va décliner – et les gisements non conventionnels, en eau profonde et dans l’Arctique – mais ils coûtent extrêmement cher. Les renouvelables doivent donc très vite commencer à remplacer les fossiles.

Si vous prenez en compte les externalités des carburants fossiles (le coût de leurs impacts sur l’environnement, ndlr), le coût important de la protection des régions côtières, des inondations, et des autres effets du dérèglement climatique, les énergies renouvelables sont d’ores et déjà compétitives. Car avec les hydrocarbures, il faut payer deux fois : une fois à l’achat, et ensuite en impôts pour rembourser les dommages qu’ils causent.

L’opinion publique américaine est-elle favorable ou opposée aux gaz et huiles de schiste ?

Aux États-Unis, les sondages peuvent dire tout et son contraire. Sur les études les plus crédibles, il semble qu’environ 40 % des personnes interrogées sont opposées à la fracturation hydraulique, environ 40 % y sont favorables et 20 % indécises. Il faut comprendre qu’aux États-Unis, les propriétaires fonciers sont aussi les détenteurs des droits miniers. Si bien que les propriétaires de terres ont tendance à être favorables aux forages des gaz de schiste car ils y peuvent toucher des droits et des recettes grâce à la location de leurs terres. C’est différent dans la plupart des autres pays. Les voisins de forages de gaz de schiste qui ne possèdent pas beaucoup de terrain ont tendance à s’inquiéter du sort des déchets issus de ces forages. Ainsi que du trafic routier intense des camions qui vont et viennent des puits.

Vous considérez-vous comme un lanceur d’alerte ?

Je ne m’étais pas formulé les choses ainsi. Peut-être. Sauf que je ne dis rien qui ne soit déjà bien connu dans l’industrie des hydrocarbures, ce qui ne correspond donc pas à la définition exacte de ce qu’est un lanceur d’alerte.

Comment l’industrie énergétique a-t-elle réagi à vos déclarations ?

Ils ont été étonnamment silencieux. Ils n’ont rien répondu, en fait.

Vous semblez être passé d’une critique des gaz et huiles de schiste à une critique plus générale de l’utilisation des énergies fossiles en raison de leurs effets néfastes sur le climat.

Tout à fait. Je me suis d’abord inquiété des effets locaux des exploitations des gaz de schiste là où j’habitais. Puis au fil des ans, je me suis beaucoup moins inquiété pour les forages car les recherches indiquent que les réserves ne sont vraisemblablement pas si importantes. Je suis aujourd’hui beaucoup plus inquiet des effets des gaz et huiles de schiste sur le dérèglement climatique. Peu importe où vous forez, peu importe d’où vous émettez : les gaz rejetés vont dans l’atmosphère et créent un problème pour nous tous, quel que soit votre lieu de vie.

Pensez-vous qu’il faut aujourd’hui sortir du pétrole ?

Ce n’est pas si simple d’en sortir. Cela prendra du temps. Mais nous devons commencer à emprunter cette voie. Les coûts des renouvelables baissent. Leur viabilité augmente assez vite. Notre approvisionnement énergétique doit changer. Nous devons remplacer les énergies fossiles aussi vite que possible par les renouvelables.

Cet entretien a eu lieu par skype et en public le 2 avril dernier, au cinéma l’Entrepôt à Paris.

Remerciements à Lech Kowalski, Odile Allard et au cinéma l’Entrepôt pour l’organisation de cette discussion. Merci également à Émilie Saada pour la traduction.

ARTICLE PUBLIE ICI SUR MEDIAPART.


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