Au niveau mondial, le solaire photovoltaïque, première filière énergie renouvelable au titre de la puissance annuelle installée
Le baromètre du photovoltaïque, réalisé par par Observ’ER dans le cadre du projet “EurObserv’ER” regroupant Observ’ER (FR), ECN (NL), Institute for Renewable Energy (EC BREC I.E.O, PL), Jozef Stefan Institute (SL), Renac (DE) et Frankfurt School of Finance & Management (DE), montre que le marché mondial du solaire photovoltaïque s’est nettement relancé en 2013. Une énergie renouvelable compétitive.
Selon les premières estimations, il aurait dépassé les 37 GWc en 2013, contre environ 30 GWc en 2011 et 2012. Le solaire photovoltaïque devient donc la première filière énergie renouvelable au titre de la puissance annuelle installée. Celle-ci atteint désormais 137 GWc fin 2013 dans le monde, ce qui constitue une croissance de 35 % par rapport à l’année précédente. On observe un contraste saisissant entre la forte croissance des marchés chinois, japonais et américain et la baisse sensible du marché de l’union européenne.
Le Baromètre mentionne que la principale information concernant le marché mondial du solaire photovoltaïque est certainement celle qui indique que les marchés de la région Asie pacifique ont largement pris le pas sur le marché européen. La Chine, selon la National Energy Association, a connecté sur le réseau 11,3 GWc durant l’année 2013. Jamais un pays n’avait installé autant de puissance photovoltaïque en une seule année. Selon le METI (ministère japonais de l’Économie, du Commerce extérieur et de l’Industrie), le Japon a installé 5,17 GWc durant les neuf premiers mois de l’année fiscale 2013, soit l’équivalent de 6,9 GWc pour une année comparable en Europe. Ces deux pays représentent désormais plus de la moitié du marché mondial. Les États-Unis complètent le podium avec, selon le US Solar Market Insight Reports de l’Association des industries de l’énergie solaire (SEIA, Solar Energy Industries Association), 4,7 GWc en 2013 (3,4 GWc en 2012), soit une puissance cumulée installée de 12,1 GWc. Par ailleurs, de nouveaux marchés sont en train d’émerger : l’Inde, selon le ministère des Énergies renouvelables et nouvelles, a franchi pour la première fois le seuil du GWc (1 115 MWc), la Corée du Sud enregistre + 442 MWc et la Thaïlande + 317 MWc. Au Chili (+ 103 MWc), c’est une centrale solaire de 100 MWc – Solar Sunrise – qui a été installée et développée par la société américaine SunEdison Inc. Elle est située dans la région d’Atacama. On note également une accélération du marché de l’Afrique du Sud. Le Renewable Energy Independent Power Producer Programme (REIPP) prévoit l’installation de centrales solaires d’une capacité de 1,5 GWc d’ici à la fin 2014 et 8,2 GWc en 2030. De nombreux autres programmes de développement à grande échelle de l’électricité solaire sont mis en œuvre au quatre coins du monde (Amérique du Sud, Afrique du Nord, Afrique subsaharienne, Moyen-Orient) ; il devient donc impossible de tous les citer.
Le baromètre poursuit que le marché chinois devrait conserver son niveau élevé durant les prochaines années. Selon un communiqué de presse du Conseil d’État chinois publié en juillet dernier, le gouvernement vise maintenant une puissance cumulée de 35 GWc pour 2015, soit un quasi-doublement de son parc en deux ans, estimé par l’EPIA (European Photovoltaic Industry Association) à 18,1 GWc fin 2013. L’objectif du gouvernement chinois est de réduire la dépendance de l’industrie vis-à-vis des exportations photovoltaïques et de résoudre une partie des problèmes de surcapacité du pays. Certains analystes notent toutefois que le photovoltaïque continue de peser cher dans les dépenses publiques avec une subvention de 0,42 CNY/kWh (5 c€/kWh), encore élevée compte tenu du prix de l’électricité en Chine.
Le marché japonais devrait également rester très élevé durant les prochaines années, poussé par la construction de parcs photovoltaïques de grande puissance. Cité dans un article du magazine Energías Renovables, Pierre-Pascal Urbon, porte-parole de SMA (entreprise allemande spécialisée dans la production d’onduleurs pour les installations solaires), a déclaré : « Le Japon va remplacer l’Allemagne comme marché mondial n° 1 où se négocient les projets solaires de grande taille. » Les analystes prédisent que, malgré la baisse du tarif d’achat en 2014 (32 yens/kWh, soit 0,23 €/kWh, pour les clients commerciaux, - 11 %, et 37 yens/kWh, soit 0,26 €/kWh, pour le résidentiel, - 26 %), le marché devrait fortement augmenter. Le Japon semble donc être entré à marche forcée dans le solaire pour remplacer son parc nucléaire.
Les États-Unis ne sont pas en reste. Selon la SEIA, le solaire est devenu dans ce pays la deuxième filière d’électricité sur le plan des capacités nouvellement installées, derrière le gaz, avec une part de 29 % (correspondant à un investissement de 13,7 milliards de dollars, soit 9,9 milliards d’euros). D’après l’analyste Jigar Shah, la croissance américaine devrait rester très soutenue, aidée par l’expiration programmée fin 2016 du crédit d’impôt à l’investissement fédéral (ITC), qui est de l’ordre de 30 %. Le chiffre de marché pourrait même atteindre 16 GWc en 2016.
En 2014, le marché américain devrait poursuivre sa croissance : entre 40 et 45 GWc selon le cabinet IHS, et 49 GWc selon un analyste de NPD Solarbuzz. Mercom Capital Group l’estime quant à lui à 43 GWc ; Bloomberg New Energy Finance entre 44 et 51 GWc, en lien avec une baisse sensible des prix. En novembre 2013, Navigant Research évaluait à plus long terme que la puissance annuelle installée pourrait augmenter jusqu’à 73,4 GWc en 2020, soit le double du niveau de marché actuel, avec plus de 100 GWc uniquement déployés en Chine. Les analystes de NPD Solarbuzz sont encore plus optimistes sur les perspectives de croissance du marché mondial. Dans ses statistiques, la société d’études de marché prévoit un déploiement annuel de 100 GWc d’ici à 2018 ; la puissance photovoltaïque installée au niveau mondial atteindrait alors 500 GWc. Selon la même source, un marché annuel de 100 GWc représenterait un volume prévisionnel de vente de panneaux photovoltaïques de 50 milliards de dollars par an (36 milliards d’euros). Le prix moyen de vente des modules diminuerait à quelque 0,51 $/W, soit 0,39 €/W, d’ici à 2018.
La forte reprise du marché mondial du photovoltaïque, après une année de stagnation, est liée à la baisse des prix, qui dans certaines zones sont devenus inférieurs au prix de l’électricité conventionnelle. Ce nouveau paramètre n’est pas sans poser quelques problèmes, car il a entraîné le marché mondial de l’énergie dans l’incertitude quant à la nature des futurs investissements dans les capacités de production d’électricité, qu’elles soient conventionnelles ou renouvelables. Cette situation fragilise d’ailleurs le modèle actuel des “utilities” (compagnies d’électricité).
L’an dernier, un document d’Edison Electric Institute (EEI), une association d’actionnaires de compagnies d’électricité américaines, a détaillé les “défis perturbateurs” auxquels le secteur électrique était confronté, à savoir : la baisse rapide des coûts de la production décentralisée, les progrès très rapides réalisés dans les technologies de stockage et de gestion des flux d’électricité, les programmes gouvernementaux qui, dans certains pays (comme aux États-Unis, au Japon et en Chine), font le choix de continuer à favoriser les énergies renouvelables, la baisse du prix du gaz (aux États-Unis) et les investissements à réaliser dans les infrastructures réseaux devenues obsolètes. Une analyse partagée par les utilities européennes. Ainsi, le PDG de RWE, Peter Terium, interviewé par l’agence Reuters en août 2013, reconnaissait que le passage des centrales conventionnelles aux moyens de production décentralisés et aux énergies renouvelables constituait un changement fondamental : « Nous devons nous adapter au fait que, à plus long terme, la capacité de gain dans la production d’électricité conventionnelle sera nettement inférieure à ce que nous avons vu ces dernières années. » Le président de GDF Suez, Gérard Mestrallet, dans le cadre de la Conférence internationale organisée par les Ateliers de la terre qui réunit annuellement les décideurs engagés pour un développement durable (“Global Conference”), déclarait en juin 2013 : « L’émergence de systèmes décentralisés, avec des entités de plus petite taille, au plus près des territoires, avec le développement de l’autoproduction, est une véritable révolution puisqu’un certain nombre de consommateurs vont devenir des autoproducteurs ! (...) Le modèle énergétique se transformera plus profondément encore, avec une production d’énergie de plus en plus décentralisée. Pour nos entreprises, c’est clair : le temps des monopoles est terminé. » L’analyste de Reuters, Geert De Clercq, poursuit en expliquant que la vague des énergies renouvelables ne pouvait pas tomber à un pire moment pour les utilities. La libéralisation des marchés européens de l’énergie a entraîné un mouvement de concentration de ces dernières, ce qui les a fortement endettées. Pire encore, la demande d’électricité, du fait de la recherche d’efficacité énergétique, a diminué depuis la crise de l’euro.
Selon De Clercq, les utilities seraient les grandes perdantes dans cette affaire. Les gagnants étant surtout les fabricants de panneaux solaires et d’éoliennes, mais aussi les centaines de petites entreprises qui installent des systèmes solaires, ainsi que les milliers de consommateurs qui veulent transformer leurs toits en centrales photovoltaïques. Sans compter les spécialistes en systèmes de gestion de l’énergie, Schneider et Alstom par exemple, et ceux du secteur de l’efficacité énergétique, en particulier les fabricants de matériaux de construction comme Saint-Gobain, les fabricants de systèmes de chauffage comme Viessmann, BBT ou Vaillant, et Recticel qui fabrique des isolants en mousse de polyuréthane. Les entreprises européennes sont globalement bien positionnées sur ce nouveau et vaste marché mondial.
Selon l’analyste Keith Bradsher, journaliste économique au New York Times, la Chine a fortement misé sur les énergies renouvelables pour répondre à de graves problèmes de pollution de l’air et à sa forte dépendance aux importations d’énergies en provenance de pays politiquement instables d’Afrique et du Moyen-Orient. Un choix qui s’expliquerait également par le fait que la Chine soit très exposée au réchauffement climatique sur sa côte densément peuplée. Sans doute y a-t-elle vu aussi une grande opportunité de développement industriel. Le pays a en effet mis d’énormes moyens financiers pour arriver à ses fins. Les banques publiques ont fourni 18 milliards de dollars (13 milliards d’euros) sous forme de prêts à des conditions avantageuses aux fabricants chinois de panneaux solaires, finançant une augmentation de près de 10 fois la capacité de production entre 2008 et 2012, déclenchant une baisse de 75 % des prix des panneaux au cours de cette période, et entraînant des pertes de près de 1 dollar pour 3 dollars de ventes en 2012 ! On ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs. Dans l’aventure, une partie de ses industriels ont connu des faillites sans appel. Mais force est de constater que c’est ainsi que la Chine a pris la main sur la moitié du top 10 mondial (voir tableau 4). Forte d’une main-d’œuvre bon marché, pratiquant un dumping sans nuance, elle a “autorisé” une production de masse qui a engendré une spectaculaire baisse des coûts au niveau mondial. Cette réaction en chaîne (que tout photovoltaïcien normalement constitué appelait de ses vœux !) a permis à l’électricité solaire de prendre objectivement toute sa place dans la transition énergétique en cours.