La maison de Bessines-sur-Gartempe et ses risques de contamination au Radon…
Un rapport, venant d’être publié par l’Institut de radioprotection et de Sûreté Nucléaire, a évalué les risques sanitaires des habitants permanents et des enfants gardés dans une maison construite sur des résidus de traitement de minerais d’uranium située sur la commune de Bessines-sur-Gartempe (87).
L’expertise menée dans la maison a montré que l’inhalation de radon a constitué la voie essentielle d’exposition de ces différentes personnes. Les analyses biologiques proposées ont confirmé l’absence de contamination par du radium. La concentration de radon mesurée dans les différents lieux de vie de la maison est exceptionnelle. Issue des mesures réalisées, l’estimation de la concentration moyenne varie de 8 500 Bq/m3 dans la cuisine en journée à 18 700 Bq/m3 dans le séjour la nuit.
Le radon est un cancérigène pulmonaire avéré, le risque de cancer du poumon augmente avec l’exposition cumulée au radon (quantité totale inhalée). Les évaluations de risque ont permis de déterminer que, si les personnes ayant vécu plus de 10 ans dans la maison ont une augmentation forte de risque de décès par cancer du poumon, le risque pour les enfants en garde est beaucoup plus faible du fait d’un temps d’exposition beaucoup plus limité.
Est Situation actuelle sur le site :
Dans le cadre de la campagne de recherche de stériles miniers menée par AREVA, des mesures réalisées en mars 2014 par la société Algade ont révélé des concentrations anormalement élevées de radon dans l’air intérieur d’une habitation à Bessines-sur-Gartempe (87). La présence de sables cyclones, résidus de traitement de minerais d’uranium, sous une couche superficielle de terre végétale d’une épaisseur d’environ 50 cm, a été mise en évidence sur la parcelle sur laquelle la maison est située.
L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire a été chargé par les pouvoirs publics d’évaluer aussi précisément que possible l’exposition radiologique et le risque sanitaire induit pour les différents occupants : les habitants permanents et les enfants gardés à domicile dans cette maison. A partir du 24 mars, plusieurs équipes de l’IRSN ont ainsi été dépêchées sur place (une dizaine de personnes, dont un médecin placé auprès de l’ARS2 du Limousin), ainsi que les moyens techniques nécessaires (un laboratoire mobile d’anthroporadiométrie, un véhicule laboratoire permettant la caractérisation de prélèvements sur le terrain et des équipements de mesure des rayonnements ionisants) afin de :
- caractériser la situation radiologique autour de la maison et à l’intérieur de celle-ci ;
- recueillir auprès des occupants actuels, des informations sur leurs habitudes de vie (usage des différentes pièces, temps de séjour, habitudes en matière d’aération de la maison...) en vue de disposer des données nécessaires pour reconstituer au mieux l’exposition des occupants, notamment au radon ;
- réaliser des mesures individuelles d’une possible contamination interne par du radium (anthroporadiométrie et analyse radiotoxicologique urinaire).
L’IRSN a rendu son rapport d’expertise aux autorités compétentes le 15 avril 2014. Ce rapport présente, pour les différents profils d’occupants considérés (habitants permanents, enfants en nourrice ou garde périscolaire,...),une évaluation des expositions aux rayonnements ionisants susceptibles d’avoir été subies ainsi que les risques sanitaires potentiels associés.
Des évaluations personnalisées de risque ont été ensuite réalisées pour toutes les personnes concernées. Elles leur ont été communiquées lors d’entretiens individuels qui se sont déroulés à l’Agence Régionale de Santé (ARS) du Limousin dans la dernière quinzaine de mai.
Expertise radiologique de la maison :
Un ensemble de mesures radiologiques a été effectué dans la maison afin de caractériser les voies possibles d’exposition de ses occupants : l’exposition interne par inhalation du radon et de ses descendants, l’exposition externe au rayonnement gamma émis par le radium et ses descendants, présents dans les sols et les soubassements de la maison, et enfin l’exposition interne par ingestion ou inhalation de radium. De l’ensemble des mesures réalisées, l’IRSN retient que l’inhalation de radon a constitué la voie essentielle d’exposition pour les personnes ayant séjourné dans la maison.
Des concentrations représentatives de radon dans les différents lieux de vie de la maison ont été estimées, elles varient de 8 500 Bq/m3 dans la cuisine en journée à 18 700 Bq/m3 dans le séjour la nuit.
Etat des connaissances sur les effets du radon sur la santé :
Les études épidémiologiques menées chez des mineurs d’uranium et au sein de populations exposées au radon dans leur habitat, montrent que :
· le cancer du poumon est le seul effet scientifiquement établi associé à une exposition au radon ;
· l’augmentation du risque de cancer du poumon chez l’adulte est proportionnelle à l’exposition cumulée qui est définie comme le produit de la concentration moyenne (Bq.m-3) par le temps d’exposition (h);
· le risque combiné du tabac et du radon se situe ente l’addition et la multiplication des deux risques relatifs ;
· l’excès de risque de cancer du poumon décroît fortement après la fin de l’exposition au radon. Il peut être considéré qu’il s’annule au-delà de 30 ans après la fin de l’exposition.
Il n’y a pas aujourd’hui d’étude épidémiologique permettant d’estimer le risque de cancer du poumon après une exposition au radon uniquement durant l’enfance. Aussi, pour les enfants, il a été considéré que l’excès de risque de cancer du poumon en fonction de l’exposition était similaire à celui que les études épidémiologiques ont mis en évidence pour les adultes. Toutefois, pour tenir compte des incertitudes, une estimation complémentaire postulant l’absence de décroissance du risque après la fin de l’exposition pour les enfants est également présentée.
Exposition cumulée au radon :
L’exposition cumulée sur un an a été calculée pour les différents profils d’occupants de la maison, en fonction de leur activité (personne au foyer, travailleur extérieur, enfant gardé...) et de leur âge (enfant, adolescent, adulte), en tenant compte d’une estimation des temps respectifs vraisemblablement passés dans les différentes pièces de la maison et des niveaux moyens estimés de concentration de radon dans l’air.
Les expositions cumulées sur un an, estimées pour les différentes situations types, varient de 6.106 à 110.106 Bq.m-3.h, respectivement pour un enfant en garderie périscolaire et pour un adulte travaillant dans la maison. A titre de comparaison, une personne passant 80% de son temps dans une habitation dont la concentration en radon serait de 200 Bq.m-3 (soit la concentration moyenne dans l’habitat en Haute-Vienne), aurait une exposition cumulée sur un an de 14.106 Bq.m-3.h.
Démarche d’évaluation du risque :
Les études épidémiologiques disponibles sur l’exposition au radon dans l’habitat fournissant directement une quantification de la relation entre l’exposition au radon (en Bq.m-3.h) et la probabilité de survenue d’un cancer du poumon chez l’adulte, c’est l’approche épidémiologique qui a été utilisée pour évaluer le risque pour les personnes exposées.
Pour cette évaluation, il a été utilisé le modèle de risque dérivé de l’étude européenne (publiée en 2005) sur le risque de cancer du poumon associé au radon dans les habitations ainsi que les taux de base de la mortalité par cancer du poumon constatés en 2012 dans les différentes tranches d’âge de la population française et ceux d’individus n’ayant jamais fumé issus de l’étude américaine « Cancer Prevention Study II ».
Résultats de l’analyse de risque :
Pour des adultes ayant habité une longue durée dans la maison (typiquement plus de 10 ans), il est estimé que l’exposition cumulée au radon peut conduire à une augmentation de la probabilité de décès par cancer du poumon similaire à celle entraînée par une consommation tabagique régulière (c'est-à-dire multipliée par 10 à 15 par rapport au taux de base d’un individu n’ayant jamais fumé).
Pour les enfants ayant été gardés dans la maison durant leur enfance, l’augmentation de la probabilité de décès par cancer du poumon est nettement plus faible et si l’on fait l’hypothèse, comme pour l’adulte, d’une décroissance du risque au-delà de 30 ans après la fin de l’exposition, l’augmentation de risque n’est plus significative.
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Il est à noter que toutes les évaluations de risque ci-dessus reposent sur des taux de base de décès par cancer du poumon d’individus n’ayant pas fumé. En conséquence, les évaluations ont été faites en excluant toute habitude tabagique dont il est rappelé qu’elle joue un rôle fortement aggravant dans le risque de survenue du cancer du poumon. A titre d’exemple, un adulte âgé de 50 ans ayant occupé la maison pendant 20 ans et travaillant à l’extérieur a une probabilité de survenue de cancer du poumon « vie entière » de l’ordre de 3% s’il est non-fumeur, et entre 10% et plus de 30%, selon que l’on considère que le risque combiné du tabac et du radon est additionnel ou multiplicatif.
L’IRSN recommande que chaque personne ayant occupé cette maison informe son médecin référent de son exposition au radon et de l’estimation de risque associé pour sa santé. Par ailleurs, pour ne pas aggraver le risque de cancer du poumon, il estime qu’il faudra à l’avenir éviter :
· tout tabagisme, compte tenu des effets combinés du radon et du tabac ;
· de manière générale, l’exposition respiratoire à des composés irritants ou à des toxiques ;
· toute exposition excessive au radon à l’avenir, en sollicitant en cas de doute un dépistage de radon dans son logement.
Le groupe d’experts réuni par l’Institut National du Cancer (http://www.e-cancer.fr/) a préconisé un suivi médical éventuel adapté, fonction du niveau de risque relatif vie entière de cancer du poumon associé à l’exposition au radon.