La précarité énergétique ne pourra qu’augmenter...
Un énième constat, il émane de Jean Gaubert....
Dans une conférence de presse du 3 juin 2014, le médiateur national de l’énergie, Jean Gaubert, a présenté le rapport annuel de l’institution, l’occasion de rendre compte de son action, de l’actualité de l’année écoulée, et de dresser quelques perspectives pour l’année 2014. En particulier, pour ce qui touche à ses propositions pour la loi de transition énergétique.
Un cinglant appel aux pouvoirs publics pour un accompagnement renforcé des consommateurs, faute de quoi la précarité énergétique ne cessera d’augmenter.
La consommation d’énergie est un sujet de préoccupation important pour près de 80 % des foyers, selon le Baromètre Energie-info de 2013, soit 10 points de plus qu’en 2010.
Pour le médiateur, des économies sont impératives en matière de consommation d’énergie, mais le signal prix ne peut être le bon moyen d’inciter les consommateurs à adapter leurs usages : d’un côté, les consommateurs les plus aisés restent insensibles aux hausses des factures, et, de l’autre côté, une part croissante des consommateurs a des difficultés à faire face aux dépenses contraintes d’énergie, pour se chauffer en particulier.
Outre les hausses à venir, le médiateur rappelle qu’en 2013 il y a eu le rattrapage des factures de gaz et une augmentation significative des tarifs réglementés d’électricité (plus de 10% de l'été 2012 à fin décembre 2013).
Egalement, l’automatisation des tarifs sociaux de l’énergie tarde à atteindre les 3.7 millions de foyers concernés, puisque seuls 1.6 millions de foyers en bénéficiaient effectivement fin 2013.
« Si l’on ne prend pas le taureau par les cornes, la précarité énergétique ne pourra qu’augmenter, avec les conséquences économiques et sociales que l’on sait: multiplication des impayés, spirale du surendettement, coupures de fourniture d’énergie, parcours du combattant pour retrouver un fournisseur, forme d’exclusion, impact sur la santé...
Nous devons muscler et simplifier notre politique d’aide aux impayés avec l’instauration d’un chèque énergie et d’un fournisseur de dernier recours, et surtout, développer le conseil et l’accompagnement des consommateurs pour économiser l’énergie, mais aussi pour les aider à résoudre leurs litiges, ce qui suppose avant tout de les aider à être entendus par leur opérateur », défend Jean Gaubert.
Il souhaite voir ses compétences étendues pour qu’un « médiateur de la transition énergétique » permette aux consommateurs d’avoir davantage confiance à l’heure où on leur demande de s’engager et d’investir dans la transition énergétique.
Traçant le bilan de son activité, le médiateur constate que le besoin d’information et le nombre de litiges restent importants (1,4 millions de consommateurs renseignés et 15 000 litiges reçus en 2013 par les services du médiateur). Surtout, près de 40% des consommateurs qui l’ont saisi pour un litige recevable n’avaient reçu aucune réponse de leur opérateur à leur réclamation. Or, dans plus de deux cas sur trois, ces litiges portent sur un problème de facturation de consommation.
Pour Jean Gaubert, le bilan provisoire de la trêve hivernale de l’énergie achevée le 15 mars, quoiqu’incomplet faute de recul et d’informations suffisants, permet de faire un constat : le mythe des « mauvais payeurs » qui auraient profité de la trêve n’est pas fondé : « Avec une dette moyenne de 1900 euros, les consommateurs qui font appel à nous pour des difficultés de paiement ont d’abord besoin que l’on prenne en compte leur situation et qu’un échéancier de paiement adapté soit mis en place ».
Les ménages bénéficiant des tarifs sociaux ne sont pas concernés par les premiers chiffres communiqués par les fournisseurs d’électricité, de gaz et de chaleur (pour ces ménages, la trêve a été étendue au 31 mars à la demande du Gouvernement), et les fournisseurs sollicités ont refusé de communiquer leurs chiffres de coupures et résiliations de contrat pour l’année 2013. Le décret d’application de la loi Brottes prévoit la transmission des chiffres relatifs aux opérations réalisées suite à des impayés (coupures, résiliations de contrat, réductions de puissance), par trimestre civil - et au plus tard un mois après-, à la CRE et au médiateur national de l’énergie.
Les fournisseurs d’électricité et de gaz ont ainsi déclaré avoir procédé à 60 000 coupures de gaz et d’électricité et 87 000 réductions de puissance d’électricité sur le 1er trimestre 2014, soit 147 000 interventions, à comparer aux 580 000 pour l’année 2012.
« Ce n’est pas la vague que prédisaient certains pour la sortie de l’hiver. En revanche, quand nous aurons les chiffres du 2ème trimestre fin juin, je publierai un « nouveau baromètre » sur les pratiques des opérateurs vis-à-vis de leurs clients, que ce soit en termes de traitement des impayés ou d’efficacité du traitement des réclamations », annonce Jean Gaubert.
Le médiateur espère que cette transparence fera progresser la liberté de choix des consommateurs, encore peu au fait du fonctionnement des marchés du gaz et de l’électricité, même si en 2013 et pour la première fois selon le Baromètre Energie-Info, plus d’un Français sur deux sait que ces marchés sont ouverts à la concurrence (53% pour l’électricité et 55% pour le gaz).
Pour l’avenir, le médiateur esquisse les réformes utiles pour les consommateurs, en plus de son extension de compétence à l’ensemble des champs de la transition énergétique : accompagnement et encadrement renforcés des travaux de rénovation thermique, soutien à la réforme tarifaire de l’électricité et hausse une fois par an des prix de l’électricité, limitation des factures de rattrapage à un an en attendant les compteurs communicants, institution d’un chèque énergie pour toutes les énergies, alignement de la trêve hivernale de l’énergie sur la trêve locative pour tous, et mise en place d’un fournisseur de dernier recours.