Remporter le Vendée Globe avec un voilier « zéro émission ».
Tel est l’objectif de Phil Sharp qui va développer un partenariat technique avec l’Imperial College de Londres et son département Energy Future Lab, pour travailler sur le développement d’un système d’énergie « zéro émission ».
Phil Sharp dont l'objectif est de devenir le premier marin anglais à remporter le Vendée Globe prévoit le développement et la construction d’un nouveau voilier capable de participer aux courses du circuit IMOCA, dont le Vendée Globe 2016 est le point d'orgue.
Ingénieur diplômé en génie mécanique, Phil Sharp a déjà à son actif une bonne série de résultats et possède une solide expérience sur de nombreux supports en solitaire, notamment en Mini 6,50, Class 40 et Figaro. Phil travaillait dans les bureaux d’études du constructeur de gréements Future Fibres à Valence en Espagne avant de s'installer à Lorient. Il a débuté dans la classe Mini terminant à la quatrième place au Brésil lors de la Mini Transat 2005. L’année suivante, il a remporté la Route du Rhum en Class 40, en arrivant avec plus d’une journée d’avance sur Gildas Morvan. Et lors de la Solitaire du Figaro 2011, il se classait régulièrement dans le Top Ten. Pour le Vendée Globe, Phil vise un projet capable de gagner et affirme d’ores et déjà qu’il n’est pas du genre à faire des compromis. Rencontre avec un jeune marin qui fera prochainement parler de lui.
À 32 ans, il vise deux objectifs : être le premier Britannique à entrer dans le top 10 de la Solitaire de l'été, mais aussi à remporter le Vendée Globe en 2016.
Vainqueur de la Route du Rhum en Class 40 en 2005, engagé sur la transat AG2R, la Figaro en 2011, il revient à la course au large en solitaire « pour longtemps », précise-t-il. Bien décidé à atteindre « un résultat au top », il a quitté les îles anglo-normandes pour s'installer à Lorient. « Suivre les stages d'entraînement avec les skippers en France, profiter des expériences des autres, c'est nécessaire. On apprend plus vite. »
Le projet de Phil Sharp a pour but de démontrer que les énergies renouvelables peuvent être compétitives face aux énergies dites fossiles et ce, même dans un environnement isolé, en autosuffisance, comme on peut l’être lors d’un tour du monde en solitaire.
Les recherches de l’Energy Future Lab (EFL) portent sur les dernières innovations en matière de pile à combustible à hydrogène, de conservation de l’énergie et de technologie solaire. Une étude de faisabilité sera conduite afin d’examiner toutes les possibilités applicables au projet en terme d’énergies renouvelables : éolien, solaire, pile à combustible à hydrogène, mécanismes de stockage de l’énergie.
Phil Sharp, diplômé d’Imperial : « Je suis enthousiaste à l’idée de travailler avec Imperial et l’EFL qui est un pôle d’excellence où l’on retrouve quelques uns des plus brillants chercheurs dans le domaine de l’énergie solaire, du stockage énergétique et des piles à combustible.
Le système d’énergie embarqué à bord lors d’un tour du monde est un élément clé : il fait fonctionner le pilote automatique, les systèmes de navigation ou le désalinisateur qui permet de produire de l’eau douce à bord. Pour être compétitif, il est donc essentiel d’avoir un système d’énergie à la fois fiable, léger, efficace et durable. En se basant sur les études préliminaires menées par EFL, je sais maintenant qu’il est possible d’atteindre ces objectifs en utilisant un système à zéro émission de CO2, grâce notamment aux toutes dernières innovations.
Dans le cadre de ces recherches sur les énergies solaires, nous menons en parallèle des études climatologiques sur le rayonnement rencontré sur le parcours d’un Vendée Globe. Imperial intègrera ces données dans une simulation globale afin de sélectionner la technologie la plus adaptée à ce type de parcours et d’optimiser l’emplacement et la taille des panneaux photovoltaïques sur le bateau. Il est important d’étudier ces éléments en amont des phases de conception du voilier car ils peuvent être pris en compte et intégrés dans le dessin et l’aménagement du bateau. Disposer de la technologie est une chose, mais l’utiliser le plus efficacement possible en est une autre. »
Le professeur Nigel Brandon, Président de la Chaire « Sustainable Gas », supervise les recherches : « Je suis enchanté de m'impliquer dans les recherches sur les systèmes énergétiques de ce projet maritime performant et ambitieux. Nous pensons que cela est une extraordinaire opportunité pour démontrer la compétitivité, l'adaptabilité et la fiabilité des différentes technologies de demain autour des énergies vertes. Cette collaboration est aussi une source d'inspiration pour tous les étudiants d'Imperial. »
Propos recueilli sur le site du Vendée Globe:
Phil, c’est un retour à la course au large. Que faisiez vous pendant votre absence du circuit ?
“Je suis spécialiste dans le domaine de la génie mécanique et plus particulièrement dans les composites. Je m’intéresse aux structures haute performance, car cela contribue à la vitesse. Future Fibres est une société à la pointe de ces technologies. C’était un travail fascinant. J’ai commencé à m’intéresser aux opportunités dans la course au large quand j’étais à la fac. J’étudiais comment appliquer la technologie des composites à la conception de voiliers et après ma licence j’ai continué d’étudier les applications spécialisées.”
Vous avez toujours exprimé votre intention de vous aligner au départ du Vendée Globe...
“Je savais que j’allais revenir à la course au large après la Solitaire 2011. Je m’active depuis pour essayer de trouver des partenaires afin de lancer un programme IMOCA. Cela prend du temps, car il faut savoir construire ses relations avec les partenaires potentiels, qui partagent les mêmes objectifs et leur démontrer que la voile peut leur être utile. Je n’ai pas encore de signature, mais je crois qu’une campagne intéressante est en train de prendre forme.”
Quel est votre objectif précis ?
“Mon objectif est de construire un projet fiable et de viser une belle performance. Un projet pour faire le tour de la planète à bord d’un bateau solide et performant, ce sont les deux éléments clés. A partir de là, on connaît ses limites et on sait jusqu’à où on peut aller.”
En tant que bizuth dans le Vendée Globe, ce n’est pas un peu ambitieux?
"Peut-être, mais ce projet met en avant mon optimisme. C’est cela qui est intéressant. Les bateaux progressent tout le temps. Il y a des évolutions intéressantes dans le cadre de la jauge, que l’on verra aux cours des années à venir, même si la jauge est désormais plus contraignante avec la quille et le gréement standardisés. Mais on peut toujours innover en jouant avec les paramètres pour améliorer la performance.”
Pourquoi des courses en solitaire ?
“J’adore les courses en solitaire. Pour moi, la récompense est plus importante. J’aime bien relever des défis. J’aime repousser les limites. J’apprécie les courses en double aussi, car on partage son expérience. Dans un équipage de dix personnes, on n’est qu’un petit morceau du puzzle, et même si chacun est important, il est difficile de contrôler la situation et de déterminer le résultat final. Ce que j’affectionne tout particulièrement avec le Vendee Globe c’est le défi personnel et l’aventure humaine. On passe dans l’inconnu. C’est une grande mission, un test d’endurance, qui est peut-être plus éprouvant mentalement que physiquement.”
Etes vous prêt à partir avec un projet moins ambitieux, pour gagner de l’expérience ?
“Non. Pas du tout. Je suis trop compétitif pour accepter cela. Je ne prends le départ d’une course que si j’ai la possibilité de la gagner. Ce n’est pas mon truc de jouer l’acteur pour un sponsor. On a beaucoup à apprendre des programmes comme celui de Tanguy de Lamotte. Il a bâti une campagne qui a bien fonctionné sans viser jamais la victoire, mais ce n’est pas mon but personnel. J'ai le mors aux dents et j’ai faim de la victoire. S’il faut des compromis dès l’entame, cela tourne rapidement à la déception. ”
Quels sont vos premiers souvenirs du Vendée Globe ?
“J’ai découvert la course en entendant Pete Goss aux infos lors du sauvetage de Raphael Dinelli et puis il y u eu le chavirage de Bullimore dans les Mers du Sud. Après, j’ai lu le récit de Pete Goss. C’était un vrai cauchemar, mais voilà je suis ici maintenant. Je me suis rendu compte de l’importance du défi. Cela reste aujourd’hui le plus grand défi imaginable du point de vue physique et psychologique. Même au coeur d’une énorme tempête, on pousse le bateau à fond, car on peut se retrouver avec un autre concurrent à quelques milles. On ne peut pas se permettre de ralentir. C’est la compétition qui prime toujours. J’étais présent aux Sables au départ du Vendee Globe 2008 et c’est là que je me suis rendu compte de l'immense dimension de cette course. J’étais là aussi pour l’arrivée de Mike Golding et Bernard Stamm lors de la dernière édition. On voit bien ce qu’ils ont subi. Il faut voir cela pour comprendre pourquoi le Vendée Globe touche tellement de monde. Les skippers sont seuls face à l’adversité. Pour le moment, c’est quelque chose que le public français semble mieux comprendre que les autres, car il apprécie mieux l’importance d'un tel défi”.