Kati Horna au Jeu de Paume à partir du 03 juin jusqu’au 21 septembre 2014.
Voilà 10 ans que le Jeu de Paume dédie son atout culturel à l’image, le Centre d’art contemporain et de photographie nous invite à découvrir l'exposition "Kati Horna" et gratuitement les samedi 7 et dimanche 8 juin 2014. Accès libre et gratuit de 11 h à 19 h
Ce lieu emblématique de la place de la Concorde place son attrait à l’image sous toutes ses formes comme un vecteur identitaire, celui sur les êtres, celui de l’environnement et donc implicitement celui de l’art de la perception.
Le Jeu de Paume présente, en collaboration avec le Museo Amparo de Puebla (Mexique), la première exposition rétrospective de la photographe de Kati Horna (Szilasbalhási, Hongrie, 1912-Mexico, 2000), retraçant plus de six décennies de production en Hongrie, en France, en Espagne et au Mexique. Photographe mexicaine d’adoption, Kati Horna fait partie de la génération de photographes hongrois (d’André Kertész à Robert Capa en passant par Eva Besnyö, László Moholy-Nagy, Nicolás Muller, Brassaï, Rogi André, Ergy Landau, Martin Munkácsi et bien d’autres) contraints de quitter leur pays en raison des conflits et de l’instabilité sociale des années 1930.
Cosmopolite et avant-gardiste, Kati Horna est surtout connue pour son album sur la guerre civile espagnole, réalisé à la demande du gouvernement républicain espagnol entre 1937 et 1939. Son travail se caractérise à la fois par sa proximité avec les principes de la photographie surréaliste, ainsi que par sa manière très personnelle d’aborder le photoreportage.
Crédits photos : Robert Capa (attribué à) Kati Horna dans le studio de József Pécsi, Budapest, 1933 Tirage gélatino-argentique 10,5 x 7,5 cm Archivo Privado de Fotografía y Gráfica Kati y José Horna © 2005 Ana María Norah Horna y Fernández
Kati Horna, Invierno en el patio [Hiver dans la cour], Paris, 1939. Tirage gélatino-argentique, 18,8 x 18,3 cm Archivo Privado de Fotografía y Gráfica Kati y José Horna © 2005 Ana María Norah Horna y Fernández
Cette grande rétrospective permet de donner une reconnaissance internationale à cette photographe protéiforme, d’un humanisme engagé, en mettant en lumière sa singulière créativité artistique et ses apports au photojournalisme. Elle propose un panorama complet de l’œuvre de cette artiste qui fit ses premiers pas comme photographe en Hongrie, à l’âge de 21 ans, dans le contexte des mouvements avant-gardistes de l’Europe des années 1930 : le constructivisme russe, l’école du Bauhaus, le surréalisme, la Nouvelle Objectivité allemande. Sa vaste production, réalisée aussi bien en Europe qu’au Mexique, sa patrie d’adoption, est présentée à travers plus de 150 œuvres – pour la plupart des tirages d’époque, dont la grande majorité est inédite ou méconnue.
C’est au Mexique que Kati Horna se constitue une nouvelle famille avec les artistes émigrés Remedios Varo, Benjamin Péret, Emerico « Chiki » Weisz, Edward James puis, plus tard, Leonora Carrington. En parallèle de ses photoreportages engagés, elle réalise des séries photographiques de contes visuels, des créations extraordinaires mettant en scène des masques ou des poupées – motifs qui lui sont chers depuis la fin des années 1930 –.
Kati Horna devient également la grande portraitiste de l’avant-garde artistique et littéraire mexicaine ; ses reportages visionnaires dévoilent les artistes les plus importants au Mexique dans les années 1960, comme Alfonso Reyes, Germán Cueto, Remedios Varo, Pedro Friedeberg, Alejandro Jodorowsky, Mathias Goeritz et Leonora Carrington.
L’exposition est conçue autour de cinq périodes : ses débuts entre Budapest, Berlin et Paris de 1933 à 1937 ; l’Espagne et la guerre civile entre 1937 et 1939, Paris à nouveau en 1939 ; puis le Mexique. L’exposition accorde également une large place aux documents, notamment des revues auxquelles elle a collaboré lors de son errance entre la Hongrie, la France, l’Espagne et le Mexique. Les œuvres proviennent de l’Archivo Privado de Fotografía y Gráfica Kati y José Horna, du Centre documentaire de la mémoire historique d’Espagne, Salamanque, du Museo Amparo, Puebla, mais aussi de collections privées.
Kati Horna Los Paraguas, mitin de la CNT [Les Parapluies, Meeting de la CNT], guerre civile espagnole, Barcelone, 1937 Tirage gélatino-argentique 24,2 x 19,2 cm Archivo Privado de Fotografía y Gráfica Kati y José Horna © 2005 Ana María Norah Horna y Fernández
Les débuts : Budapest, Berlin et Paris
Après je suis retournée à Paris, et vous savez pourquoi je ne suis pas morte de faim à Paris ? Avant de partir, tout le monde se moquait de moi, voilà le photographe [en français dans le texte], j’étais la photographe des œufs. J’avais eu l’idée d’être la première à faire des choses, pas avec des figurines, mais des petites histoires avec des œufs, et c’est ce dessinateur magnifique qui s’est suicidé par la suite qui me faisait les visages... La première était l’histoire sentimentale d’une carotte et d’une pomme de terre, la carotte déclare son amour à la pomme de terre, il faisait toujours les visages et moi les cadres des scènes. Je prenais les photos avec mon grand appareil à négatifs 4 × 5, et à la fin elles finissent dans un Royal Express. J’en ai fait d’autres...
Kati Horna
Née en Hongrie dans une famille de banquiers d’origine juive, à une époque d’instabilité politique et sociale, Kati Horna restera profondément marquée par la violence, l’injustice et le danger. Cette situation va forger l’engagement idéologique de Kati Horna, sa recherche perpétuelle de liberté, sa manière particulière de dénoncer l’injustice ainsi que son regard toujours complice et humain à l’instar de Lee Miller et de ses images sur la Seconde Guerre mondiale. Comme pour son grand ami de jeunesse Robert Capa, dont elle restera proche tout au long de sa vie, la photographie devient son moyen d’expression fondamental.
À 19 ans, elle quitte Budapest pour s’installer pendant un an en Allemagne, où elle intègre le collectif Bertolt Brecht. Elle fréquente ses amis et compatriotes photographes Robert Capa et « Chiki » Weisz, ainsi que d’autres figures importantes de la photographie hongroise, comme László Moholy-Nagy – à l’époque professeur à l’école du Bauhaus – et Simon Guttman, fondateur de l’agence Dephot (Deutscher Photodienst). À son retour à Budapest, elle s’inscrit à l’atelier de József Pécsi – célèbre photographe hongrois (1889-1956) – pour quitter de nouveau son pays natal, en 1933, pour s’installer à Paris.
C’est également au cours de cette période de formation que se dessine son esthétique propre, que l’on retrouvera tout au long de sa vie, avec la production de collages et de photomontages inspirés par les mouvements avant- gardistes des années 1930 (le Bauhaus, le surréalisme, la Nouvelle Objectivité allemande, le constructivisme russe).
Paris est une capitale cosmopolite, et le surréalisme est alors en pleine apogée. Ce mouvement imprègne le style de Kati Horna, autant par ses thèmes que par ses procédés, qu’il s’agisse du collage narratif, de la surimpression ou du photomontage. Sa pratique de la photographie est étroitement liée aux autres arts de l’image, comme technique d’illustration et support d’une poétique de l’objet. On voit apparaître son goût pour les récits et les mises en scène. À partir de 1933, elle collabore avec l’agence Lutetia-Press, pour laquelle elle réalise ses premiers photoreportages : Mercado de Pulgas [Le Marché aux puces] (1933), qui ne sera publié qu’en 1986 dans la revue mexicaine Foto Zoom, et Cafés de París (1934).
Kati Horna Sans titre, série Muñecas del miedo [Poupées de la peur], Paris, 1939 Tirage gélatino-argentique 15,3 x 22,8 cm Archivo Privado de Fotografía y Gráfica Kati y José Horna © 2005 Ana María Norah Horna y Fernández
L’Espagne et la guerre civile La photographie avec ses diverses possibilités permet de montrer, libérer et développer sa propre sensibilité pour qu’elle se réalise en images graphiques.
Et au moment de déclencher, il fallait retenir l’image, laisser couler l’émotion, la découverte et la surprise visuelle, ce moment il fallait le retenir dans la tête, c’est ce que j’appelle développer la mémoire visuelle.
Kati Horna
Entre 1937 et 1939, Kati Horna documente avec beaucoup de sensibilité la guerre civile espagnole. Le gouvernement républicain espagnol lui demande de réaliser un album sur la guerre civile. Ainsi, de 1937 à 1939, elle photographie les lieux où se déroulent les principaux événements marquants de cette guerre, dans la province d’Aragon, dans les grandes villes du pays (Valence, Madrid, Barcelone ou Lérida) ainsi que dans certains villages stratégiques de l’Espagne républicaine.
Il reste de cette période un fonds de plus de 270 négatifs – conservés aujourd’hui au Centre documentaire de la mémoire historique à Salamanque – qui témoignent de la réalité du conflit sur le front mais aussi et surtout de la vie quotidienne de la population civile à travers un regard en empathie avec l’environnement et les gens. Engagée dans la cause anarchiste, elle devient rédactrice de la revue Umbral – où elle rencontrera son futur mari, l’anarchiste andalou José Horna –, et participe à la revue culturelle de la Confédération nationale du travail, Libre-Studio. Elle collabore également avec les revues Tierra y Libertad, Tiempos Nuevos et Mujeres Libres, des publications présentées ici au public pour la première fois. Son œuvre se distingue à cette époque par des photomontages à caractère symbolique et métaphorique.
Kati Horna, Subida a la catedral [Montée à la cathédrale], Barcelone, 1938. Archivo Privado de Fotografía y Gráfica Kati y José Horna © 2005 Ana María Norah Horna y Fernández
Le Mexique Je suis en crise existentielle ; aujourd’hui tout le monde court, aujourd’hui tout le monde conduit. Mes images ?
Elles furent le produit d’un amour créatif, lié à mes expériences et la réalisation. Je n’étais jamais pressée.
S.nob c’était mon bonheur. [...] Je ne sais pas pourquoi je me suis autant amusée, mais avec la facilité que me donnait Salvador [Elizondo] et l’équipe, et Juan [García Ponce], une grande créativité est sortie de moi.
Kati Horna
Kati Horna retourne à Paris en 1939. Son mari, l’artiste andalou José Horna, s’enrôle dans la division de l’Èbre qui couvre la retraite des civils espagnols vers la France. En octobre, dès son arrivée à Prats-de-Mollo, dans les Pyrénées françaises, il est enfermé dans un camp de réfugiés espagnols. Kati Horna parvient à le faire libérer. Ils partent pour Paris où les contrôles se poursuivent, les obligeant à fuir la France pour le Mexique. Le Mexique deviendra sa dernière patrie.
Des figures singulières du surréalisme (Leonora Carrington, Remedios Varo, Benjamin Péret et Edward James), du mouvement Panique (Alejandro Jodorowsky), de l’avant-garde artistique, littéraire et architecturale mexicaine (Mathias Goeritz, Germán Cueto, Pedro Friedeberg, Salvador Elizondo, Alfonso Reyes et Ricardo Legorreta) font partie de son existence quotidienne.
Kati Horna va alors s’ériger en chroniqueuse d’une époque et laisser à la postérité un matériel unique. Au Mexique, elle travaille en tant que reporter graphique pour des revues comme Todo (1939), Nosotros (1944-1946), Mujeres (1958-1968), Mexico this Month (entre 1958 et 1965), S.nob (1962), Diseño (1968-1970)... Au cours des vingt dernières années de sa vie, elle se consacre également à l’enseignement de la photographie au sein de l’Université ibéro-américaine et de l’Académie de San Carlos-UNAM (Université nationale autonome de Mexico), où elle forme toute une génération de photographes contemporains.
Kati Horna, Sans titre, Carnaval de Huejotzingo, Puebla, 1941. Tirage gélatino-argentique, 19,5 x 21,5 cm. Archivo Privado de Fotografía y Gráfica Kati y José Horna © 2005 Ana María Norah Horna y Fernández
Commissaires Ángeles Alonso Espinosa, anthropologue et conservatrice au Museo Amparo, Puebla (Mexique), et José Antonio Rodríguez, historien de l’image et commissaire indépendant...
Informations pratiques
❙ Jeu de Paume
Adresse
1, place de la Concorde – 75008 Paris 01 47 03 12 50 – www.jeudepaume.org
Horaires d’ouverture
Mardi (nocturne) : 11 h-21 h Mercredi à dimanche : 11 h-19 h. Fermeture le lundi et le 1er mai
Tarifs
Plein tarif 8,5 € / Tarif réduit 5,5 € Entrée gratuite : programmation Satellite ; mardis jeunes (le dernier mardi du mois de 17 h à 21 h pour les étudiants et les moins de 26 ans) Billetterie en ligne sur le site Internet du Jeu de Paume, avec la Fnac, Digitick et Ticketnet
Abonnement annuel et partenaires culturels
Accès gratuit et illimité aux expositions et à toutes les activités culturelles du Jeu de Paume Abonnement annuel : plein tarif 25 € / tarif réduit 20 € / tarif jeune 15 €