Paquet énergie-climat, quelles réponses face aux mesures nationales imprécises et mal définies ?
Rendu public le 15 mai, le rapport parlementaire qui fait suite à celui de la Cour des comptes publié en janvier dernier concernant la mise en œuvre par la France du Paquet énergie-climat (PEC), le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a adopté le rapport de Jean-Jacques Guillet et François de Rugy sur l’évaluation de la mise en œuvre du paquet énergie-climat. Au terme de leur évaluation, qui s’inscrit dans la perspective de l’examen du projet de loi sur la transition énergétique, les rapporteurs ont identifié dix clés pour la réussite de cette transition : passer de la notion d'émissions nationales à celle d'empreinte carbone ;dégager les voies d'une politique européenne de l'énergie ; faire de l'agriculture et des transports nos nouvelles cibles prioritaires ; diversifier les approches pour susciter les changements de comportements ; renforcer l'information du citoyen ; aider les ménages en difficulté ; stabiliser et simplifier les dispositifs ; maximiser l'effet de levier des investissements publics ; accompagner les entreprises et poursuivre l'effort de recherche pour lever les verrous technologiques.
Réalisée à partir d’une étude demandée par le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) à la Cour des comptes (en janvier dernier), d’auditions et de tables-rondes thématiques, l’évaluation rendue publique le 15 mai par ses co-rapporteurs, Jean-Jacques Guillet et François de Rugy, s’inscrit dans la perspective de l’examen du projet de loi sur la transition énergétique que le Gouvernement prévoit de déposer avant l’été.
En effet, en janvier dernier, la Cour des Comptes avait fustigé les politiques mises en œuvre dans le cadre du Paquet énergie-climat en estimant qu’elles étaient complexes et difficilement lisibles. Mais si quelques résultats sont positifs, globalement les efforts nécessaires pour aboutir à l’objectif du PEC sont considérables. C’est ainsi que les rapporteurs Jean-Jacques Guillet et François de Rugy ont eu donc vocation à enrichir le débat en engageant une série de travaux et d’auditions entamés depuis janvier.
L’un des principaux critères relevés par les rapporteurs sur l’objectif de réduction de 20% de la consommation d’énergie du parc de bâtiment prévu par le paquet énergie-climat (PEC) à l’horizon 2020 est que le déficit de pilotage et l’instabilité pénalisante des dispositifs entravent son appliquation.
Les principales conclusions des rapporteurs mettent en avant qu’il faudrait changer de cible en passant "de la notion d'émissions de gaz à effet de serre (GES) à celle d'empreinte carbone". Mesurer l'une ou l'autre aboutit en effet à des résultats différents. Ils rajoutent également que "calculer en termes d'émissions nationales favorise la délocalisation des productions intenses en carbone vers des pays moins exigeants". Pour tenir compte du carbone importé et "apprécier fidèlement l'efficacité des politiques climatiques menées", ce passage à l'empreinte carbone devient selon eux - mais aussi la Cour des comptes et nombre d'experts et professionnels auditionnés pour ce rapport - une nécessité.
Par ailleurs, ils conseillent aussi de mettre l'accent sur deux secteurs "aux marges de progression importantes" : les transports et l'agriculture. Pour les rapporteurs, ces deux secteurs auraient plus de marges de progression que les secteurs des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique des bâtiments. Côté transports, "les efforts doivent cibler la route" et, côté agricole, l'urgence est de mise au vu de "l'ampleur de sa contribution aux émissions polluantes, en comparaison des autres pays européens". Côté bâtiment, ils préconisent tout de même de mieux accompagner les ménages et de stabiliser les dispositifs (éco-PTZ, crédit d'impôt). "Le diagnostic de performance énergétique (DPE) est un outil à consolider. La question se pose de le rendre juridiquement opposable, à condition de veiller à sa mise à jour régulière et à sa vérification régulière", indique le rapport, "l'utilité du dispositif paraît faible" aujourd'hui en raison d'instruments de mesure "inadaptés", estiment les deux auteurs. Il convient, selon eux, de "l'adapter pour prodiguer une information claire et fiable quant aux économies d'énergies réalisables", en y incluant par exemple une "dimension coût" traduite en euros.
Les députés invitent aussi à mieux se saisir d'autres outils existants : fonds de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) pour accompagner les collectivités territoriales, espaces Info-Energie financés par ces dernières et l'Ademe, etc. Enfin, ils pointent un défaut du paquet énergie-climat : "La conduite du changement n'est pas son point fort. Campagnes de communication très verticales, incitations fiscales en évolution constante… Si plusieurs changements paraissent difficilement atteignables à moyen terme - changement de la ration alimentaire (moins de viande), développement du télétravail - d'autres qui paraissaient inimaginables hier sont advenus très soudainement, notamment grâce aux nouvelles technologies : covoiturage, auto-partage…". Les députés préconisent donc d'identifier et de lever les freins pratiques au changement. "Les citoyens sont prêts, le conservatisme qu'on dit généralisé n'existe pas. Il y a bien plus d'esprits volontaires qu'on ne le croit", a conclu François de Rugy.
Revoir l'étiquetage énergie des appareils, les diagnostics des logements et les compteurs "intelligents": la transition énergétique, au-delà de la loi en préparation, passera aussi par une meilleure information des citoyens pour leur permettre de faire des économies, estiment des députés dans un rapport présenté jeudi.
"Les informations délivrées aux consommateurs sont souvent illisibles, alors même que ces derniers expriment une réelle attente en matière d'accès à l'information et de maîtrise des données personnelles", écrivent les députés Jean-Jacques Guillet (UMP) et François de Rugy (EELV) dans leur rapport d'information sur l'évaluation de la politique énergétique et climatique française.
Les deux députés constatent notamment que l'étiquetage énergie des appareils domestiques est "jugé obsolète": Malgré l'ajout de classes supplémentaires en 2010 (A+, A++ et A+++), tous les appareils ont désormais une excellente note, ce qui "décrédibilise" le signal auprès des acheteurs.
De même, ils critiquent le futur compteur électrique intelligent Linky, qui doit équiper progressivement les foyers français. Censé aider les citoyens à mieux suivre et donc contrôler leur consommation, ce compteur ne transmettra finalement que les volumes globaux d'énergie consommés. L'information sur le prix ne sera disponible que via un abonnement spécifique, regrettent les députés, relayant des réserves de l'Ademe et de l'association UFC-Que Choisir.
"La disponibilité de l'information est un enjeu-clé de la transition énergétique. Elle est indispensable pour convaincre les individus et les rendre autonomes", concluent les auteurs. Le projet de loi sur la transition énergétique, censé esquisser une France plus sobre et moins dépendante des énergies fossiles et du nucléaire, doit être présenté d'ici fin juin en conseil des ministres.