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Une "éco-redevance" plutôt qu’une écotaxe

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Une "éco-redevance" plutôt qu’une écotaxe

Une "éco-redevance" plutôt qu’une écotaxe

Six mois de travaux et six mois de polémiques qui ont failli par mettre à terre le rapport d’information présenté par la mission d’information sur l’écotaxe poids lourds présidée par M. Jean-Paul Chanteguet. Un rapport publié qui présente treize pistes d’évolutions du dispositif, qu’il propose de renommer « éco-redevance poids lourds », dont l’instauration d’une franchise kilométrique mensuelle, l’organisation d’une « marche à blanc » nationale (période d’expérimentation de quatre mois pour tous les poids lourds afin de détecter les secteurs d'activité qui seraient confrontées à des difficultés ) et la création d’un fonds de modernisation de la flotte de poids lourds. Il insiste par ailleurs sur l’effort de pédagogie nécessaire pour redonner du sens au dispositif.

Le rapport dont les conclusions ont rapporté de nombreux suffrages au sein de l’hémicycle de l’Assemblée et les députés pour la plupart exhorte le gouvernement à enclencher les pistes lancées par la mission sur l’écotaxe afin d’éviter ce qui pourrait devenir ‘’l’un des plus gros scandales administratif et financier de la Ve république’’, selon Bertrand Pancher, député de la Meuse et responsable du pôle écologie de l'UDI.

Entre tergiversations et hésitations du gouvernement, la mission parlementaire a envisagé, un temps, de ne pas publier le rapport en raison d’un cahier des charges sans cesse en mutation. Les dernières déclarations de la ministre de l’Ecologie au sujet de l’écotaxe, étant l’une de ses raisons, "l'écotaxe ne verra pas le jour au sens où le Gouvernement n'accepte pas que le mot « écologie » soit associé au mot « taxe »".

La mission Chanteguet a donc permis d’établir un état des lieux, de lever certaines incompréhensions voire de récuser quelques désinformations, en gardant en ligne de mire la restitution de l’écotaxe dans une perspective rationnelle, et de refonder sa légitimité au regard des orientations qui ont prévalu à sa conception.

Le rapport qui s’est appuyé sur une trentaine d’audition précise que l’écotaxe poids lourds trouve son origine dans la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999, certes plusieurs fois modifiée, mais qui érige des principes forts. D’abord, cette directive vise à faire contribuer les utilisateurs (voire indirectement les bénéficiaires du transport) de certaines infrastructures, principalement routière, à leur coût d’usage que ces professionnels soient des nationaux ou des étrangers, qu’ils y effectuent ou pas l’essentiel de leur activité, ou qu’ils en soient usagers au titre du transit international ou du cabotage. Ensuite, elle vise à harmoniser les différents systèmes existants ou à venir concernant les divers prélèvements, taxes sur les véhicules, péages et droits liés à l’usage des réseaux. Enfin, la directive entend instituer des mécanismes équitables d’imputation des coûts d’infrastructure aux transporteurs. Elle autorise les pays membres à créer une redevance d’utilisation des routes dont le produit est affecté à la construction, l’entretien, l’amélioration des infrastructures de transport.

Par ailleurs, le rapport jugeant que ces réalisations sont autant de facteurs déterminants de la compétitivité de l’économie et contribuent à l’équipement du territoire, il fait référence à l’Allemagne qui depuis 2005 a mis en œuvre une tarification kilométrique comparable à l’écotaxe, la LKW Maut, suivie d’ailleurs par l’Autriche ou encore par la Slovaquie, deux pays où la mission a voulu se rendre compte sur place des situations constatées et de leurs incidences. Il a d’ailleurs conclut que les relevés des barèmes actuellement appliqués par l’Allemagne et l’Autriche, sans omettre la Suisse, sont sensiblement plus élevés que celui envisagé en France.

C’est donc dans ce cadre que la mission a préféré dénommer l’écotaxe en « éco-redevance ». Et rappelle qu’elle est traduit législativement au titre de l’article 11-IV de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Une écotaxe dont le but est de matérialiser un juste principe « utilisateur-payeur » tout en dotant les pouvoirs publics de moyens financiers destinés à conforter la qualité des réseaux sur lesquels s’exerce l’activité des redevables. La mission précise que dans sa conception actuelle l’écotaxe ne prend pas en compte toutes les externalités négatives (ou déséconomies externes) du transport de marchandises. Et rajoute que dans un premier temps, il est d’ailleurs possible que l’écotaxe n’ait pas un impact immédiatement significatif en termes de report modal, bien que des études prévoient des transferts de trafic du réseau taxable vers certains tronçons d’autoroutes, le fer et la voie d’eau.

Fondée sur un barème modulant la taxation en fonction de la catégorie d’appartenance d’un poids lourd au regard des normes européennes en vigueur, le rapport mentionne qu’un camion ou un tracteur moins polluant et moins consommateur de carburant qui relève des normes d’émission Euro 5 EEV et Euro 6 s’acquittera d’une redevance moins élevée, sur un même parcours, qu’un véhicule plus ancien.

La directive autorise d’ailleurs à procéder à un glissement progressif du principe « utilisateur-payeur » vers celui du « pollueur-payeur » en tenant compte de la pollution atmosphérique et des nuisances sonores voire même, sous réserve de solutions techniques capables d’appréhender les situations en temps réel, des congestions ou pics de trafic sur telle ou telle partie du réseau taxable et de moduler en conséquence la tarification.

Le rapport note qu’il est avéré que l’écotaxe comporte une dimension incitative qui, à terme, pourrait faire évoluer favorablement les schémas traditionnels du transport et de la logistique. Par exemple, une sensible diminution des « retours à vide » a été constatée sur le réseau allemand à la suite de la mise en place de la LKW Maut.

C’est donc à travers ce constat que la mission a proposé la création d’une franchise kilométrique mensuelle de 400 km exprimée en euros, calculée sur la base d'un taux kilométrique modulé en fonction du poids des camions et de leurs émissions polluantes. C’est à dire que les camions effectuant de petits trajets, tout comme ceux qui transportent en compte propre, paieront moins. De plus, la mission préconise de maintenir les avantages qui avaient été accordés aux régions Bretagne, Aquitaine et Midi-Pyrénées par le dispositif suspendu. Au final, "un transporteur breton pourrait avec un véhicule de 1ère catégorie (…) et respectant la norme Euro VI (…) parcourir gratuitement près de 5.000 km durant un mois", vante Jean-Paul Chanteguet.

"Pour rendre acceptable le dispositif dans toute une série de cas particuliers, nous avons prévu des aménagements et des exonérations pour le transport combiné, les entreprises de déménagement, les messageries express ou encore les véhicules de collection, de formation ou disposant d'une immatriculation provisoire", ajoute le parlementaire.

Le rapport propose également d'autoriser les transporteurs en compte propre à faire figurer en "pied de facture" les montants d'éco-redevance réellement payés. Dans le cadre de la loi sur du 28 mai 2013 relative aux infrastructures de transport, seuls les transporteurs pour compte d'autrui pouvaient appliquer un taux forfaitaire de majoration, déconnecté du montant de l'écotaxe acquittée.

Gel de l’écotaxe, des coûts difficiles à supporter …

Une "éco-redevance" plutôt qu’une écotaxe

S’agissant du contexte français, le rapport observe que des membres de la mission mais aussi, au long des travaux menés, nombre de ses interlocuteurs, ont regretté l’impact négatif de la privatisation des autoroutes sur le « dossier de l’écotaxe ».

Même si l’ouverture de leur capital était une opération opportune qui permettait de donner à l’Etat un souffle financier en retour de ses investissements contre des cessions minoritaires de capital sur un réseau bâti par l’argent public, la mission estime qu’il en aura été autrement des cessions ultérieures qui ont abouti, six ans plus tard, à partager la majeure partie du réseau autoroutier entre de grands groupes privés français et étrangers.

Reprenant les conclusions de la Cour des comptes qui a su démontrer l’insuffisance des évaluations ayant abouti à un produit de 14,8 milliards d’euros qu’elle a considéré, dès son rapport public de 2008, comme étant inférieur à la valeur d’actif !

Le rapport s’est donc penché sur cette question estimant que même si la voie d’une renationalisation voire d’une dénonciation des concessions semble illusoire au regard des contraintes budgétaires, il n’est pas interdit de réfléchir une nouvelle politique. La mission observe que les échéances des différentes concessions autoroutières peuvent sembler relativement lointaines puisqu’elles interviendront entre 2028 et 2033. Pour autant, l’État ne doit pas s’interdire de réfléchir, d’ores et déjà, à de possibles modalités de sortie d’un tel système qui, s’il peut, en théorie, faire l’objet d’allongements limités de sa durée, n’a pas vocation à se perpétuer en donnant aux actuels concessionnaires le sentiment qu’ils sont en position de demeurer seuls à même de satisfaire aux nécessités de la gestion du réseau.

S’il s’avérait d’ailleurs que la mise en œuvre de l’écotaxe avait effectivement l’effet de reporter une part du trafic par dérivation du réseau taxé sur les autoroutes, donc d’accroître de façon significative les recettes de péages, l’effet d’aubaine mériterait sans nul doute d’être partagé. À tout le moins, cette situation pourrait impliquer une renégociation partielle des concessions du fait d’une modification substantielle de leurs conditions économiques.

La mission reprend donc plusieurs étude dont les premières études prospectives réalisées dès 2008, pour le compte du Commissariat général au développement durable, qui montraient qu’une partie du trafic des poids lourds était susceptible de se concentrer sur certains tronçons des autoroutes concédées du fait de l’entrée en vigueur de l’écotaxe qui contribuerait à établir, selon l’expression des auteurs, « un juste prix du transport routier de marchandises ». De récentes études finalisées au mois de mars 2014 par le ministère des transports confirment que l’écotaxe aura un effet sur le trafic global des poids lourds, principalement en raison des réductions de distances des trajets et des contournements du territoire de certains flux de transit. En considérant le réseau taxé défini en 2013, une réduction de circulation est estimée à environ 2 % (le trafic global des poids lourds baissant de 500 millions de PLxkm pour s’établir à 35,29 milliards PLxkm annuels) mais des reports de trafic interviendraient néanmoins vers les autoroutes concédées à partir d’itinéraires qui leur sont parallèles (+ 1,6 voire + 2 milliards PLxkm). Selon ces études, les recettes additionnelles des péages perçues par les sociétés concessionnaires, du fait de ce report, seraient comprises entre 300 et 400 millions d’euros.

Ainsi, le rapport estime que les produits de la redevance domaniale et la fraction de la taxe d’aménagement du territoire revenant à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) s’en trouveraient mécaniquement relevées du fait de l’effet d’aubaine mais pour 15 ou 20 millions d’euros seulement. Par ailleurs, la mission rajoute que dans ces conditions, un surplus de prélèvement resterait néanmoins à définir par une négociation entre l’État et les sociétés concessionnaires afin de conforter les ressources de l’agence. Dans l’esprit du rapport, plus de 300 millions de recettes supplémentaires de péage ainsi enregistrés par année justifieraient, au total, au moins 150 millions de recettes au bénéfice de l’AFITF. Au titre de l’année 2013, les recettes des péages allant aux concessionnaires privés et concernant les seuls poids lourds ont atteint 2,16 milliards d’euros (hors taxes et après prise en compte de l’effet réducteur des abonnements).

Une "éco-redevance" plutôt qu’une écotaxe

PISTES D’ÉVOLUTIONS DU DISPOSITIF D’ÉCO-REDEVANCE POIDS LOURDS

Proposition n°1 – Renommer le dispositif en « éco-redevance poids lourds ».

Proposition n°2 – Instaurer une franchise mensuelle de l’éco-redevance, sans discrimination de secteur ou de nationalité, afin de ne pas pénaliser les petits utilisateurs de courtes distances.

Proposition n°3 – Renforcer la communication et la pédagogie pour redonner du sens aux objectifs de l’éco-redevance.

Proposition n°4 – Organiser une marche à blanc nationale et obligatoire.

Proposition n°5 – Renforcer la prise en compte du principe pollueur-payeur en accentuant la modulation des taux de la redevance .

Proposition n°6 – Permettre aux transporteurs en compte propre de faire figurer en bas de facture les charges supportées au titre de l’éco-redevance.

Proposition n°7 – Soutenir le secteur du transport routier de marchandises et créer un fonds de modernisation de la flotte de poids lourds.

Proposition n°8 – Maintenir le barème national de la redevance au taux moyen de 13 centimes d’euros par kilomètre, et fixer des règles prévisibles et contraignantes d’évolution future.

Proposition n°9 – Adapter la mise en œuvre du dispositif de majoration forfaitaire aux spécificités de certaines activités économiques.

Proposition n°10 – Simplifier les procédures d’enregistrement des redevables auprès du prestataire commissionné.

Proposition n°11 - Prendre en compte le niveau de congestion sur certains axes particulièrement sensibles ou accroître l’éco-redevance sur certains axes pour lesquels le report modal ou autoroutier est facilité.

Proposition n°12 – Exonérer les poids lourds immatriculés en « w garage », les poids lourds de collectionneurs et les véhicules de formation ou de conduite école.

Proposition n°13 – Revaloriser le travail des contrôleurs de transports terrestres (C.T.T) sur routes.


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