MONUMENTA 2014 - Ilya et Emilia Kabakov - L’étrange cité
A partir du 10 mai jusqu’au 22 juin 2014 dans la Nef du Grand Palais
Depuis 2007, Monumenta invite un artiste d’envergure internationale à se confronter à la Nef du Grand Palais, une immense verrière de 13 500 m2 et 35 mètres de hauteur. Anselm Kiefer, Richard Serra, Christian Boltanski, Anish Kapoor et Daniel Buren se sont succédés pour relever ce défi.
Pour la sixième édition, Ilya et Emilia Kabakov, artistes d’origine russe, proposent au public de se perdre dans le dédale d’une ville utopique, L’étrange cité.
Emilia Kabakov la présente en ces termes : « Il y a plusieurs années, quelqu’un nous a demandé si nous pensions que l’art pouvait influencer la politique. Nous avons répondu que non, nous ne le pensions pas. Nous avons toujours la même opinion, mais durant toutes ces années, nous avons travaillé avec des idées, autour de l’imaginaire et de l’utopie. Et nous croyons vraiment que l’art, qui tient une grande place dans notre culture, peut changer la façon dont nous pensons, rêvons, agissons, réfléchissons. Il peut changer notre façon de vivre. Cette fois nous voudrions construire plus qu’une installation, nous souhaitons réaliser quelque chose de différent : ériger L’étrange cité, c’est insister sur l’expérience plutôt que sur la forme du projet, en vous demandant de ralentir votre course dans la vie réelle, et de faire appel à vos émotions, vos sens, vos souvenirs. Nous vous invitons à venir au Grand Palais pour entrer dans L’étrange cité, un espace onirique issu de l’imaginaire collectif, à penser et à réfléchir sur l’art, la culture, la vie quotidienne, notre présent et notre futur. »
L’étrange cité conçue pour la Nef du Grand Palais puise ses références dans la Renaissance, le romantisme et la science moderne. Elle se compose de huit grandes constructions. En déambulant au détour de ces édifices à l’atmosphère recueillie, le visiteur appréhende de façon sensible et concrète autant de mondes singuliers. Dans la partie nord de la Nef, une vaste coupole projette ses variations de couleurs et de lumières vers une entrée que le public doit d’abord franchir. Il atteint alors un espace labyrinthique, entouré d’une double enceinte circulaire. À l’intérieur apparaissent cinq édifices distincts aux noms mystérieux : « Le Musée vide », « Manas », « Le Centre de l’énergie cosmique », « Comment rencontrer un ange ? » et « Les Portails ». À l’extérieur se dressent encore deux constructions. « La Chapelle blanche » alterne les tableaux avec de grandes surfaces blanches et lumineuses, laissant la place à l’imaginaire, tandis que la « La Chapelle sombre » révèle de gigantesques peintures sur fond noir, mêlant références baroques et souvenirs personnels.
Dans cette étrange cité sont installées des œuvres des Kabakov, peintures, objets et maquettes insolites. Ils offrent un panorama des sujets essentiels abordés dans leur création.
Jean-Hubert Martin, commissaire de la manifestation, explique : « Avec ses ambiances spectaculaires et mystérieuses, le parcours initiatique de L’étrange cité crée un grand récit humaniste proche de l’épopée. La cité utopique dans laquelle nous sommes conviés traite des aspirations de l’homme, de sa quête d’un au-delà, d’une métaphysique. Cette métaphore de la vie et de son mystère se transmet par les sens et non par le langage. »
Ilya et Emilya Kabakov évoquent ces grandes visions du progrès, de la science et de l’évolution de l’homme, qui ont pu conduire au désastre. À travers des installations spectaculaires, imprégnées d’humour et de poésie, ils ont dressé au fil des années une sorte de catalogue des idéaux, où l’on voit l’être humain s’affairer avec compétence et ténacité à des réalisations plus ou moins vaines. À l’image de ce personnage qui, ayant construit un gigantesque amoncellement d’échelles pour s’approcher d’un ange et se jeter dans ses bras, l’œuvre des Kabakov montre l’homme dans son acharnement à se dépasser.
Figure majeure de la scène artistique mondiale, Ilya Kabakov, est né en 1933 à Dnipropetrovsk (ex URSS). Au début des années 1980, il entame un travail d’installations qui évoquent la vie quotidienne en Russie. La réception de cette œuvre trouvera une forte résonance avec la fin de l’ère soviétique. Depuis, les installations, sculptures et peintures de Kabakov ont été exposées dans le monde entier. En 2004, le gouvernement russe a honoré Ilya et son épouse et collaboratrice Emilia en organisant leur première exposition officielle au musée de l’Ermitage. Née elle aussi à Dnipropetrovsk, en 1945, Emilia Kabakov est diplômée de la Faculté de Musique en tant que pianiste classique et a étudié la littérature espagnole à l’Université de Moscou. Elle a émigré en Israël en 1973 et vit à New York depuis 38 ans. Ilya et Emilia Kabakov travaillent ensemble depuis 1989. Ils vivent tous deux à Long Island, New York.
à l’intérieur de L’étrange cité
1. La Coupole
Dans la partie nord de la Nef du Grand Palais, une vaste coupole projette ses variations de couleurs et de lumières vers L’entrée dans la cité que le public doit d’abord franchir.
2. Le Musée vide se présente comme un musée classique. Pourtant, à la place de tableaux, le visiteur découvre des tâches de lumière sur les murs bordeaux, sur un fond musical de Passacaille de Bach. La pénombre, les dorures, les sièges confortables forment un ensemble étrange et majestueux, comme un temple.
3. Manas présente une grande maquette de Manas, une ville merveilleuse qui fonctionne sur deux niveaux, « céleste » en haut et « terrestre » en bas.
4. Le Centre de l’énergie cosmique est une tentative utopique d’extraire l’énergie cosmique et d’établir une communication avec la noosphère. Conservatoire de toutes les découvertes de l’esprit humain, elle pourrait, selon le chercheur russe D. Vernadski, servir de source permanente à toute créativité.
5. Comment rencontrer un ange ? propose un moyen spectaculaire de rencontrer un ange et pose la question de savoir dans quelles circonstances il peut venir à notre secours.
6. Les Portails dévoilent un projet mystérieux. Douze tableaux et une structure déclinent sous différentes versions l’image de portails se trouvant à l’horizon et analysent le passage symbolique d’ici à l’au-delà.
7. La Chapelle blanche est un grand espace blanc, dont les murs sont entièrement recouverts de 79 toiles. Ces fragments donnent l’impression d’une réalité qui se dissout dans une lumière blanche et, en même temps, de silence et d’apaisement. La chapelle fait partie de « l’espace de l’artiste » et s’inscrit dans la lignée des chapelles de Giotto et Rothko.
8. La Chapelle sombre laisse passer la lumière par son plafond. Six grands tableaux sont accrochés aux murs.
L’étrange cité en quelques chiffres
la cité
surface totale des constructions : 1 500 m2
chapelles intérieures (4 bâtiments) : 200 m2 / longueur : 18 m / largeur : 12 m / hauteur : 7,20 m
le Musée vide : 180 m2 / longueur = 18 m / largeur = 10 m / hauteur = 6,60 m
la Chapelle blanche : 280 m2 / longueur = 24 m / largeur = 12 m / hauteur = 9,20 m
la Chapelle sombre : 200 m2 / longueur = 21 m / largeur = 9 m / hauteur = 7,50 m
murs = 300 m / hauteur 5,50 m
matériaux nécessaires à la construction :
- 15 000 m2 de panneaux de bois
- 600 m2 de parquet
- 800 m2 de moquette
- 12 km de calicots (bandes pour joints de plaques bois)
- 1,5 tonnes de peinture
- 1,5 tonnes d’enduit
- 17 tonnes de crépis
la Coupole
dimensions générales : longueur du dôme 15 m / hauteur totale 16,35 m / diamètre de l’ouverture 13,50 m / surface au sol : 145 m2 poids : 24 tonnes ossature primaire métallique : 18 tonnes
éléments électriques et électroniques : 2,7 tonnes / 164 compartiments de lumière / 1 400 tubes fluorescents 4 couleurs (RVB + Blanc) / 6 km de câbles.
Biographies…
Ilya Kabakov est né le 30 septembre 1933 à Dnipropetrovsk, en ex URSS. En 1941, son père, Iossif, rejoint le front, tandis qu'Ilya et sa mère sont évacués à Samarkand, en Ouzbékistan.
À l'âge de dix ans, il étudie dans une école spécialisée en arts plastiques, qui, à cause de la guerre, a été transférée de Léningrad à Samarkand.
De 1945 à 1951, il entre dans un collège d'enseignement artistique à Moscou. En 1951, il intègre la section graphisme de l'École des beaux-arts Sourikov de Moscou, et obtient son diplôme d'illustrateur en 1957. Dès 1956, il réalise des illustrations pour des livres d'enfants – plus de cent cinquante ouvrages publiés par les maisons d'édition moscovites Detskaya Literatura et Malysh - ainsi que pour les revues Murzilka et Veserye Kartinki. En même temps, indépendamment de l'édition, il réalise pour lui-même des dessins et des pastels dans un style s'apparentant à l'expressionnisme abstrait. Au cours de la décennie suivante, il développe dans ses peintures et ses objets un style « métaphysique » fondé sur la banalité et l'ambiguïté des thèmes, et sur la notion de blanc. C'est alors qu'il commence à associer dans ses œuvres le texte à l'image.
À partir de 1965, il est membre de l'Union des artistes d'URSS. En 1968, il emménage dans un atelier sous les toits au 6/1 Sretenskij Boulevard, qui devient le lieu de rencontre et de discussion d’artistes non officiels, dénommés plus tard « Groupe du boulevard Sretenskij ».
De 1970 à 1974, il travaille sur ses dix premiers Albums, consacrés chacun à un personnage. Il en réalisera finalement cinquante-cinq, dont huit sont aujourd'hui édités. À la même époque, il peint le triptyque blanc En marge, et, pour une exposition imaginaire, une série de sept peintures blanches accompagnées de commentaires. Il commence alors à utiliser le concept d' «expo-art» dans des expositions fictives constituées de « dépliants » en accordéon, supports qu'il reprendra fréquemment plus tard dans ses installations.
En 1978, il crée la série de tableaux « à la manière du JEK », censés être exécutés sur commande de l'Office de gestion des immeubles. Il réalise également plus de cinquante peintures murales dans le style du Sotsart, courant qui a pour principale caractéristique de tourner en dérision les poncifs de la culture officielle.
Au début des années quatre-vingt, il inaugure avec Les Seize Cordes, Le Bateau, La Rivière souterraine dorée et L'homme qui s'est envolé dans l'espace son travail sur les installations, qui le fera découvrir en Occident. En 1982, il crée un personnage de « petit homme » qui ne se débarrasse jamais de rien ; l'idée de « déchet » constituant, en quelque sorte, la trame de son existence. Il en résultera des installations remplies de papiers, de partitions, de boîtes, de poubelles, le tout accompagné de commentaires qui présentent la « collection » de ce personnage, le « livre de sa vie ». En 1983, il conçoit La Mouche avec des ailes pour le musée Pouchkine et reprend les « dépliants » de ses expo-arts dans Les Paravents intellectuels. L’année suivante, il crée le dépliant Olga Gueorguievna, ça bout (55 m de long), qui sera plus tard installé dans La Cuisine communautaire.
À partir de 1985, les expositions de Berne, Marseille, Düsseldorf et Paris qui lui sont consacrées le font connaître en Europe. Il reçoit une bourse du Kunstverein de Graz (Autriche), où il crée l'installation Avant le dîner. Il rencontre Emilia en 1987.
En 1988, il réalise et expose à la galerie Ronald Feldman à New York Les Dix Personnages, sa première « installation totale » - dont il avait commencé à concevoir certains éléments dès 1981. Il reçoit une bourse du ministère français de la Culture et bénéficie d'un atelier à la Cité des arts à Paris.
En 1989, Ilya et Emilia débutent leur collaboration et livrent une activité nomade intense d’expositions d’installation dans le monde. En 1989 et 1990, Ilya s'installe à Berlin, grâce à une bourse du DAAD. En 1991, il travaille pendant un an chez Dina Vierny, à Mittainville. C'est à cette époque qu'il commence à intégrer la musique à ses installations : Vladimir Tarasov, avec qui il travaille régulièrement, compose l'arrangement de sa première installation musicale, Le Wagon rouge. En 1992, Ilya et Emilia se marient et s’établissent à New York. Ilya crée par ailleurs les décors et les costumes de l'opéra d'Alfred Schnittke La Vie avec un idiot, présenté au Netherland Opera à Amsterdam sous la direction de Mstislav Rostropovitch.
Dès 1991, il se concentre essentiellement sur le concept de l'installation totale. En 1993, il enseigne comme professeur invité à l'École nationale des beaux-arts de Francfort, et y développe ce sujet. Il rédige et publie également plusieurs livres.
A partir de 1997, Ilya et Emilia s’associent pour signer leurs œuvres en commun. De 1999 à 2004, ils produisent les peintures de « L’histoire de l’art alternative » mettant en scène les artistes fictifs Charles Rosenthal, Ilya Kabakov et Igor Spivak.
En 2003, Ilya entreprend plusieurs séries de peintures indépendantes, sans lien avec les installations. Il revient en Russie en 2004 pour la première rétrospective consacrée à un artiste vivant au musée de l’Ermitage à Saint Pétersbourg qui lui est dédiée.
Il devient Doctor Philosphiae honoris causa de la Sorbonne, Paris en 2007 et reçoit le Praemium Imperiale à Tokyo en 2008.
En 2012, il présente avec Emilia l’exposition « A return to painting 1961-2011 » au Sprengel Museum de Hanovre.
Emilia Kabakov est également née à Dnipropetrovsk en 1945. Sa formation artistique est moins conventionnelle. Elle étudie au Collège de musique d’Irkoutsk de 1962 à 1966 avant de s’installer à Moscou pour étudier la langue et la littérature espagnoles. En 1973, elle émigre en Israël. Deux ans plus tard, elle s’installe aux Etats-Unis, où elle commence à travailler sur le marché de l’art aussi bien en tant que commissaire que comme marchande.
Ilya et Emilia Kabakov sont désormais reconnus aussi bien en Russie qu’à l’international, avec de nombreux prix et expositions à travers le monde. Ils résident et travaillent à Long Island aux Etats-Unis.
Informations pratiques
horaires :
jeudi, vendredi et samedi de 10h à minuit dimanche, lundi et mercredi de 10h à 19h fermeture hebdomadaire le mardi Nuit européenne des musées : ouverture gratuite et exceptionnelle le 17 mai de 20h à minuit
tarifs :
6 €, TR 3 € (16-25 ans), gratuité pour les moins de 16 ans tribu : 15 € (2 adultes et 2 jeunes de 16 à 25 ans) Billet jumelé avec l’exposition Bill Viola : 16 €, TR 12 € Billet jumelé avec l’exposition Robert Mapplethorpe : 15 €, TR 12€
accès :
métro ligne 1 Champs-Elysées-Clemenceau
renseignements et réservations sur : www.grandpalais.fr