L’air de rien 169 000 places pour 2,3 millions d’étudiants…
Le logement constitue une priorité pour tous mais aussi détermine en substance la condition personnelle. L’infographie établie par la Fondation Abbé Pierre révèle la fragilité grandissante des jeunes confrontés au mal-logement.
Des conditions d’accès rendues inacceptables dont les traceurs entre l’offre et la demande expliquent les tensions du marché mais plus que tous fragilisent le développement économique des collectivités, des territoires, des métropoles.
Qu’est-ce qui fait l’attrait d’un territoire ? C’est ce qu’il offre… Certes si les pôles universitaires concourent à l’attractivité du territoire, comment peuvent-ils devenir eux-mêmes attractifs si l’offre de logement ne suit pas pour accueillir ses étudiants ?
Ce que relève l’infographie de la Fondation Abbé Pierre, c’est que le logement constitue l’élément prioritaire concernant leur situation personnelle surtout quand 169 000 places sont gérés par les CROUS pour 2,3 millions d’étudiants dont un peu moins d’1/3 de boursiers. Une condition qui impacte tout un territoire et donc forcément d’autres catégories de population qui cherchent aussi à se loger. Ainsi, comment créer une artificialisation sociale dans laquelle on accroîtra les précarités en déplaçant les moins fortunés et les primo-accédants loin des centres urbains et loin de toutes activités vers une offre en rapport avec leurs conditions financières.
Cette réflexion sur le logement qui touche les jeunes, s'appuie sur le fait que socialement le mal-logement atteint les plus démunis et les moins diplômés.
L’inadéquation entre la demande et l’offre modélise une contraction entre les étudiants d’une part et les ménages modestes de l’autre... : le manque cruel d’habitats universitaires et une déstructuration du parc existant de logement face aux besoins de la société concourent à la création d’une forte pression sur le territoire. Etudiants et foyers modestes visent la même cible. Cette pénurie entraine donc une série de dégradation sociétale, entre habitat indigne, étalement urbain, précarité, clivages…
Dans l’analyse des politiques publiques et des orientations souhaitées, quelles que soient les courants, le constat est le même, la nécessité de plus de mobilité… La question du transport devenant centrale la pertinence de l’échelle d’action à considérer est donc posée… Car si le mot crise ne cesse de s’écouter, elle trouve sa source dans une situation du logement et sa politique mise en œuvre depuis trente ans, avec une montée en puissance de la valeur de son capital. Et pourtant, la dynamique d’un territoire ne se chiffre pas à la valeur de son bien immobilier mais à sa capacité d’introduire de nouveaux actifs notamment dans un contexte de concurrence internationale pouvant mettre en péril la compétitivité économique et universitaire des technopoles. Répondre aux besoins c’est aussi une réponse au développement attractif économique ultérieur.
Mais voilà, les prix de l’immobilier ne cessent de grimper laissant derrière eux des démunis qui eux aussi ne cessent de s’amplifier. C’est dans ce cadre que la Fondation dans rapport du mal-logement estime que les jeunes représentent la figure emblématique de ceux qui se trouvent aux portes de l’emploi comme à celles du logement. Plus souvent en situation d’emploi précaire (50 % des moins de 25 ans sont salariés en contrats précaires - CDD, intérim, apprentissage - contre 13 % pour l’ensemble des salariés), les jeunes sont aussi plus fréquemment touchés par le chômage (20% en moyenne en 2010 et jusqu’à 41 % dans les Zones urbaines sensibles et 50 % en Outre-mer). Cette précarité touche plus violemment les moins diplômés, et l’âge moyen d’accès au premier CDI, qui ouvre souvent les portes du logement, se situe désormais à 27 ans, après une succession d’emplois de courte durée et de stages peu ou pas rémunérés.
L’infographie fait ressortir que 87% de jeunes vivant encore chez leurs parents nourrissent une grande inquiétude quant à la perspective de devoir trouver un premier logement.
Si la France est l’un des États membres de l’Union européenne où le départ des jeunes du foyer parental intervient le plus tôt et est le plus aidé par la famille (surtout pour les étudiants), c’est aussi l’un de ceux où le maintien au domicile des parents apparaît le plus corrélé avec la précarité de l’emploi : la part des 18-34 ans vivant chez leurs parents et ayant un emploi précaire dépasse 50 % en France en 2008, contre 36 % en moyenne dans l’UE. Et 44 % des jeunes expliquent que s’ils vivent encore chez leurs parents, c’est parce qu’ils n’ont pas trouvé de logement à un prix abordable.
Touchés à la fois par la difficulté à intégrer un marché du travail saturé et par la difficulté à accéder à un logement, les jeunes sont confrontés à deux phénomènes qui tendent à se renforcer mutuellement. La situation est particulièrement dramatique pour les jeunes privés de soutien familial qui sont parfois contraints de recourir à des solutions très précaires : hébergement provisoire, foyers, squats, centre d’hébergement ou même la rue. Les jeunes ne sont évidemment pas les seuls à côtoyer la précarité. Celle-ci est malheureusement largement partagée par tous ceux qui ont des revenus trop faibles pour accéder au parc locatif privé (notamment dans les territoires tendus) comme par ceux qui, quel que soit leur âge, disposent de contrats précaires qui ne constituent pas des garanties suffisantes aux yeux des propriétaires privés ou des agences immobilières.