Plus de deux litiges sur trois concernent une maison individuelle.
Une étude de l’association de consommateurs CLCV révèle que les interventions mal réalisées, les équipements défectueux et les faillites d’artisans sont les litiges les plus nombreux. Le dépôt de bilan de l’entrepreneur en cours de chantier peut avoir particulièrement de graves conséquences financières, si ce dernier n’a pas souscrit les assurances nécessaires.
Toutes sortes de travaux sont réalisées quotidiennement, qu’ils s’agissent de constructions ou d’opérations plus modestes. Si tout se passe bien la plupart du temps entre le consommateur et le professionnel, cela n’est pas toujours le cas. Et c’est à cette occasion que l’on se rend compte que le consommateur n’est pas toujours correctement protégé.
L’étude s’est portée sur plus de 300 dossiers traités ou en cours en 2013 par les associations locales sur l’ensemble du territoire. Elle s’est focalisée sur quatre types de travaux : la construction, l’extension, les travaux extérieurs (pose de panneaux photovoltaïques…) et intérieurs (installation d’une chaudière, remplacement des fenêtres…).
A une grande majorité, les litiges concernent des malfaçons (50 %). Viennent ensuite les cas de non-conformité (21 %), les dépôts de bilan (14 %), les retards de livraison (9 %) et enfin l’absence de levées des réserves (6 %). Les malfaçons sont principalement constatées en matière de construction (54 %). De manière générale, cela met clairement en évidence le défaut de formation, voire de compétence, de certains professionnels.
Autre problème relevé par cette étude : les retards et dépôts de bilan, lesquels représentent au total un peu moins d’un litige sur quatre (23 %). Si, dans certains cas, le consommateur peut être protégé (notamment dans le cadre de la construction d‘une maison individuelle), il existe beaucoup de situations où aucune protection n’existe. Dans la pratique, on sait pertinemment qu’il est impossible de négocier des pénalités de retard si celles-ci ne figurent pas déjà dans le contrat, à moins qu’un texte ne les rende obligatoires. De même, en cas de faillite, il est fréquent que le consommateur ne revoie jamais les fonds qu’il a versés au professionnel. Or, il est indispensable, selon nous, d’améliorer cette situation.
C’est pourquoi la CLCV demande :
- qu’une concertation soit engagée afin qu’une garantie de livraison soit systématiquement souscrite par le professionnel dans le cadre de la réalisation de travaux, avec obligation de mentionner les coordonnées du garant dans le contrat. Cette obligation existe déjà dans certains domaines, mais pour des travaux importants (construction d’une maison par exemple) ;
- que le contrat mentionne obligatoirement des pénalités dues par le professionnel au consommateur en cas de non-respect de la date d’achèvement des travaux ;
- qu’une fiche d’information sur les différentes garanties existantes soit systématiquement communiquée au consommateur.
QUELS SONT LES DROITS DU CONSOMMATEUR ?
Le consommateur dispose de plusieurs moyens pour obtenir réparation. Toutefois, cela suppose des actions parfois longues et difficiles à mener. Il existe trois types de garanties-constructeur :
- La garantie de parfait achèvement : elle impose au constructeur la réparation de toutes les malfaçons qui surviennent dans l’année qui suit la réception des travaux. Peu importe la nature des désordres.
- La garantie de bon fonctionnement : d’une durée de deux ans à compter de la réception des travaux, elle concerne les éléments d’équipement qui ne sont pas indissociablement liés à l’ouvrage. C’est le cas, par exemple, des appareils ménagers ou de l’installation d’un portail électrique. De manière générale, on considère qu’un élément d’équipement est indissociable lorsqu’il ne peut être retiré sans endommager l’ouvrage auquel il est attenant.
- La garantie décennale : elle impose au constructeur de réparer, dans les dix ans qui suivent la réception des travaux, les dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage (fragilité des fondations) ou le rendent impropre à sa destination (défaut d’étanchéité à l’air, infiltrations...).
Ces garanties s’appliquent au constructeur d’un ouvrage, généralement un bâtiment ou une extension de bâtiment. Il peut s’agir par exemple (outre la construction pure et simple d’une maison), d’une véranda édifiée sur un balcon d’appartement, d’une cheminée lorsque son installation nécessite des travaux affectant le gros œuvre ou de travaux de rénovation de la façade extérieure.
En revanche, lorsque les travaux ne constituent pas un ouvrage, ces garanties ne sont pas applicables. On citera par exemple le simple ravalement de façade. Dans cette hypothèse, les différentes garanties ne s’appliquent pas et le professionnel engage sa responsabilité contractuelle. Il faudra donc démontrer qu’il n’a pas respecté les termes du contrat, qu’il a manqué à son devoir de conseil ou que les travaux n’ont pas été réalisés correctement (malfaçons, …)
Publicité trompeuse
La responsabilité contractuelle peut également être mise en cause dans le cas d’une publicité trompeuse. Des particuliers ont acheté sur plan des appartements dans une résidence annoncée comme BBC*. Or, dans l’acte de vente, il est apparu que le promoteur ne s’engageait que sur du THPE**, c’est-à-dire un niveau de performance énergétique moindre. L’affaire est actuellement devant le tribunal afin d’obtenir des dommages et intérêts en raison des informations précontractuelles trompeuses.
De fait, si le consommateur peut paraître protégé, il n’en demeure pas moins que les actions à mettre en place sont longues et parfois difficiles, notamment lorsqu’une expertise doit être réalisée. Par ailleurs, nous constatons une grande réticence pour ester en justice en raison du coût occasionné et de l’aléa existant quant à l’issue de l’action.
Que faire en cas de faillite ?
La faillite du professionnel qui réalise les travaux est la crainte principale du consommateur. Les conséquences qui en découlent peuvent être extrêmement dommageables si le chantier n’est pas achevé. Dans le cadre de la construction d’une maison individuelle, le constructeur doit souscrire une garantie de livraison. En cas de faillite, c’est le garant qui prendra en charge la poursuite du chantier et les dépassements de coût qui en résultent. Malheureusement, cette garantie ne concerne pas tous les travaux : pour des opérations plus petites, le consommateur devient un simple créancier qui devra se rapprocher de la personne chargée de la liquidation judiciaire pour faire inscrire ses droits. Autant dire qu’il ne sera jamais remboursé puisqu’il passe après les créanciers prioritaires que constituent les salariés et l’Etat.
La situation est moins grave lorsque la faillite a lieu après la réception des travaux. En effet, le consommateur pourra saisir sa dommage-ouvrage en réparation des désordres constatés. Il pourra également se rapprocher de la garantie décennale du professionnel et demander à être indemnisé directement. Cette procédure peut cependant être plus complexe que la simple saisine de la dommage-ouvrage. D’où l’intérêt, de manière générale, de conserver tous les papiers, contrats et attestations d’assurance pendant au moins dix ans.
Par contre si les travaux ne sont pas soumis à la garantie décennale, il sera difficile d’obtenir réparation, le consommateur ne pouvant actionner une assurance et le professionnel étant en faillite.
Conseils :
Pour éviter les litiges, voici cinq conseils à suivre :
- Choisir avec précaution votre entreprise
Cela va du bouche-à-oreille à la recherche d’informations sur Internet. Par ailleurs, pour les travaux les plus importants (construction d’une maison par exemple), il peut être conseillé de demander un état des droits des créanciers éventuellement inscrits sur le professionnel de votre choix (il vous en coûtera quelques dizaines d’euros auprès d’Infogreffe, www.infogreffe.fr). Ce document vous permettra notamment de savoir si des créanciers se sont enregistrés auprès du Tribunal de commerce envers l’entreprise en question.
Dans le cadre de l’installation d’une cuisine équipée, l’entreprise choisie par notre adhérent a déposé le bilan. Le matériel n’a jamais été livré et, de fait, aucune pose n’a été réalisée. Montant du préjudice pour l’adhérent : 17 000€
Cela vous permettra ainsi de savoir si elle est financièrement solide ou non. D’autres documents vous permettront également d’apprendre si une procédure en redressement judiciaire a eu lieu.
N’hésitez pas non plus à exiger du professionnel qu’il vous montre son attestation d’assurance.
- Souscrivez une assurance dommage-ouvrage et demandez les attestations du professionnel
Bien qu’obligatoire, peu de consommateurs souscrivent une assurance dommage-ouvrage dans la mesure où ils estiment qu’elle fait double emploi avec la garantie décennale du constructeur puisqu’elles recouvrent toutes deux le même champ d’application, à savoir les désordres affectant la solidité du bien ou le rendant impropre à sa destination. On voit même certains professionnels la déconseiller afin de faire des économies. Il est vrai que son coût peut représenter plusieurs milliers d’euros (il varie en fonction du montant de l’opération et est de l’ordre de 3 % environ). Pourtant, cette garantie permet, en cas de sinistre, d’obtenir une indemnisation bien plus rapide que par l’action de la décennale et de façon moins contraignante. En effet, il n’y a pas de recherche de responsabilité : il suffit que le bien présente un désordre relevant de son champ d’application. Peu importe qu’une faute du professionnel ait été commise ou non.
En parallèle, n’oubliez pas de demander l’attestation d’assurance décennale du professionnel. Et si vous passez par un maître d’œuvre (un architecte par exemple), demandez-lui également l’attestation de son assurance responsabilité civile professionnelle.
Un architecte un peu léger
Un particulier a fait construire un étage sur un logement de fond de cour situé en copropriété. L’accord de travaux voté en assemblée générale comprenait une hauteur limite. Or, lorsque la charpente du nouveau toit est achevée, le consommateur de constater que la hauteur est dépassée de 35 cm. Le charpentier avait pris seul cette initiative afin d’améliorer le confort du logement et l’architecte avait contresigné le plan sans en référer au propriétaire. La responsabilité de l’architecte chargé de la coordination des métiers sur le chantier est donc entière. Pourtant, celui-ci n’accepte de prendre en charge les travaux nécessaires pour respecter la hauteur limite que si sa propre assurance en responsabilité peut être actionnée. A défaut, il y aura un contentieux. Par chance, l’assurance du professionnel a joué ce qui a débloqué la situation. Ce cas montre l’importance de contracter avec des professionnels dûment assurés.
- Lire attentivement le contrat :
Dans certains cas (construction d’une maison individuelle par exemple), le contrat doit contenir des mentions obligatoires (désignation du terrain, caractéristiques techniques du bâtiment, coût des travaux, date d’ouverture et de fin du chantier, pénalités de retard...). Lorsque le contenu du contrat n’est pas légalement fixé, vérifiez à ce que les principales informations soient précisées (coût total de l’opération et délai d’achèvement des travaux par exemple). Bien sûr, il sera difficile de demander à ce que le contrat prévoie des pénalités de retard si ces dernières ne sont pas prévues expressément par la loi, mais vous pouvez limiter un minimum les risques en prévoyant une date ferme d’achèvement des travaux et en vous assurant que le prix est ferme et définitif afin d’éviter toute évolution au cours de l’opération.
Pas d’engagement verbal !
Dans le cadre de travaux de construction, tout s’était fait oralement. Aucun contrat n’a été signé, aucun devis écrit présenté. Des difficultés se sont fait sentir dès le départ pour aboutir, in fine, à un retard de livraison des travaux et à des défauts de conformité.
- Soyez vigilant lors de la réception des travaux
La réception est l’acte par lequel vous acceptez l’ouvrage, avec ou sans réserve. C’est à cette occasion que vous indiquerez toutes les malfaçons, défauts, vices... que vous constaterez. Vous devez être extrêmement précis. Il peut d’ailleurs être conseillé de se faire accompagner car tout le monde n’est pas forcément un professionnel en matière de construction. Cette étape est d’autant plus importante que les différentes garanties ne fonctionnent pas pour les vices apparents qui n’auraient pas été relevés lors de la réception. Par ailleurs, le simple fait de s’acquitter de l’ensemble du coût des travaux ou de s’approprier les lieux ne constitue pas forcément une réception tacite : celle-ci doit résulter d’un acte positif. Les arguments des professionnels tendant à invoquer une réception sur ces fondements sont donc contestables.
Un adhérent a fait installer des panneaux photovoltaïques sur sa toiture. Malheureusement, ceux-ci n’étaient pas branchés... Face à l’inertie du professionnel, le consommateur a dû procéder lui-même au branchement, à ses frais.
- Etre réactif
Dès que vous constatez un vice, un défaut de fonctionnement..., vous devez immédiatement vous rapprocher du professionnel qui a réalisé les travaux. Prenez des photos le cas échéant afin de constituer un dossier le plus précis possible. Si le désordre relève de la garantie décennale, actionnez votre dommage-ouvrage. Dans les autres cas, demandez au professionnel de mettre en œuvre ses différentes assurances. Celles-ci ne pourront plus être actionnées après leur délai de prescription (respectivement un an, deux ans et dix ans selon les cas) : il convient donc de ne pas traîner. Par ailleurs, seule une action en justice peut interrompre le délai en question : si vous êtes proche de la prescription, il peut être préférable d’intenter immédiatement une action contentieuse quitte à rechercher, après une solution amiable.
Attention au travail dissimulé
Plus communément appelé « travail au noir » ou « au black » pour les plus anglophones (ou anglophiles), le travail dissimulé est très répandu dans le domaine du bâtiment. Il est vrai qu’il s’agit souvent d’opérations d’un montant important de sorte qu’il est assez facile pour les parties de trouver un accord. Le consommateur obtient une diminution du prix total (le gain escompté porte sur au moins le montant de la TVA, voire plus) et le professionnel encaisse une rentrée d’argent nette d’impôts. Tout le monde y trouve son compte.
C’est juste oublier que cette pratique est totalement illégale (qui ne le sait pas...) et qu’elle est punie de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000€ d’amende.
Mais au-delà de ces considérations juridiques, le travail dissimulé comporte de grands risques en termes de garanties. En effet, si après la réalisation des travaux vous constatez un vice, vous aurez de grandes difficultés pour obliger le professionnel à réaliser les travaux nécessaires. Et là, pour le coup, il n’est pas sûr que vous y trouviez votre compte ….