COP 19 à Varsovie, les rails d’un nouvel accord très compromis
La 19ème conférence des Parties sur les changements climatiques qui s’est déroulée à Varsovie du 11 au 22 novembre laisse un sentiment au gout amer avec comme premier constat, une situation qui se dégrade sur tous les plans. Peu de discussions et surtout des engagements revus à la baisse.
Plus que de la déception, c’est un sentiment étrange qui règne après l’achèvement de cette dix-neuvième négociation onusienne sur le climat, sans retracer les grands dates des différentes conférence, celle-ci restera gravée par le fait que c’est la première fois dans l'histoire de ces négociations que les grandes ONG sont sortis volontairement du débat. Le WWF et les autres ONG désapprouvent le fait qu'au lieu de progresser, les discussions reculent. Et rien n’indique qu’elles pourraient évoluer dans la bonne direction.
Pour remonter à une telle cacophonie, la conférence de Copenhague, en 2009, qui avait réussi à éloigner les ONG des négociations, n’avait pas abouti à des exaspérations aussi fortes. Car ce qu’il est à noter à cette sortie de la COP 19 c’est que les pays négociateurs abaissent leurs engagements dans l’indifférence presque générale, avec une société civile démobilisée préoccupée par la crise alors que le mercure du thermomètre continue de grimper. En effet, la planète s’approche de la «zone rouge». Le consortium scientifique Global Carbon Project, qui a compilé des milliers de données nationales, pointe l’emballement des émissions. Selon Philippe Clais, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, l’homme aurait déjà émis près de 550 Gt de carbone depuis 1870. La moitié ayant disparu dans les sols, la végétation et les océans. Mais le reste demeure dans l’atmosphère où il intensifie l’effet de serre, cause du changement de climat en cours. Or, si nous émettons dans ce siècle plus de 370 Gt de carbone, la probabilité d’un dérapage climatique supérieur à 2°C devient très élevée, ont averti les climatologues dans le dernier rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).
Etape transitoire, Varsovie devait être la rampe pour lancer un nouvel accord international de lutte contre le changement climatique en 2015 à Paris. La situation actuelle ne présage rien de bon dans les perspectives du Sommet en 2015 que la France présidera. Un nouvel accord qui doit en théorie entrer en vigueur en 2020 prenant le relais du protocole de Kyoto et inciter les pays à réduire leurs émissions afin de rester en-dessous de la barre des 2°C de réchauffement d’ici à 2050.
Les ONG, ayant préférées quitter la table des négociations, estiment que la conférence de Varsovie, censée préparer les bases d'un nouvel accord mondial, ne mérite plus qu'ils s'y attardent. « Ca ne sert à rien de rester jusqu'au bout. Le typhon qui a frappé les Philippines aurait dû impulser une dynamique. C'est le contraire. L'Australie, le Japon et le Canada reculent. Et en face, aucun leadership européen n'émerge », s'insurge Karine Gavand, de Greenpeace.
Cette COP 19 à Varsovie est un paradoxe à elle seule, en effet, elle s’est déroulée en Pologne qui mène au sein de l'Union européenne, le groupe des Etats les plus réticents aux objectifs ambitieux que propose la Commission européenne pour réduire les émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030. Les raisons pour lesquelles la Pologne a souhaité accueillir cette conférence demeurent très obscures. Un pays dont la priorité est de développer l'exploitation du gaz de schiste. Pour assurer son indépendance énergétique, la Pologne veut continuer à exploiter son charbon et mise donc sur le gaz de schiste.
Alors que cette conférence ait démarré quelques heures après le passage ravageur du typhon Haiyan aux Philippines, les premiers messages des pays présents ont donné la teneur des négociations : le Japon a prévenu que ses émissions de CO2 allaient augmenter de 3,8% d’ici à 2020, tandis que l’Australie a publiquement annoncé le retrait de sa taxe carbone, sans même daigner envoyer son ministre de l’Environnement à Varsovie. Démobilisées comme jamais, les ONG ont signifié leur exaspération et une déception à la hauteur de leurs attentes. «On ne sent aucune volonté politique de faire avancer la cause climatique à Varsovie, signale Karine Gavand, responsable des affaires publiques à Greenpeace. Notre présence ne se justifie plus. On ne peut mobiliser les citoyens que s’il y a des demandes posées, des attentes, des objectifs. Or, aucun pays ne semble volontaire pour ça. C’est aux politiques de prendre le relais...»
Entre Copenhague et Varsovie, quatre ans ont filé. Si la mobilisation était vivifiante en 2009, elle est désormais moribonde. «Les négociations n’avancent pas, déplore Connie Hedegaard, commissaire européenne de l’Action pour le climat. Nous ne pouvons pas nous offrir le luxe de faire marche arrière par rapport à Durban, il faut avancer.» Vœu pieux. «Le cynisme a pris le relais, estime un délégué sud-africain, on avait réussi à remobiliser au forceps tout le monde après Copenhague, à Cancún en 2010, puis à Durban en 2011 et Doha en 2012. En Pologne, on fait marche arrière.»
Enfin, à Copenhague, les pays développés s’étaient engagés à aider financièrement les besoins des pays en développement en versant 100 milliards de dollars (74 milliards d’euros) d’ici à 2020 afin d’améliorer et d’adapter la diminution de leurs émissions. Des promesses en l’air puisque de 2010 à 2012, 30 milliards de dollars auraient dû être versés, or «seuls 6 milliards ont été accordés aux politiques d’adaptation, selon Alexandre Naulot d’Oxfam, ce qui est moins que les JO de Londres ! Le plan d’adaptation du Kenya nécessite à lui seul 12 milliards…»
Varsovie devait enclencher de nouveaux objectifs de la part des pays développés en proposant de nouveaux montants. Ce Fonds d’adaptation, qui relève du protocole de Kyoto, l’Allemagne et la Finlande promettent respectivement 30 et 3 millions d’euros. «Au total, on parviendrait à 90 millions», selon un délégué européen. Quant au futur Fonds vert, la Suède accepte de verser 45 millions d’euros, tandis que le Royaume-Uni s’engage à abonder le Fonds pour les pays les moins avancés avec 60 millions d’euros. «Avant, on parlait de milliards, désormais, il ne s’agit que de quelques millions, regrette Alexandre Naulot. Surtout, on constate que les pays ont recyclé des aides publiques au développement sans créer de nouveaux circuits spécifiques aux problématiques climatiques.» En gros, c’est le flou le plus complet et les financements privés prennent le relais des politiques publiques.
Au lendemain de cette conférence, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a convoqué un sommet des chefs d'Etat à New York pour recueillir ces nouveaux objectifs, le 23 septembre prochain, soit à un peu plus d'un an de la conférence de Paris. Le fait de s'y prendre aussi en amont doit préserver la conférence présidée par la France du fiasco de Copenhague où les positions des Etats, parvenues très tard, n'avaient pu être rapprochées.