‘’ là ou le profit nous mène, vers toutes les mers et tous les rivages – Par amour du gain les ports du vaste monde nous explorons’’
Plus que tourné vers le passé, la Compagnie nationale des mines renaît…
Accordé dans un entretien du quotidien ‘’Le Parisien’’, le ministre du redressement Productif a confirmé l’intérêt d’explorer les sous-sols français et étrangers en créant une compagnie nationale des mines de France. Dotée d'un budget de 200 à 400 millions d'euros, elle se chargera de prospecter et d’exploiter le sous-sol des territoires d'outre-mer, comme en Guyane, en vue d’extraire de l’or. Cette compagnie devrait aussi explorer les sous-sols africains, selon le ministre, ‘’les pays d'Afrique francophone, notamment, aimeraient travailler avec nous plutôt que d'avoir affaire à des multinationales étrangères.’’
« Le colbertisme est de retour et c'est un bien. », toujours selon le ministre du redressement productiviste qui a annoncé que « la France va fédérer l'Agence des participations de l'Etat et le Bureau des recherches géologiques minières qui ensemble vont investir entre 200 et 400 millions d'euros sur cinq à sept ans, précise le ministre. Nous sommes en train de boucler le budget de l'entreprise », qui aura « vocation à travailler en Asie centrale et en Amérique du Sud ».
Toutefois, le ministre estime que l’industrie minière n’appartient « absolument pas » au passé : « Nous recherchons du lithium par exemple, un métal fondamental pour les batteries des véhicules électriques. Avec notre nouvelle compagnie minière, nous protégerons nos intérêts nationaux ! »
La France n'avait pas créé d'entreprise publique depuis 1993 et l'avènement du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, le ministre assure que « la stratégie du gouvernement est de considérer l'Etat comme un acteur intelligent de l'économie servant les intérêts de notre nation ».
La grande question d’une telle compagnie dans le paysage français est posée, a qui profitera-t-elle ? Logique aveuglante centrée sur l'appât du gain … C’est Joost van den Vondel, poète hollandais, qui disait ‘’ là ou le profit nous mène, vers toutes les mers et tous les rivages – Par amour du gain les ports du vaste monde nous explorons’’. On connait la suite de 'histoire... Sans réécrire les traces du passé, une autre question demeure quel en sera le coût écologique et donc le coût humain… ?
C’est à cette question que les Amis de la Terre tentent de répondre. L’association s’étonnent que, face à la pénurie, la France néglige la piste des "mines urbaines" (un fort potentiel de recyclage des déchets électriques et électroniques. Elles posent le problème de l’exportation illégale de déchets : entre 550 000 et 1,3 millions de tonnes de déchets électriques et électroniques sont exportés en Afrique et en Asie souvent dans un cadre commercial, parfois sous couvert d’aide humanitaire. Ces déchets sont pourtant loin d’aider les pays qui les accueillent. Au final, les mines urbaines se trouvent le plus souvent ailleurs... ) et le recyclage des métaux. Les Amis de la Terre s’indignent de cette politique qui vise à faire de notre pays un acteur central de l’industrie minière, une des plus destructrices au monde, responsable notamment de déforestation, accaparement des terres, pollutions, maladies, répression, conflits armés.
Selon Camille Lecomte, chargée de campagne sur les Modes de production et consommation responsables aux Amis de la Terre : « Le gouvernement se trompe complètement de voie ! Il y a plus d’or dans une tonne de téléphones portables et d’ordinateurs que dans une tonne de gravats extrait d’une mine. Et alors que nos téléphones et ordinateurs portables sont équipés depuis les années 1990 de batteries au lithium, seules 5% des batteries sont actuellement collectées et la première usine expérimentale de recyclage du lithium a été inaugurée en Allemagne en 2012. Depuis plus de vingt ans, ce sont les réserves de lithium comme de nombreux autres métaux qui s’épuisent faute d’une utilisation responsable. »
Pour l'association cette réouverture de mines en métropole et en outre-mer, et dans des pays du Sud, cette compagnie nationale des mines ne sera en fait qu’un nouveau bras armé d’une politique qui est menée depuis des décennies au travers des multinationales françaises. L’État est en effet actionnaire d’Areva et d’Eramet, dont les activités font des ravages dans le monde depuis trop longtemps.
Elle rajoute par ailleurs que la réforme du code minier qui avait été lancée suite au déni de démocratie et à l’absence de consultation des populations avant la délivrance des permis de gaz de schiste, le ministère du Redressement productif en est aujourd’hui le pilote et s’en sert pour dérouler le tapis rouge aux entreprises minières en France. Après les permis de Tennie (Sarthe) et de Villerange (Creuse), un troisième permis minier a été accordé en métropole, le permis de Saint-Pierre (Maine-et-Loire), et un quatrième ne devrait pas tarder à suivre. Avec la Compagnie nationale des mines de France, le gouvernement a aussi en ligne de mire le développement minier en outre-mer avec l’or de Guyane et le nickel de Nouvelle-Calédonie.
Mais la volonté est aussi d’être offensif à l’étranger, a annoncé le ministre, avec le développement néocolonialiste de projets en Afrique, et la conquête de nouveaux marchés en Asie centrale et Amérique du Sud. Cela ne pourra qu’être une nouvelle source de conflits, de violations des droits des communautés locales et de destructions environnementales, comme montre l’expérience actuelle d’Areva au Niger principalement, ou les conséquences des projets d’Eramet tels que l’exploitation du nickel de Weda Bay en Indonésie ou du lithium en Argentine.
Cuivre, nickel, uranium, lithium ou encore terres rares : c’est aussi la face cachée du nucléaire, de la surconsommation de produits high-tech ou d’innovations soi-disant écologiques comme les voitures électriques. Tirée par cette demande croissante et par la spéculation sur les marchés financiers, l’industrie minière est aussi une de celle qui s’est le plus développée ces dernières années.
Juliette Renaud, chargée de campagne sur les Industries extractives aux Amis de la Terre France, conclut : « L’accès aux biens naturels à un moindre coût semble être devenu la priorité des États, au prix d’impacts sociaux et environnementaux toujours plus élevés. Aujourd’hui, le secteur minier est la principale source de violations aux droits de l’Homme commises par le secteur privé, étant responsable à lui seul d’un quart des violations commises par des entreprises dans le monde. Nous ne voulons donc pas de nouvelles mines, ni ici, ni ailleurs ! ».
Pour Les Amis de la Terre, qui se solidarisent avec les populations affectées, la priorité absolue doit être donnée au respect des droits des communautés locales, qui doivent être au centre des décisions, et à la protection de l’environnement. Un changement radical de nos modes de production et consommation est indispensable afin de réduire notre dépendance vis-à-vis de ces ressources. Il faut en priorité mieux utiliser les ressources déjà prélevées ce qui signifie allonger la durée d’usage de nos biens qui contiennent des métaux, collecter les métaux en fin de vie et les réemployer ou les recycler.