Au Jeu de Paume, Mathieu Pernot - La traversée, à partir du 11 février… Quand la république catégorise une population de citoyens en seconde zone, les nomades…
Depuis que la république française existe, elle n’a eu cesse de stigmatiser une catégorie de population, comment a-t-elle pu construire une pensée hiérarchique alors qu’elle est censée connaître tous les individus, celle d’une catégorie ethnique qui ne dit pas son nom, le ‘’nomade’’.
Au début du siècle, même la loi de la république les rendra coupables de faits parce que collectivement on les suppose d’altérité criminelle. Une problématique sur l’accès à la citoyenneté, toujours d’actualité, et toujours perçus pour leur appartenance à une catégorie spécifique qui pourtant tente de se faire entendre et cherche à se définir hors des catégorisations imposées dans une société qui ne leur est pas moins hostile qu’il y a un siècle.
L'exposition du Jeu de Paume, consacrée à Mathieu Pernot, se propose de rendre visible ce que la société souhaite rendre invisible...
Mathieu Pernot, Caravane, 2013. Série Le Feu. Tirage jet d’encre, contrecollé sur dibond. 73 x 100 cm. Édition de 7. Collection de l’artiste © Mathieu Pernot
Mathieu Pernot, Jonathan, Avignon, 2001. Série Les Hurleurs, 2001-2004. Tirage chromogène lambda contrecollé sur dibond, 100 x 80 cm. Édition de 7. Centre Pompidou, Paris. Musée national d’art moderne / Centre de création industrielle (Achat en 2006) © Mathieu Pernot
Mathieu Pernot, né en 1970 à Fréjus, vit et travaille à Paris. Après des études d’histoire de l’art à la faculté de Grenoble, il entre à l’École nationale de la photographie d’Arles, d’où il sort diplômé en 1996. Son œuvre s’inscrit dans la démarche de la photographie documentaire mais en détourne les protocoles afin d’explorer des formules alternatives et de construire un récit à plusieurs voix.
L’artiste procède soit par la réalisation de séries – parfois en résonance entre elles à travers personnages, chronologies ou thèmes –, soit par la rencontre avec des images d’archives. Dans tous les cas, ce nomadisme d’images et de sujets souligne son souhait d’éviter un récit de l’histoire à sens unique. le déplacement perpétuel de ses images évoque donc une réalité qui est loin d’être figée ou immuable.
L’exposition du Jeu de Paume présente une sélection de séries réalisées par l’artiste au cours des vingt dernières années. elle met en espace un nouveau montage faisant dialoguer des corpus d’images et d’objets et établit une forme de traversée dans son œuvre, jusqu’à sa dernière pièce, Le Feu, produite spécialement pour l’exposition.
Que ce soit par son propre travail de prise de vue, par l’appropriation de photographies ou d’autres types de documents d’archives, Mathieu Pernot interroge ainsi la diversité des modes de représentation et la notion d’usage du médium photographique. Ce travail dialectique d’enquêtes, de recueils, de récits, d’images photographiques est caractéristique de toute l’œuvre de Mathieu Pernot.
L’idée de traversée, de déplacement et de passage, très présente dans son œuvre, est un élément récurrent de l’exposition présentée au Jeu de Paume. Elle s’incarne aussi bien dans la nature nomade et fragile des personnes photographiées – Tsiganes, migrants, etc. – que par la présence des mêmes individus au sein de corpus d’images différents. Ils deviennent ainsi comme des personnages traversés par ces histoires au fil du temps.
L’exposition « La Traversée » propose la mise en forme d’une histoire contemporaine incarnée par des personnages vivant à sa marge.
‘’Il y a une question spécifiquement photographique dans le fait de montrer des populations vivant à la marge. Comment photographier les “invisibles”, comment faire une image de ceux qui revendiquent une forme d’opacité ? Comment inscrire ces images à la fois dans l’histoire de la photographie et dans celle de ces communautés invisibles ?’’ Mathieu Pernot, Les Prisons photographiques
L’exposition s’ouvre sur la série Photomatons, premier travail réalisé entre 1995 et 1997 avec des enfants gitans dans la commune d’Arles, pour s’achever sur leurs portraits pris en 2013 dix-sept ans plus tard pour « La Traversée ». Entre ces deux séries et au cœur de l’exposition, on retrouve ces mêmes personnes, en 2001-2004, dans la série Les Hurleurs.
Sont également montrés des travaux liés à la question des migrations (Les Migrants, Giovanni, Les Cahiers afghans), de l’urbanisme (Le Grand Ensemble incluant Implosions, Le Meilleur des mondes, Les Témoins ; Les Fenêtres) et de l’enfermement (Panoptique et Un camp pour les bohémiens), avec notamment la présentation de dessins (Le Dernier Voyage) réalisés en écho aux photographies.
Dans la série Le Feu, produite spécialement pour l’exposition, Mathieu Pernot remet en scène un rituel pratiqué chez les Roms qui consiste à faire brûler la caravane d’un défunt. En contrechamp de cette image d’incendie, il photographie des personnes (les mêmes que l’on trouve plus tôt dans certaines séries présentées dans l’exposition) dont le visage est éclairé par la lumière du feu.
Mathieu Pernot Roger Demetrio, 1944 Photographie d’identité sur un carnet anthropométrique Archives départementales des Bouches-du-Rhône
Œuvres Présentées :
Dans la pratique documentaire de Mathieu Pernot, ce sont les liens et les relations entre les images, leur ordre et leur désordre qui configurent une dimension quasi cartographique de l’expérience entre individus, géographies, temps et récits. intitulée « la Traversée », l’exposition organisée par le Jeu de Paume, en étroite collaboration avec l’artiste, réunit un ensemble de travaux réalisés au cours des vingt dernières années, tout en mettant l’accent sur une nouvelle œuvre spécialement conçue pour cette occasion, Le Feu.
Photomatons, 1995-1997 (25 photomatons couleur, 4,8 x 4 cm)
Ces portraits d’enfants tsiganes ont été réalisés dans une cabine Photomaton de la gare d’Arles, à proximité du campement des familles. Mathieu Pernot était allé à leur rencontre et avait commencé à les photographier lors de ses études à l’École nationale de la photographie. Tout en répondant à une demande des familles qui avaient besoin de portraits d’identité pour des documents administratifs, le photographe confronte ici les enfants à un dispositif normatif dont, par leurs attitudes, ils traduisent et subvertissent les contraintes. Après le passage d’une vingtaine d’entre eux devant l’objectif, les portraits de chacun de ces enfants modèles furent partagés avec Mathieu Pernot.
‘’[Les enfants] joue(ro)nt eux-mêmes sur le cadre fixe qu’impose l’objectif du Photomaton : centrés ou décentrés, de face ou de profil, yeux écarquillés ou yeux clos, grimaçants ou impassibles, en rotations diverses, en mouvements pour flouer l’image, les cheveux en avant pour déjouer la règle de l’identité.’’ Mathieu Pernot
Mathieu Pernot Photomaton, 1995-1997 Série Photomatons Photomaton couleur 4,8 x 4 cm Collection de l’artiste © Mathieu Pernot
Un camp pour les bohémiens, 1998-1999 (13 photographies, tirage baryté, 70 x 70 cm, Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation, Lyon, et 13 carnets anthropométriques dont les photographies d’identité datant de 1930-1942. Archives départementales des Bouches-du-Rhône)
Découvrant dans les Archives départementales des Bouches-du-Rhône les carnets anthropométriques d’internés du camp de Saliers, près d’Arles, Mathieu Pernot décide de faire le récit de cet épisode méconnu de l’Occupation. Créé en 1942 par le régime de Vichy, mais s’appuyant sur la législation de la IIIe République, Saliers fut le seul camp d’internement français exclusivement destiné aux Tsiganes. À partir des documents trouvés et de travaux d’historiens, l’auteur retrace l’origine et le fonctionnement du camp. Il retrouve quelques internés et confronte leurs souvenirs avec les archives produites par l’administration de l’époque. Des portraits actuels répondent aux photographies anthropométriques et leurs déplacements, l’année précédant les arrestations, sont transposés en tracés cartographiques, d’après les indications des carnets de circulation. Mathieu Pernot restitue ici au présent des itinéraires de vie, en interrogeant l’acte de faire l’histoire d’une communauté dont la mémoire ne se transmet pas par l’écrit.
‘’Vous [Mathieu Pernot] avez vous-même raconté votre plongée — qu’aucun historien professionnel avant vous n’avait menée à bien — dans les documents conservés aux Archives départementales des Bouches-du-Rhône, dont dépendait administrativement le camp de Saliers où furent parqués, entre 1942 et 1944, quelque sept cents Tsiganes.
Vous [Mathieu Pernot] avez donc commencé par faire émerger ce matériau photographique — ces documents de la barbarie — afin de leur conférer une valeur d’usage exactement opposée, une valeur de retrouvailles ou de reconnaissance, et non plus de discrimination ou d’indifférence.’’ Georges Didi-Huberman
Mathieu Pernot Roger Demetrio, 1999 Série Un camp pour les bohémiens Tirage baryté 70 x 70 cm Édition de 7 Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation, Lyon © Mathieu Pernot
Le Dernier Voyage, 2007 (feutre sur papier millimétré, dimensions variables, échelle 1/250 000)
Les dessins représentent des cartographies de familles nomades dans l’année qui a précédé leur assignation à résidence et leur internement dans des camps français durant l’Occupation. Ces tracés ont pu être reconstitués grâce aux carnets anthropométriques conservés aux archives départementales des Bouches-du-Rhône et que les familles avaient l’obligation de faire viser en gendarmerie à chacun de leur déplacement. Le fragile trait noir traversant l’espace normé du papier millimétré fait se superposer deux façons de représenter et de traverser l’espace ; à l’irrégularité du déplacement des nomades semble s’opposer le quadrillage de l’espace sédentaire.
‘’Tout est là. L’archive de l’histoire tsigane ne saurait être centralisée ou territorialisée dans les locaux administratifs d’un “département”, d’une “région”, voire d’un État-nation. Elle se transmet dans l’itinérance elle-même — ce que vous appelez “ l’enracinement dans le voyage”.’’ Georges Didi-Huberman
Panoptique, 2001 (8 photographies, tirage baryté, contrecollé sur dibond, 80 x 100 cm)
Les photographies de cette série ont été réalisées dans plusieurs établissements pénitentiaires français, selon une procédure d’enregistrement méthodique (chambre 4 x 5, trépied, vue à l’horizontale), à la manière des relevés métriques ou architecturaux. Elles montrent comment ces lieux de détention et de surveillance ont été pensés comme des « machines à voir », dont le dispositif optique constitue un élément déterminant de leur architecture. Dans les cours de promenade des quartiers d’isolement, les grilles, câbles et filets construisent des points de vue en perspective, tout en faisant converger le regard vers un mur : de ces lignes de fuite, aucune échappée hors du cadre ne semble possible.
‘’Mais où sont passés justement, dans ces photographies, les êtres humains ? [...] [Ils] sont à la fois au centre et à la marge. [...] Ils sont au centre parce que c’est autour d’eux que se fabriquent les murs et les portes des prisons, les cellules et les couloirs de « promenades », les grillages et les barbelés. C’est pour les enfermer et les surveiller que l’on a construit tous ces panoptiques.’’ Georges Didi-Huberman
Les Hurleurs, 2001-2004 (8 photographies, tirage chromogène lambda contrecollé sur dibond, 100 x 80 cm)
Énigmatiques d’abord, ces individus à la pose théâtrale sont photographiés alors qu’ils hurlent dans des décors urbains. Hommes et femmes de différents âges, tous cadrés à mi-corps, ils évoquent un chœur antique criant, devant nous spectateurs, une vérité que nous ne pouvons pas entendre. Les images ont pour hors champ des prisons du Sud de la France et de Barcelone. Leurs protagonistes sont des proches des détenus avec lesquels ils tentent de communiquer par-delà les murs d’enceinte. La tension des corps manifeste la contrainte invisible de la détention et la difficulté à communiquer qu’elle implique. Nouvelle variation à partir du genre traditionnel du portrait, la série forme un contrepoint aux espaces vides photographiés par Mathieu Pernot à l’intérieur des prisons.
‘’La série des Hurleurs montre des personnes qui communiquent — en hurlant — avec des proches incarcérés. Ils hurlent pour parler avec leurs parents, mais aussi, de façon symbolique, pour résister à la violence de l’enfermement dont ils sont aussi les victimes. Leur cri et leur expression contrastent avec la froideur et le vide des images de lieux.’’ Mathieu Pernot
Implosions, 2000-2008 (10 photographies, tirage baryté, contrecollé sur dibond, 100 x 130 cm)
Ces implosions d’immeubles ont été photographiées dans les banlieues de grandes villes françaises au plus fort des débats sur la « rénovation urbaine ». Plutôt que de mener une enquête au long cours, Mathieu Pernot adopte le point de vue du reporter venu quelques heures couvrir l’événement. Mais s’il recourt encore une fois aux codes de la photographie, c’est toujours pour mettre en question les représentations dominantes. Symboles spectaculaires d’une « politique de la ville » bien intentionnée, ces implosions illustrent une volonté de faire table rase de tout un pan de notre mémoire et peut-être aussi des habitants qui en furent les premiers témoins. Alignant hors contexte les barres dynamitées, Mathieu Pernot révèle sous le consensus apparent l’acte de guerre. Paradoxalement, ces grands vaisseaux modernes, saisis dans un nuage de fumée à l’instant même du naufrage, retrouvent ici la beauté des tableaux d’histoire.
‘’Tout cela [...] implose ou explose dans l’indifférence affirmée de votre grand premier plan, le calme débit du fleuve — la Seine, puisque nous sommes à Mantes-la-Jolie — et de sa rive déserte.
[Ce sont des] événements spectaculaires que vous photographiez “en noir et blanc”, comme si le dégagement des immenses nuages gris faisait justement exploser le gris du béton architectural.’’ Georges Didi-Huberman
Mathieu Pernot Mantes-la-Jolie, 1er juillet 2001 Série Implosions, 2000-2008 Tirage baryté, contrecollé sur dibond 100 x 130 cm Édition de 7 Collection Philippe Gazeau © Mathieu Pernot
Fenêtres, 2007 (9 photographies, tirage lambda contrecollé sur aluminium, 130 x 90 cm)
Cette série est issue d’une commande publique du Centre national des arts plastiques, associant Le Point du Jour et la Ville de Cherbourg. Elle montre les vues offertes par des logements sociaux destinés à être détruits dans le cadre d’une « opération de renouvellement urbain ». Formant des polyptyques, les images ont été prises dans plusieurs pièces situées au même étage ou dans une même pièce à des étages différents. Si les volumes en béton se répètent, les fenêtres donnent des visions variées de la nature environnante. Ainsi apparaît un écart entre une géographie spécifique, une architecture préfabriquée, et la vie vécue ici par les habitants. À partir de quelques restes de papier peint, la rêverie devient spéculation sur la photographie, héritière de la peinture. Sur fond de ruines modernes, les paysages presque romantiques semblent des trompe-l’œil qui suggèrent une mise en abyme : ces pièces percées d’une ouverture par laquelle entre la lumière sont à l’image de la chambre photographique, et ces photographies de fenêtres autant d’images du « tableau comme fenêtre ouverte sur le monde ».
‘’Je pense [...] à votre série des Fenêtres où tout semble s’ouvrir et sortir, exactement à l’opposé de ce qu’offrent, du moins au premier abord, vos Portes de prisons.’’ Georges Didi-Huberman
Mathieu Pernot Sans titre 2007 Série Fenêtres Tirage lambda contrecollé sur aluminium 130 x 90 cm Édition de 7 Collection de l’artiste © Mathieu Pernot
Le Meilleur des mondes, 2006 (ensemble de 60 photographies, tirage jet d’encre, 27,5 x 40 cm chaque)
Le Meilleur des mondes est une collection de soixante cartes postales, éditées entre les années 1950 et 1980, que Mathieu Pernot a reproduites et agrandies. Elles montrent des quartiers d’habitat collectif construits durant cette période dans les banlieues françaises et considérés alors comme des symboles de progrès. Pour la plupart réalisées en noir et blanc, les photographies étaient colorisées, souvent de façon maladroite, avant impression. Ces images d’Épinal modernes témoignent d’une vision fantasmée de l’urbanisme des Trente glorieuses. Hier porteurs de toutes les promesses, les grands ensembles sont aujourd’hui accusés de tous les maux. Aux cartes postales paisibles, ont fait suite les vues brutales d’implosions. Mais, en miroir inversé, c’est sans doute la même utopie dirigiste que ces deux représentations traduisent.
Les Témoins, 2006 (14 photographies, tirage jet d’encre, 72,5 x 64 cm chaque)
La série des Témoins est constituée de détails de personnages figurant sur les cartes postales des grands ensembles. Ces personnes à la silhouette imprécise semblent être sur le point de disparaître sous la trame de l’image. Ils observent, se retournent, courent ou se cachent et semblent faire face à une réalité les affectant directement. Acteurs désincarnés d’une pièce dont la fin est connue d’avance, ils semblent rejouer l’histoire dont ils sont à la fois spectateurs et protagonistes, affirmant ainsi la part théâtrale et narrative du dispositif.
‘’Cela donne quelque chose comme une humanité qui, fût-elle au centre des grandes barres d’immeubles, ne se verra ici qu’en pointillés (et le plus “humain”, dans tout cela, n’est autre que la collection de textes, émouvants, drôles ou énigmatiques, eux aussi “en pointillés”, que vous avez trouvés au dos de chaque carte postale ).’’ Georges Didi-Huberman
Les Migrants, 2009 (9 photographies, tirage jet d’encre contrecollé sur dibond, 95 x 135 cm)
Sous ces drapés sculpturaux et fragiles, se devinent des corps qui pourraient être morts. Étendus souvent à même le sol, ils évoquent les victimes d’un crime banal autant que de majestueux gisants anonymes. Mathieu Pernot a photographié ces migrants afghans très tôt le matin à proximité d’un square où ils se retrouvent dans le 10e arrondissement de Paris. Réalisées rapidement, entre le lever du jour et l’intervention habituelle de la police, les images donnent à voir la présence fantomatique des clandestins dans la ville. Après les journées d’errance sous des regards indifférents ou hostiles, la nuit devient presque un asile. Invisibles et silencieux, réduits à l’état de simple forme, ils se reposent et semblent se cacher, comme s’ils voulaient s’isoler d’un monde qui ne veut plus les voir.
‘’Les migrants migrent et nous devons comprendre — dans la généralité du phénomène comme dans ses détails visibles jusqu’au coin de ma rue, de votre rue — que c’est là un des phénomènes les plus fondamentaux et les plus ambigus, une donnée anthropologique et politique de base — mais évidemment conflictuelle — de notre histoire contemporaine. En regardant les corps précairement endormis des migrants sur l’asphalte des trottoirs parisiens, vous avez [...] constaté à quel point il est difficile, tellement difficile, de sortir du gris.’’ Georges Didi-Huberman
Les Cahiers afghans, 2012 (41 pages de cahier d’écolier, Encre sur papier 24,5 x 36,2 cm, Musée de l’histoire de l’immigration, Palais de la Porte dorée)
En 2012, Mathieu Pernot rencontre Jawad et Mansour, tous les deux Afghans réfugiés à Paris. Il confie à Jawad des cahiers d’écolier pour qu’il y écrive le récit de son voyage de Kaboul à Paris. Celui-ci y inscrit le récit d’une épopée moderne – histoire en négatif de la mondialisation. Mansour a, quant à lui, prêté les cahiers qu’il utilisait pour ses cours de français, dans lesquels des mots et des phrases de première nécessité étaient traduits en langue dâri. Encadrés et accrochés, ces écrits mettent en forme un récit de l’exil contemporain.
‘’Les migrants migrent pour le meilleur (fuir un pays en guerre, trouver du travail pour se nourrir décemment) ou pour le pire (errer sans fin dans une Europe qui, entre volonté de surveillance et discours de bienveillance, les rejette de toutes parts ou alors les parquent dans des camps, les condamnant à ne jamais trouver les minimales conditions d’une vie décente).’’ Georges Didi-Huberman
Mathieu Pernot Sans titre, Série Les Migrants 2009 Tirage jet d’encre contrecollé sur dibond 95 x 135 cm Édition de 5 Collection de l’artiste © Mathieu Pernot
Le Feu, 2013 (11 photographies, tirage jet d’encre, contrecollé sur dibond, 120 x 150 cm)
Produite par le Jeu de Paume, cette série a été réalisée avec des Tsiganes installés à Arles. Plusieurs d’entre eux apparaissent régulièrement dans le travail de Mathieu Pernot depuis 1995. Un enfant des photomatons, devenu hurleur, est aujourd’hui un adulte éclairé par le feu. En contrechamp, la caravane ayant appartenu à l’une de ces familles brûle dans la nuit. Rituel spécifique à cette communauté, se déroulant lors du décès du propriétaire de la caravane, la scène pourrait tout autant participer d’une action délictueuse. Le symbole incendié est au cœur de vieilles légendes. Comme des photogrammes extraits d’un film, les images laissent le spectateur tenter seul de comprendre le sens de ce qui lui est montré.
‘’Il se peut que les nomades fascinent les uns et exaspèrent les autres à raison de leur capacité même à savoir sortir : ne pas se fixer, ne thésauriser ni sur l’espace ni sur le temps.’’ Georges Didi-Huberman
‘’Là où les sédentaires archivent, conservent et exposent leur histoire, les Tsiganes enterrent, brûlent et font disparaître les traces de leur passage. Et le silence des Tsiganes n’est que l’une des figures de cette non-inscription.’’ Mathieu Pernot
Mathieu Pernot Mickael, Arles 2013 Série Le Feu Tirage jet d’encre, contrecollé sur dibond 72 x 100 cm Édition de 7 Collection de l’artiste © Mathieu Pernot
Informations pratiques
❙ Jeu de paume
Adresse
1, place de la Concorde – 75008 Paris 01 47 03 12 50 – www.jeudepaume.org
Horaires d’ouverture
Mardi (nocturne) : 11 h-21 h Mercredi à dimanche : 11 h-19 h. Fermeture le lundi et le 1er mai
Tarifs
Plein tarif 8,5 € / Tarif réduit 5,5 € Entrée gratuite : programmation Satellite ; mardis jeunes (le dernier mardi du mois de 17 h à 21 h pour les étudiants et les moins de 26 ans) Billetterie en ligne sur le site Internet du Jeu de Paume, avec la Fnac, Digitick et Ticketnet
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