Les filières REP, manque de transparence et distantes des vertus des principes du REP
Le Cercle National du recyclage (CNR) a fait paraître une étude concernant le principe de la responsabilité élargie du producteur (REP) initié par l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique (OCDE) suite à la volonté des pays membres de mettre en œuvre de nouveaux moyens pour réduire la pollution et la production de déchets.
En effet, au vu du développement de la filière puisqu’en 2011, il existait 16 filières opérationnelles en France et 4 nouvelles étaient en préparation, le CNR s’est interrogé sur l’ensemble du dispositif. Le Cercle National du Recyclage a donc souhaité établir un bilan des filières afin d’assurer son rôle de suivi, de relever ce qui fonctionne mais aussi ce qui pose problème pour proposer des points à améliorer et d’observer les limites des dispositifs actuels.
L’étude s’est portée uniquement sur les filières qui s’inscrivent dans le cadre du service public, celles qui concernent que les déchets ménagers regroupés, collectés et/ou traités par les collectivités territoriales et qui sont pilotées par des éco-organismes agréés ou non :
- les emballages,
- les papiers,
- les textiles,
- les équipements électriques et électroniques,
- les pneumatiques,
- les piles et accumulateurs,
- les médicaments non utilisés.
Cette étude ne concerne donc pas les filières suivantes : les véhicules hors d’usage, les lubrifiants, les fluides frigorigènes fluorés, les emballages vides de produits phytosanitaires et les produits phytosanitaires non utilisés.
Les conclusions de cette étude montrent en premier lieu que l’un des signes de la réussite de la mise en place des filières REP est le déploiement de ce principe à de nouveaux produits générateurs de déchets. En 2011, il existait treize organismes agréés ou non agréés interagissant avec le service public de gestion des déchets, et trois de plus ont vu le jour en 2012 et 2013 concernant les déchets d’ameublement, les déchets diffus spécifiques et les déchets d’activités de soins à risques infectieux perforants des patients en auto-traitement.
A cet effet, l’étude mentionne la hausse des contributions perçues sur les produits soumis à la REP témoigne du déploiement et de l’amélioration des filières. Ainsi en 2011, le montant des contributions de l’ensemble des filières REP représente environ 934 millions d’euros. Cette augmentation en amont s’est traduite en aval par une hausse des montants destinés à la gestion des déchets, représentant environ 937 millions d’euros en 2011. Les collectivités locales sont de plus en plus soutenues et, en 2011, le montant versé aux collectivités locales s’élève à 593 millions d’euros, ce qui représente 63 % du montant total des contributions, mais il reste très inférieur aux charges réelles de gestion des déchets issus de ces produits mis en marché.
Si cet observatoire note le succès d’une nouvelle filière REP, il fait remarquer les difficultés de rendre transparent les données de la filière. Des chiffres parfois différents selon une source par rapport à une autre. De plus, l’observatoire montre que les méthodes de déclaration et de calcul des quantités mises sur le marché, collectées et traitées peuvent être différentes d’un éco-organisme à l’autre. Il en est de même pour les données financières, les éco-organismes n’ont pas forcément les mêmes règles et comptabilisent de manière différente certains éléments. Ainsi, le CNR a révélé qu’un des problèmes rencontrés concerne le calcul du montant des frais de fonctionnement, les frais de structure, de sous-traitance n’apparaissant pas dans le compte de résultat et n’étant pas toujours détaillés par l’éco-organisme.
Pour avoir une meilleure transparence aussi bien des quantités de déchets traités ou les éléments financiers, le CNR recommande une harmonisation au sein de chaque filière et entre les filières. Le CNR souhaiterait la création d’une structure d’affichage des données des écoorganismes avec des règles de remplissage communes, en mettant en œuvre une grille unique sur le modèle de la comptabilité analytique, avec un mode d’emploi pour que les éco-organismes la remplissent de la même manière et avec le même type de données. Elle permettrait de pouvoir positionner les éco-organismes entre eux.
Dans le détail, le CNR estime l’importance de mettre en place des outils afin d’améliorer ces services. Que ce soit en amont ou en aval, de nombreux points ont été soulevés.
En amont, le CNR rappelle que les éco-organismes ont été créés afin de répondre aux obligations réglementaires des producteurs et leur cahier des charges leur impose de ne pas poursuivre de but lucratif. Cet état de fait est en contradiction avec le principe de sociétés privées dont un certain nombre d’organisme sont constitués. Aussi, l’étude note une problématique de gouvernance et que l’intérêt général n’est pas la première préoccupation des éco-organismes lesquels n’admettent pas d’autres collèges que ceux des producteurs au sein de leur conseil d’administration, ne pouvant décider qu’en fonction d’une vision partielle de la filière. Même si les pouvoirs publics définissent le cahier des charges, et qu’une commission regroupant l’ensemble des acteurs assure le suivi de la filière, ils n’ont pas beaucoup de poids face aux décisions prises par l’éco-organisme.
L’étude a notamment pu relever que le contrôle par l’Etat des éco-organismes, à la suite de placements financiers hasardeux, notamment d’Eco-Emballages, reste limité, les capacités d’intervention et les sanctions encourues en cas d’inobservation du cahier des charges sont insignifiantes. En effet, cette amende est au maximum égale à 30 000 € ce qui représente moins de 1 % du montant total des contributions perçues par chaque éco-organisme et semble donc peu dissuasive. De plus, l’étude révèle que pour les organismes non agréés, aucun contrôle spécifique n’existe. Aucun censeur d’Etat ne participe au conseil d’administration et l’organisme ne possède aucune obligation quant à la diffusion des éléments comptables, les pouvoirs publics n’ont connaissance que partiellement du montant des contributions qu’ils perçoivent.
L’observatoire montre que un décalage entre les quantités mises sur le marché et les quantités contribuant à un éco-organisme, cela pour deux raisons.
- D’une part, un nombre certain de producteurs ne respectent pas leurs obligations réglementaires, en n’adhérant pas à un éco-organisme ou en ne mettant pas en place un système individuel.
- D’autre part, aucune disposition ne permet de certifier que tous les producteurs contribuent de manière réelle par rapport à leur mise sur le marché.
En aval, là aussi l’étude révèle plusieurs dysfonctionnements notamment sur les responsabilités matérielles et financières des producteurs et propose qu’une réelle réflexion soit menée sur la mise en place de REP dites intégrales ou abouties. Ainsi, les producteurs prendraient alors réellement conscience de l’impact de leur produit en fin de vie si la contribution couvrait entièrement le coût global de gestion des déchets. De plus, cela permettrait aux collectivités locales de se décharger du financement de ce type de déchets. De plus, le CNR explique pour les éco-organismes n’atteignant pas leurs objectifs la mise en œuvre de sanctions immédiates serait utile. Pour chaque filière, la sanction doit être au minimum proportionnelle au financement qui aurait été nécessaire pour atteindre cet objectif. Mais pour être réellement incitative, le montant de la sanction de l’éco-organisme devrait être plus élevé que celui permettant l’atteinte de l’objectif. Le CNR recommande, par ailleurs que soit prise en compte une meilleure prise en charge Pour chaque filière, la sanction doit être au minimum proportionnelle au financement qui aurait été nécessaire pour atteindre cet objectif. Mais pour être réellement incitative, le montant de la sanction de l’écoorganisme devrait être plus élevé que celui permettant l’atteinte de l’objectif.
Dans un cadre plus élargi, l’étude du CNR conclut que pour améliorer le principe de responsabilité élargie des producteurs, les règles doivent encore être clarifiées et il est nécessaire que la totalité des filières REP soit positionnée dans un ensemble cohérent.