Que ce soit en Chine au Japon, en Allemagne ou au Pays-Bas, l’économie circulaire est envisagée comme un levier de croissance économique
Une étude du Service de l’économie, de l’évaluation et de l’intégration du développement durable a comparé les politiques publiques en matière d’économie circulaire à travers cinq pays : La Chine, le Japon, l’Allemagne et les Pays Bas.
L’étude s’est appuyée sur l’analyse des politiques publiques et des initiatives d’acteurs menées dans quatre des pays précurseurs sur ce sujet : le Japon, pays le plus souvent associé au concept des 3R (réduction, réutilisation et recyclage) en matière de gestion des déchets et qui promeut le concept de « sound material-cycle society » avec une loi cadre associée (2000), deux pays européens qui sont réputés être parmi les plus performants en terme de recyclage des déchets: l’Allemagne et les Pays Bas. L'Allemagne a été un des premiers pays à adopter une loi s’inspirant des principes de l’économie circulaire (loi de 1994 sur la gestion des déchets dans un « cycle fermé de substances ») mise à jour en 2012 dans le cadre de la transposition de la directive cadre européenne sur les déchets et complétée par un programme national sur l’utilisation efficace des ressources. Les Pays-Bas ont intégré récemment une approche cycle de vie en matière de gestion des déchets (plan national de gestion des déchets 2009-2021: « towards a material chain policy »). La Chine, puissance émergente, a également été intégrée à l’étude dans la mesure où elle a, depuis 2008, une loi de promotion sur l’économie circulaire.
L’étude a montré un point commun à toutes les actions et les mesures, l’économie circulaire est associée à la thématique de croissance économique en étant un formidable levier. L’économie circulaire, dans son acception large, est un modèle de croissance économique qui allie impératifs écologiques et opportunités économiques. Quel que soit le pays étudié, il s’agit de s'appuyer sur la raréfaction des ressources pour développer des technologies et produits plus économes en ressources et à moindre impact environnemental (Japon, Allemagne, Pays Bas, Chine) et améliorer leur compétitivité.
L’étude montre aussi que l’économie circulaire est représentée comme un concept à géométrie variable… avec un périmètre limité aux matières voire aux déchets, à l’exception de la Chine, qui l’élargit aux ressources.
Ainsi, pour le Japon à l’image de l’Allemagne, le périmètre opérationnel de l’économie circulaire est limité au champ traditionnel des déchets qu’il s’agit de prévenir, de réutiliser ou de recycler et ce, même si la notion de « sound material cycle society » est définie de façon plus large (société dans laquelle la consommation des ressources naturelles est préservée et l’impact environnemental réduit par l’application d’une démarche 3R aux déchets). L’initiative néerlandaise « approche chaîne de la matière » adopte une approche matière intégrée. Il ne s’agit pas seulement de réduire la production des déchets et de les recycler, mais aussi par exemple d’utiliser des matières premières qui ont moins d’impacts sur l’environnement (par la substitution ou par la mise en place de processus de production plus propres), ou encore, lorsque cela est pertinent, de privilégier la réduction des impacts environnementaux pendant la phase d’utilisation, lorsque celle-ci est particulièrement impactante. Inspirée des lois allemande et japonaise, la Chine a néanmoins adopté une vision plus large de l’économie circulaire, étendue à d’autres ressources que les seules matières premières et déchets (eau, énergie, foncier).
Par ailleurs, l’étude observe que les lois cadres s’adressent à l’ensemble des acteurs de la société pour réussir la transition vers une économie circulaire et notamment les collectivités locales.
On observe que dans les deux pays qui ont adopté une loi cadre sur l’économie circulaire (Japon et Chine), la loi s’adresse à un panel large d’acteurs : Etat, collectivités locales, entreprises, ONG. Le rôle attendu de chacun de ces acteurs est défini dans des articles de loi (Etat et Collectivités locales: politique et mesures d’incitation, coordination et coopération entre acteurs ; Entreprises : mise en oeuvre des démarches de prévention, réutilisation et recyclage ; Consommateurs : changement de comportement/style de vie…).
Dans ces deux pays, un rôle important est dévolu aux collectivités locales, notamment en Chine où la loi cadre sur l'économie circulaire oblige les collectivités locales à décliner l'économie circulaire au niveau local via l'élaboration de plans régionaux de développement de l'économie circulaire (champ, objectifs, indicateurs, actions) et la création d'équipes « économie circulaire » dédiées. L’économie circulaire doit par ailleurs être intégrée dans les autres exercices de planification locaux (environnement, R&D…) L’aménagement du territoire (implantation des usines/éco-parcs industriels) doit contribuer aux principes d’économie circulaire/écologie industrielle. Une connaissance des implantations industrielles régionales et des flux est demandée (métabolisme régional). Les achats publics et financements locaux sont mobilisés. Les plans d’investissement locaux doivent accorder de l’importance aux projets d’économie circulaire. Le gouvernement central évalue les résultats obtenus par les gouvernements locaux sur la base d’indicateurs et en tient compte pour l’évaluation de leurs responsables. Au Japon, le rôle des collectivités locales est précisé dans le plan national économie circulaire (planification, coordination, achats publics…); à noter le recours aux préfectures de région pour coordonner la réflexion et les actions des autorités locales, les évaluer et communiquer sur les résultats obtenus. Les grandes villes communiquent sur leurs actions 3R. Le Japon promeut le principe de proximité à travers le concept de « Sound Material Cycle Blocks » (SMC blocks) qu’on pourrait traduire par boucles locales. Il s’agit de privilégier la consommation locale de produits, leur réutilisation/recyclage local quand les conditions techniques et économiques locales le permettent (disponibilité des infrastructures, taille critique). Un accent particulier est mis sur la biomasse et les collectivités rurales. La taille de la boucle est également fonction de la nature du déchet à traiter (pour des gisements comme les terres rares la boucle peut être au niveau national en raison du recours à des technologies sophistiquées nécessitant d’importants investissements).
Par ailleurs, l’étude constate des objectifs quantitatifs variés mais allant généralement au-delà des objectifs de recyclage ou de réduction de la mise en décharge des déchets :
L’Allemagne, le Japon et la Chine ont intégré dans leurs lois sur l’économie circulaire ou les plans qui les accompagnent des objectifs de recyclage des déchets (pour l’Allemagne, ces objectifs s’inscrivent dans le cadre des obligations européennes de la directive cadre déchets, pour la Chine ces objectifs sont détaillés par grand secteur). Ces trois pays ont également défini des objectifs quantitatifs de productivité matières (par exemple pour la Chine, augmentation de 15% de la productivité ressources sur 2010-2015, pour l’Allemagne, multiplication par deux, entre1994 et 2020 de la productivité des matières abiotiques). Les Pays Bas ont fixé des objectifs indicatifs de réduction des impacts environnementaux de l’ensemble de la chaîne de la matière pour plusieurs filières (accords volontaires). Cet objectif de réduction porte aussi sur les impacts environnementaux générés par l’utilisation des matières importées.
De plus, l’étude note que les pays qui ont adopté une loi cadre sur l’économie circulaire (Japon et Chine) les accompagnent de plans pluriannuels.
Au Japon, la loi cadre institue l’élaboration d’un plan pluriannuel revu tous les cinq ans. Le plan précise notamment les indicateurs macro de flux de matières utilisés pour la définition des objectifs et définit des indicateurs micro d’ « efforts » pour suivre les résultats obtenus par chaque partie prenante à la transition vers l’économie circulaire, dont les rôles attendus sont précisés dans le plan. Le plan fait l’objet d’une évaluation annuelle par le Conseil Central de l’Environnement (homologue du Conseil National de la Transition Ecologique), qui fait l’objet d’une communication au parlement par le ministère de l’environnement, accompagnée des mesures prises (ou à venir) par le gouvernement.
En Chine, le plan d’action national détaille les objectifs à atteindre sur la période 2010-2015 (18 objectifs généraux dont productivité ressources (indicateur phare), rendement énergétique, taux de recyclage de l’eau industrielle… et une batterie d’indicateurs (80 au total) par grand secteur. Des orientations (axes d’action
à suivre) très concrètes sont définies secteur par secteur et une liste de technologies/équipements « économie circulaire » à acquérir (développement et/ou importation) a été élaborée. Le plan consacre des chapitres spécifiques à l’écologie/symbiose industrielle, aux éco-parcs industriels et au « remanufacturing ». Pour les actions de l’Etat, précisées dans le plan comme le Japon, une importance particulière est accordée aux actions de démonstration.
Ces plans, leur évaluation régulière et la concertation qui en résulte permettent de maintenir dans la durée des dynamiques d’acteurs dans un processus d’amélioration continue.
Toutefois, dans les stratégies politiques, l’étude rapporte que des inflexions thématiques différes :
En Chine, une grande importance est accordée, en matière de prévention/réduction, aux technologies propres (notamment celles liées à l’efficacité matières/énergie/eau des processus industriels) et en matière de réutilisation à l’écologie industrielle (ou symbiose industrielle ), notamment pour les industries lourdes, et au « remanufacturing » (industrie automobile notamment). Pour le Japon, en matière de prévention, l’accent est mis sur l’éco-conception (« Design for Environment (DfE) »), pour économiser les matières utilisées pour la production, faciliter la réparation, la maintenance ou la compatibilité ascendante des produits, faciliter le recyclage, l’emploi de matières premières recyclées ou minimiser l’emploi de matières dangereuses. L’Allemagne, dans sa loi sur l’économie circulaire, reprend les orientations de la directive cadre sur les déchets qui impose aux Etats Membres l’élaboration de programmes de prévention des déchets et fournit, en annexe, une liste de mesures de prévention dont les Etats doivent évaluer l’utilité. La promotion de l’éco-conception1 en fait partie. Dans ce pays, le soutien à l’éco-conception constitue également un des volets du programme sur l’utilisation efficace des ressources. Les Pays Bas ont, quant à eux, intégré une approche cycle de vie dans leur politique de gestion des déchets dont l’objectif est de limiter l’impact environnemental.
Le concept d’économie de fonctionnalité et la problématique de l’allongement de la durée de vie des produits ne sont pas ou peu abordés par ces pays. En effet, dans la mesure où les initiatives sur l’économie circulaire et l’utilisation efficace des ressources de ces quatre pays privilégient une optique « croissance verte » (il s’agit d’allier impératifs écologiques et opportunités économiques), l’allongement de la durée de vie pose la question du changement des modèles d’affaires (« business model ») des entreprises.
L’Allemagne et le Japon accordent une place importante à la thématique de la substitution de ressources renouvelables aux ressources non-renouvelables. Les matières renouvelables jouent en effet un rôle particulier dans le développement de l’économie circulaire. L’Allemagne a intégré, dans son programme sur l’utilisation efficace des ressources, des orientations stratégiques relatives à la substitution des matières non renouvelables par des matières renouvelables (biomasse notamment). Cette orientation est renforcée par le fait que l'objectif de productivité matières qu'elle s'est donnée porte sur les matières abiotiques. Le Japon parle de la substitution dans son plan, notamment de l’usage de la biomasse comme matériaux ou énergie, et fait référence à sa stratégie biomasse (2006).
L’étude constate aussi une déclinaison sectorielle des potentialités d’application de l’économie circulaire (en matière deprévention, de réutilisation et de recyclage) :
Par exemple, en Chine, dans la loi elle-même (les entreprises de construction doivent faire un usage étendu des déchets de construction) et dans le plan d’action de manière plus détaillée; au Japon, cela est décliné dans les nombreux décrets d’application de la loi sur l’utilisation efficace des ressources, pendant de la loi cadre sur l’économie circulaire.
Enfin, l’étude observe des initiatives qui mobilisent de nombreux instruments de politique publique, notamment les marchés publics :
Dans les lois cadres sur l'économie circulaire du Japon et de la Chine, les différents leviers d'actions publiques sont identifiés sans être précisés dans leurs termes et leurs modalités de mise en oeuvre. Il s’agit au Japon de mesures réglementaires, de campagnes de promotion, d’information et de formation, d'actions volontaires, des achats publics, d’éco-labels (Programme « top runner », EcoMark, EcoLeaf), de soutien technique, d’innovation, de financement d’infrastructures publiques, d’études, d’enquêtes, et de soutiens financiers pour des actions mises en oeuvre par des collectivités locales. Pour la Chine, l’économie circulaire doit être intégrée, comme thématique à part entière dans d’autres plans nationaux/régionaux comme celui en matière de R&D, priorité donnée aux projets de gestion efficace des ressources (notamment importation de technologies, équipements) pour les prêts bancaires, et dans les plans d’investissement, incitations fiscales (impôts sur les sociétés, TVA sur écoproduits, réduction des droits d'importation…), tarification progressive en fonction de l’usage des ressources (eau, électricité…), éco-labels, compensation financière pour récupérer des équipements usagés….
Les achats publics verts sont également mobilisés au service de l’économie circulaire et ce dans les 4 pays étudiés. A noter le cas particulier du Japon qui a adopté une loi spécifique sur les achats verts et l’Etat est supposé montrer l’exemple en matière d’achats de produits recyclés. Un objectif de 50% des collectivités locales et des sociétés cotées déployant d’ici 2015 l’achat vert dans leurs organisations est affiché dans leur deuxième plan économie circulaire.