Un hommage au Peintre oublié à Versailles, Charles de La Fosse
Charles de La Fosse (1636-1716) le triomphe de la couleur, du 24 Février au 24 mai 2015, appartement de Madame de Maintenon au Château de Versailles....
Presque oublié ces deux derniers siècles, le peintre Charles de La Fosse (1636-1716) est pourtant le grand introducteur des idées nouvelles sous le règne de Louis XIV. Son œuvre témoigne de l’évolution de la création artistique, de Charles Le Brun, dont il fut l’élève, à celle d’Antoine Watteau qui fut un ami proche. Auprès de son maître, Charles de La Fosse participe aux grands décors historiques des Tuileries et du château de Versailles.
Formé en Italie, où il demeure cinq années, il embrasse la carrière académique à son retour en France, avec L’enlèvement de Proserpine, son morceau de réception (1673) et devient directeur de l’Académie royale de peinture et de sculpture de 1699 à 1702. Ami de Roger de Piles, il est l’un des tenants du colorisme mêlant à la leçon des Vénitiens celle des Flamands. Il se rend en Angleterre à la demande de Lord Montagu (ancien Ambassadeur d'Angleterre auprès de la cour de France). Rappelé en France par Jules Hardouin-Mansart à la mort de Le Brun en 1690, il se voit confier plusieurs des grandes commandes royales et privées. En peignant la galerie de l'hôtel particulier du financier Pierre Crozat, il côtoie une nouvelle génération d’artistes. L’œuvre de La Fosse est aussi remarquable par les nombreux dessins exécutés par l'artiste, notamment ceux à la technique des trois crayons (pierre noire, sanguine, rehauts de blanc), héritée de Rubens, et repris à son compte par Antoine Watteau.
Le parcours de l’exposition souligne les différentes facettes de son talent qui, puisant ses racines chez les maîtres de l’Académie (Poussin et Le Brun), sait se renouveler au contact de la peinture vénitienne et flamande pour créer une peinture séduisante et légère, aux coloris chatoyants. Favorisant la couleur plutôt que le trait, La Fosse se place comme novateur et précurseur du XVIIIe siècle.
Les Six sections de l'exposition permettent aux visiteurs de retracer la carrière de l'artiste :
• Les commandes pour les Maisons royales (Versailles, Trianon, Marly et Meudon) montrant son grand talent de décorateur.
• Le dessinateur, expert de la technique des trois crayons (pierre noire, sanguine, rehauts de blanc).
• La tradition académique autour de son morceau de réception de 1673 : L’enlèvement de Proserpine.
• Le triomphe du coloris marqué par le goût pour la peinture vénitienne du XVIe siècle et la tentation rubénienne.
• Les commandes pour l'Eglise et pour la Cour.
• Un précurseur du XVIIIe siècle qui marque l’évolution de la création artistique au tournant du siècle et auquel vont se référer les grands artistes du XVIIIe siècle comme Watteau, Lemoyne ou Boucher.
Cette première exposition monographique consacrée à charles de la fosse rend hommage à l'un des créateurs majeurs du décor du château de Versailles qui œuvra aux salons de Diane et d’Apollon, au Grand Trianon et à la Chapelle royale. Elle est l’occasion de mettre en valeur ses grandes compositions, en particulier le plafond d’Apollon, restauré en 2014. Elle présente une quarantaine de peintures et autant de dessins provenant des collections françaises et étrangères, publiques et privées.
L'exposition est organisée en collaboration avec le musée des Beaux-Arts de Nantes, qui présente une exposition Charles de La Fosse, Les amours des dieux du 20 juin au 20 septembre 2015 dans la chapelle de l'Oratoire.
Image : Portrait de Charles de La Fosse André Bouys (1656-1740) Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © château de Versailles, C. Fouin
Clytie changée en tournesol Charles de La Fosse (1636-1716) Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © Château de Versailles, Dist. RMN / © Jean-Marc Manai
Charles de La Fosse, un maître oublié
Charles de La Fosse (1636-1716) connut une longévité peu commune, il vécut quatre-vingts ans et travailla jusqu’aux derniers jours. Sa carrière est indissociable du règne de Louis XIV. Du palais des Tuileries à la Chapelle royale du château de Versailles, il participa à tous les grands chantiers royaux. Nommé directeur de l’Académie royale de peinture et de sculpture, il bénéficiera du soutien sans faille de la famille royale, ce qui renforcera son succès. Ses talents de décorateur et de coloriste lui assurèrent, tout au long de sa vie, de nombreuses sollicitations venant des commanditaires privés les plus prestigieux. Ce travail lui permit d’acquérir la réputation de « meilleur décorateur de son temps ».
La richesse de sa culture visuelle, sa curiosité passionnée pour les maîtres anciens expliquent son évolution stylistique. Il regarda l’œuvre de Poussin, fut proche de Charles Le Brun jusqu’aux années 1680, puis il s’inspira de Titien et de Véronèse. Il fut aussi le premier peintre « découvreur » de Rubens qu’il admira toute sa vie, il s'intéressa enfin à Rembrandt. Il sut capter chez ses modèles des sources de renouveau qui ont fait de lui le peintre le plus novateur de sa génération aux côtés d’Antoine Coypel.
Durant la période dite de transition entre Charles Le Brun et Antoine Watteau, une liberté nouvelle fut acquise à la suite de la « Querelle du coloris » à l’Académie royale de peinture où les rubéniens remirent en cause les règles jugées immuables du Grand Siècle. La Fosse pratiqua une recherche inlassable concernant à la fois la lumière, la palette et la matière picturale. Son style éminemment coloriste, avec l’usage du clair-obscur, des couleurs rompues « qui trompent l’œil », de la composition en un « tout », a indéniablement marqué le début du XVIIIe siècle, comme en témoignent ses liens amicaux et professionnels avec Antoine Watteau.
Sa manière tardive, enrichie de lumières argentées, de putti souriants et d’arbres floconneux, porte en germe les charmes du rococo. Ses mises en page hardies et ses associations de couleurs inattendues ont aidé les peintres de la génération suivante, comme Jean-François de Troy (1679- 1752), François Lemoyne (1688-1737) ou Charles-Antoine Coypel (1694-1752), à trouver leur style. Ils ont pris à leur compte les poses sensuelles, les carnations nacrées et le goût des couleurs chères à La Fosse. Ce dernier aura aussi ouvert la voie au grand décor du XVIIIe siècle français, le plafond de Lemoyne au salon d’Hercule du château de Versailles (1728-1736) en offre un exemple fascinant avec son traitement des figures, sa liberté gracieuse des mouvements, certains visages et sa lumière dorée des carnations.
La « Querelle du coloris » : En 1671, Philippe de Champaigne donne une conférence à l'Académie royale de peinture dans laquelle il réaffirme la suprématie du dessin sur le coloris. Cette intervention ouvre un débat interne à l'institution où s'affrontent partisans de la couleur et défenseurs du dessin. Héritier de Rubens, La Fosse défend la place égale de la couleur au dessin, considérant que la peinture doit s’adresser aux sens plutôt qu’à l’esprit. Sa nomination à la tête de l’Académie en 1699 est considérée comme la victoire des coloristes.
L'Œuvre de Charles de La Fosse à versailles
Charles de La Fosse est un des peintres de Louis XIV dont la carrière se déroule principalement au service du roi. Il bénéficie de bons appuis, celui du Premier peintre du roi, Charles Le Brun, puis celui du surintendant des Bâtiments du roi, Jules Hardouin-Mansart, qui le conduisent à œuvrer, à Versailles, aux décors du Grand Appartement et du Petit Appartement du Roi, et de Trianon pour finir par l'une des deux grandes commandes de la fin du règne du Roi Soleil : la Chapelle royale du Château.
La Fosse a façonné son style à Versailles : dès le salon d’Apollon, il utilise une lumière dorée qui irradie ses compositions, s’autorise les associations de couleurs osées, casse ses plissés, conçoit ses cadrages particuliers avec des figures coupées sur les côtés et rend hommage à la grâce féminine.
Dans les plafonds comme dans les peintures de chevalet, il a apporté un surcroit de variété en s’inspirant de styles divers : il se souvient de la somptuosité des brocarts de Véronèse, des carnations et des blancs-lumière de Titien combinés au rythme des dispositifs de Rubens, sans oublier la belle leçon de dessin de Le Brun.
Il s’est aussi mesuré avec succès à l’art du décor, sachant donner au langage savant de Versailles une légèreté et une ambiance colorée.
Enfin, il y a livré certains de ses chefs-d’œuvre, Le Sacrifice d’Iphigénie, Moïse sauvé des eaux, Clytie changée en tournesol jusqu’à sa dernière œuvre pour le Château, le décor de la Chapelle royale à la fois synthèse des expériences passées et promesse pour le XVIIIe siècle.
LE SALON D'APOLLON - 1674
Le Salon d’Apollon est un des salons les plus somptueux du Grand appartement. Sa destination est prestigieuse : grande chambre du Roi à partir de 1673, il devient la salle du Trône en 1682 lorsque l’appartement est transformé en appartement d’apparat. Le mythe du Roi Soleil, associé à l’image du dieu Apollon prend tout son éclat dans la composition centrale. Le roi, identifié au soleil, domine le rythme des saisons (au centre), des heures (personnages féminins sculptés) et l’univers (les quatre continents dans les écoinçons). Les sujets antiques exaltant la grandeur du prince et l’ordre politique se déploient dans les voussures.
À Charles de La Fosse revient la partie centrale du plafond : le Char d’Apollon. Le quadrige triomphant, guidé par le dieu étincelant de lumière, est entouré des quatre Saisons. Le recours à l’allégorie y souligne la grandeur du roi : la Magnificence et la Magnanimité, portant une robe bleue à fleurs de lys, sont figurées au pied du char du dieu. Le peintre réalise également l’une des voussures :Auguste fait bâtir le port de Misène. Ici, le principal port de la flotte romaine, devient une allusion à celui de Rochefort construit sous les ordres de Louis XIV. L'artiste exécute également deux des écoinçons du salon : L’Amérique et L’Asie.
Gabriel Blanchard (1630-1704) est, quant à lui, l’auteur des trois autres voussures : Coriolan supplié par sa famille d’épargner Rome ; Vespasien fait bâtir le Colisée et Alexandre et Porus ainsi que des deux autres écoinçons, L’Europe et L’Afrique.
La peinture centrale et les voussures sont peintes sur toiles marouflées tandis que les écoinçons sont réalisés directement sur enduit. Le plafond, d’une structure imposante, est compartimenté et délimité par les stucs dorés richement sculptés par les frères Marsy.
Le salon de Diane - 1680
Le salon de Diane servait de vestibule au Grand Appartement du roi et, à l'époque de Louis XIV, de chambre du billard, lors des soirées d’appartement. Deux estrades étaient réservées aux dames qui applaudissaient aux bons coups du souverain, très habile à ce jeu, si bien que ce salon était aussi appelé « chambre des applaudissements ».
Dans l’Antiquité grecque, la déesse de la chasse, Diane, était associée à la lune pour sa froideur. Elle était également la sœur d’Apollon, le dieu du soleil. Les voussures du plafond de la pièce sont ornées de scènes de chasse de héros de l’Antiquité. Ici, l’allusion est transparente car il est bien connu que Louis XIV était un grand chasseur.
La partie centrale du plafond exécutée par Gabriel Blanchard représente Diane présidant à la navigation et à la chasse. Charles de La Fosse réalise, quant à lui, deux voussures mettant en scène Alexandre à la chasse aux lions et Jason et les Argonautes abordant à Colchos. Sur la cheminée, il représente également Le Sacrifice d'Iphigénie.
On peut voir dans ce tableau un hommage à rubens, et plus précisément à la galerie Médicis pour la beauté des carnations et celle des étoffes. Cette dette à l’égard de la peinture flamande, on la perçoit aussi dans la liberté de la composition du groupe central avec la figure tournoyante de Diane, le cadrage des guerriers et des serviteurs, volontairement coupés, et les personnages du fond, juste esquissés. La force des détails et la manière de peindre s’apparentent clairement à celles de Rubens : le pied, cerné de rouge sur le coussin et la diagonale fondamentale du poignard ; de même, l’éclat des coloris tel le blanc lumineux ou les tons miroitants verts et roses de la robe de Diane.
Le Sacrifice d'Iphigénie Charles de La Fosse Versailles musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © Château de Versailles, Dist. RMN / © Christophe Fouin
Le salon des Malachites au Grand Trianon - 1688
Ancien cabinet du Couchant de Louis XIV, ce salon fut plus tard aménagé en chambre à coucher pour la duchesse de Bourgogne. Puis, sous Napoléon Ier, la pièce devint le salon de l'Empereur et reçut le riche mobilier de Jacob-Desmalter, comprenant les sièges en bois doré recouverts de damas cramoisi avec une bordure de brocart d'or et surtout un ensemble de meubles, ornés par les malachites offertes par le tsar Alexandre Ier (deux « bas de bibliothèque » en ébène, une vasque et deux candélabres, le tout enrichi de bronzes dorés).
Charles de La Fosse participa au vaste chantier décoratif du Trianon de marbre, qui s’acheva en 1688. Il peint, pour ce cabinet, consacré au thème du soleil couchant : Apollon et Thétis, (en dessus de cheminée), Le Repos de Diane et Clytie changée en tournesol, qui demeure l’un de ses tableaux les plus séduisants par l’originalité de la composition et la brillance des couleurs.
Apollon et Thétis Charles de La Fosse Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © château de Versailles, C. Fouin
La Chapelle Royale - 1699
La Chapelle royale du château de Versailles a été bénie le 5 avril 1710, après des travaux commencés en 1699. Dédiée à Saint Louis, ancêtre et saint patron de la famille royale, c'est le dernier édifice construit à Versailles sous le règne de Louis XIV. Plus d’une vingtaine de messes et d’offices y étaient célébrés quotidiennement. Jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, le lieu servait de cadre aux cérémonies religieuses de la cour de France : messes de l’ordre du Saint-Esprit, Te Deum pour les victoires militaires, baptêmes et mariages princiers dont le plus célèbre fut celui du Dauphin, futur Louis XVI, et de l’archiduchesse Marie-Antoinette. La tribune principale, au-dessus de l’entrée, était réservée à la famille royale, les tribunes latérales aux princes du sang et aux principaux dignitaires de la cour ; les autres fidèles se tenaient au rez-de-chaussée. L’orgue, conçu par Cliquot et Tribuot, est placé dans la tribune consacrée à la Musique du Roi, située au-dessus du maître-autel, face à la tribune du Roi. Mort en 1715, Louis XIV n’a pas eu longtemps le loisir de profiter du nouveau sanctuaire qu’il avait si longtemps préparé. Néanmoins, il s'agît de son véritable Testament spirituel.
Sur le budget total d’édification (deux millions et demi de livres), près d’un million fut affecté au décor peint et sculpté, réalisé pour l’essentiel entre 1708 et 1710. Les artistes ont travaillé sous la direction des architectes Jules Hardouin-Mansart puis Robert de Cotte, et ont créé un lieu phare de l’art religieux français, où fusionnent architecture, peinture et sculpture, en une forme de manifeste de la foi de Louis XIV.
Les peintures de la voûte représentent les trois personnes de la Trinité : au centre le Père Eternel dans sa gloire apportant au monde la promesse du rachat, par Antoine Coypel, dans le cul de four de l’abside la Résurrection du Christ, par Charles de La Fosse ; au dessus de la tribune du Roi, la Descente du Saint-Esprit sur la Vierge et les apôtres de Jean Jouvenet. Entre les fenêtres hautes, les douze prophètes préfigurent les douze apôtres, représentés aux plafonds des tribunes latérales. Le caractère sacral du souverain français est mis en lumière par la représentation du Saint-Esprit au-dessus de la tribune du roi.
L'œuvre de charles de La Fosse représente un Christ triomphant qui s’élève dans les cieux, accompagné dans la partie droite d’une nuée d’anges. C’est aussi le combat des forces du mal – les soldats en sombre – et du bien – les anges s’élevant dans les cieux, construit comme les Jugements derniers, en particulier ceux de Rubens. Néanmoins, les références italiennes sont toujours présentes Le Corrège et ses grappes d’anges de L’Assomption de la Vierge du dôme de la cathédrale de Parme ou le Titien et son Christ du polyptyque de la Résurrection de San Nazaro e Celso de Brescia. Mais la dette de l'artiste envers Le Brun n’en demeure pas moins prégnante, avec des réminiscences de la Chute des anges rebelles, modello fourni pour la troisième chapelle du château en 1675.
La résurrection du Christ Charles de La Fosse Chapelle royale du château de Versailles © château de Versailles, JM Manai
Informations pratiques
Le château de Versailles en ligne
Retrouvez au quotidien toute l'actualité et les coulisses du Château en images et en vidéos.
www.chateauversailles.fr
Château de Versailles @CVersailles Château de Versailles http://www.youtube.com/chateauversailles
Moyens d’accès au Château depuis Paris
RER ligne C, en direction de Versailles Château - Rive Gauche Trains SNCF depuis la gare Montparnasse, en direction de Versailles - Chantiers Trains SNCF depuis la gare Saint - Lazare, en direction de Versailles - Rive Droite Autobus ligne 171 de la RATP depuis le pont de Sèvres en direction de Versailles Place d’Armes Autoroute A13 (direction Rouen) sortie Versailles-Château Stationnement Place d'Armes.
Horaires d’ouverture
L'exposition est ouverte tous les jours, sauf le lundi : De 9h à 17h30 en basse saison (jusqu'au 31 mars), dernière admission à 17h (fermeture des caisses à 16h50) De 9h à 18h30 en haute saison (à partir du 1er avril), dernière admission à 18h (fermeture des caisses à 17h50)
Tarifs
Exposition accessible avec le billet Passeport ou le billet Château et la carte «1 an à Versailles». Gratuit pour les moins de 26 ans, résidents de l’Union Européenne. Billet Château : 15 €, tarif réduit 13 €. Gratuit pour les moins de 26 ans, résidents de l'Union européenne.
Passeport 1 journée donnant accès au Château, aux jardins, aux châteaux de Trianon et domaine de Marie-Antoinette, aux expositions temporaires : 18€. 25€ les jours de Grandes Eaux Musicales. Passeport 2 jours donnant accès pendant deux jours consécutifs au Château, aux jardins, aux châteaux de Trianon et domaine de Marie-Antoinette, aux expositions temporaires : 25€. 30€ les jours de Grandes Eaux Musicales.