Super Montparnasse, une parure de métal pour la charte de Bernard Zehrfuss, …
La rénovation énergétique des tours d’habitation pose des problèmes spécifiques qui tiennent au nombre de lots, à l’écrasante responsabilité qui repose sur les épaules des conseils syndicaux, à une réglementation particulière concernant, entre autres, l’obligation d’audit énergétique. Entre ce que dit la loi, ce qu’exige la nécessité de réduire consommation d’énergie et émission de gaz à effet de serre, et « la petite idée » qu’a chaque copropriétaire dans chaque copropriété, il faut tracer le bon chemin.
Un chemin sans certitude, qui se trace au fur et à mesure de la marche. Pour Super Montparnasse, à Paris, un bout du chemin a été parcouru. La copropriété Super-Montparnasse s’est lancée dans un chantier de rénovation thermique d’une envergure remarquable.
Un modèle du genre faisant figure d’exemple pour inciter d’autres copropriétés à se lancer dans des travaux de rénovations énergétiques.
La tour résidentielle Super-Montparnasse, 30 étages sur rez-de-chaussée, a été construite en 1968 et est constituée uniquement de propriétaires privés.
Depuis une vingtaine d’années, la copropriété subit une dégradation de sa façade. En effet, en 1992 des parties du revêtement en pâtes de verre ont chuté et des travaux ont été effectués sur les parties endommagées. Des désordres se sont produits sur d’autres zones quelques années après. Etant donné qu’un ravalement de la totalité de la tour était devenu indispensable, la copropriété a souhaité se lancer dans une rénovation globale, afin d’habiter un immeuble en bon état, confortable tout en maîtrisant ses charges énergétiques.
Ce projet a débuté il y a 5 ans et voit son aboutissement aujourd’hui avec l’engagement des travaux.
L’implication de toutes les parties prenantes, syndic, conseil syndical, Agence Parisienne du Climat, maitrise d’œuvre (architectes et bureau d’études,) les aides financières qui pouvaient être obtenues, ainsi que la forte communication présente tout au long du projet via les supports traditionnels ou innovants, comme la maquette numérique du bâtiment en 3 dimensions, ont contribué à l’engagement d’une enveloppe d’environ 5 millions de travaux.
Image : © Jean Biaugeaud, © Fonds Bernard Zehrfuss. Académie d'architecture/Cité de l'architecture & du patrimoine/Archives d'architecture du XXe siècle
PREPARATION
Dès 2008, le conseil syndical s’intéresse de près à ses consommations énergétiques, et se préoccupe de plus en plus de trouver une solution durable à la chute des morceaux de pâte de verre. Après sa rencontre fin 2008 avec un conseiller Info-Energie au Salon de la Copropriété, le conseil syndical décide de réaliser le bilan énergétique simplifié des consommations énergétiques de la copropriété et met au vote l’audit énergétique l’année suivante.
AUDIT ENERGETIQUE
L’Audit énergétique est voté en février 2009 et réalisé par le BET Paziaud Ingénierie en 2010.
Coûts : 11 662 € TTC dont 6 860 € (soit 70% du coût HT) de subvention de l'ADEME, de la Ville de Paris et la Région IDF dans le cadre du dispositif « Copropriétés : Objectif Climat ! »
4 802 € restants à la charge de la copropriété soit 18 € / logement en moyenne. L’audit énergétique de la copropriété a permis d’étudier les consommations énergétiques et de repérer les déperditions les plus importantes du bâti.
Trois scénarios principaux de travaux ont alors été proposés par le maître d’œuvre, en priorisant les travaux portant sur l’isolation des façades et le remplacement des fenêtres simple vitrage, privatives et collectives, qui représentent à eux deux environ 80% des déperditions du bâtiment.
Le scénario vers lequel la copropriété a alors choisi de s’orienter concerne l’isolation des murs extérieurs et le remplacement des fenêtres.
Les consommations calculées pour ce scénario, ainsi que l’état initial, sont les suivantes :
Avant : CEPTHCE-EX = 170 kWh/m2SHON.an ou CEPDPE = 206 kWh/m2SHAB.an
Après : CEPTHCE-EX = 104.6 kWh/m2SHON.an ou CEPDPE = 115 kWh/m2SHAB.an
Où CEPTHCE-EX représente la consommation obtenue grâce à la méthode réglementaire tandis que CEPDPE représente les consommations équivalentes à l’étiquette DPE.
Cette étude thermique n’est qu’in volet du projet qui a été complétée et consolidée par les études de la maitrise d’œuvre (Architecture Pelegrin et Lair&Roynette Architecture) portant sur une requalification architecturale et globale, du bâtiment (thermique, acoustique, sécurité, qualité de l’air...).
MOBILISATION DES COPROPRIETAIRES / COMMUNICATION
Entre le début de l’audit et le vote de la maîtrise d’œuvre, du temps a volontairement été pris pour permettre aux copropriétaires de s’informer de manière à ce qu’ils puissent s’approprier le projet.
Depuis ce moment, le projet a été évoqué régulièrement auprès des copropriétaires à chaque réunion ou AG.
En 2012, une AG Extraordinaire a été mise en place pour informer les copropriétaires de la poursuite du projet et voter le cahier des charges des fenêtres.
Tout au long du projet, des informations sur l’avancement du projet sont transmises aux copropriétaires et locataires, que ce soit sous forme de panneaux dans le hall de l’immeuble ou de documents déposés dans les boîtes aux lettres.
Depuis environ un an, des panneaux d’information sont présents dans le hall d’entrée de la tour : projet (voir annexes), planning de travaux synthétique et détaillé. A cela ont été rajoutées des informations sur les aides financières liées au projet de rénovation quelques semaines avant l’AG du vote des travaux.
Une « boîte à questions » est présente dans le hall de l’immeuble depuis environ un an pour permettre à tous les occupants de s’exprimer librement et faire ainsi remonter au Conseil Syndical les questions en amont de l’AG.
PHASE TRAVAUX
Le choix de la maîtrise d’œuvre ne s’est pas effectué par un concours d’architectes mais par une mise en concurrence sur les références, qualifications, moyens et méthodologie proposée pour effectuer la mission. Tenant compte des enjeux techniques, culturels et urbanistiques du projet, il était demandé que le mandataire de l’équipe soit un architecte.
Vote de la maîtrise d’œuvre en 2010
Une enveloppe de 100 000€ a été votée à l’AG de février 2010 pour permettre au conseil syndical de choisir le Maître d’œuvre. Architecture Pelegrin et Lair&Roynette Architecture ont été missionnés pour la phase conception du projet de rénovation énergétique, fin 2010.
Etude conception 2011 – 2013
A partir de début 2011, l’équipe de maîtrise d’œuvre, François Pelegrin et Philippe Lair, commence à travailler sur le projet.
En 2012, François Pelegrin et Philippe Lair ont déposé le dossier du projet aux Architectes de Bâtiment de France, l’architecte voyer, l’association du Vieux Paris et celle du patrimoine du 20ème siècle.
Le cabinet de géométrie Pierre Bloy s’est occupé d’établir quelques plans manquants. Une fois que le projet a été voté en Assemblée Générale, en novembre 2012, la maîtrise d’œuvre a commencé à travailler sur le projet, a consulté les entreprises
La consultation des entreprises est lancée à la suite à l’Avant-Projet Définitif, durant l’été 2013 et les offres étudiées à partir de septembre.
Travaux votés en mars 2014
Quelques semaines avant l’AG, le Conseil Syndical a organisé une rencontre avec la conseillère de l’APC et les copropriétaires dans le hall de l’immeuble afin de répondre aux questions sur le projet de rénovation, et les aides financières de chacun.
La copropriété a donc décidé de procéder à une requalification architecturale et thermique, globale pour résoudre le problème de la détérioration des façades et assurer la maitrise des consommations d’énergie et des charges.
Montant global des travaux
· Coût :4 939 374 € TTC
· Quote-part moyenne : 18 290 € TTC/lot IsolationThermique par l’Extérieur (ITE) des façades 20 cm de laine de roche sous bardage ventilé à ossature métallique. La surface totale des façades isolées est de 7 787 m2.
· Coût : 3 256 919 € TTC (dont 450 000€ TTC pour l’installation de chantier/échafaudage)
· Économies (selon audit Paziaud) : 109 000 € TTC/an
Amélioration de la Ventilation (VMC) : mise en place d'un système de ventilation hygroréglable de type B avec remplacement des moteurs des caissons par des moteurs à basse consommation et remplacement des bouches d’extraction dans les logements.
· Coût : 81 274 €TTC Remplacement des fenêtres communes et privatives : châssis aluminium 4-20-4 avec lame d'argon et rupture de ponts thermiques.
· Coût : 1 125 395 €TTC
· Économies (selon audit Paziaud) : 118 000 € TTC/an
Mise en place des façades témoin (septembre 2014)
L’installation de la façade témoin a débuté en juillet 2014 et le chantier a été entamé en décembre 2014 pour une fin envisagée en décembre 2015.
Ces témoins visaient 2 objectifs : atteindre la qualité et la performance d’intervention des professionnels et présenter un démonstrateur pour les occupants.
Deux pans de façades ont été « isolés » en partie durant le mois de septembre 2014. Ces façades formant un coin entrant ont été mises en place à des fins d’étude : l’architecte et l’entreprise d’isolation ont pu travailler ensemble sur ces façades témoin afin de « s’entraîner » et d’être prêts lors du démarrage du projet.
Ce temps d’entraînement avant le réel démarrage des travaux (novembre 2014) avait également pour but de montrer aux copropriétaires les conditions réelles de travaux et l’impact que cela génère ainsi que le résultat prévisionnel.
3 appartements témoins
Trois appartements témoin ont été mis en place : les fenêtres et bouches de ventilation ont été changées en septembre 2014, ils ont également fait l’objet de démonstration pédagogique pour les habitants.
LA MAQUETTE NUMERIQUE DU BATIMENT, UNE AIDE A LA CONCEPTION ET A LA DECISION
Le BIM (Building Information Modeling) est une maquette numérique du bâtiment en trois dimensions. Il recueille donc de nombreuses informations sur le bâtiment : la géométrie de la construction, les relations spatiales, les quantités et propriétés des éléments de construction, etc.
· Sujet porté principalement par le cabinet Architecture Pelegrin sur le secteur de la copropriété à Paris
· Support et outil de travail facilitant le dialogue avec la maitrise d’ouvrage et entre les professionnels
François Pelegrin, parle de « Bouleversement Interprofessionnel Majeur », considérant que cette technologie va révolutionner la pratique et le mode d’élaboration des projets architecturaux. Il utilise cet outil de travail depuis de nombreuses années et la rénovation de la tour Super-Montparnasse était une nouvelle occasion pour le mettre en pratique.
Une bonne collaboration de la maîtrise d’œuvre
L’utilisation de cette technologie possède de multiples avantages. Mémoire du bâtiment et des travaux réalisés ; le recollement exhaustif des données implique certes du temps à la mise en place mais une fois effectuée, c’est un gain de temps considérable pour assurer la suite. Une fois que les données techniques et architecturales sont intégrées dans la maquette, les professionnels peuvent continuer à l’enrichir.
Les professionnels peuvent par ailleurs investir ce gain de temps dans l’optimisation du projet (aspect technique, économique, énergétique...). De plus, cela facilite la consultation des entreprises pour le chiffrage des travaux, ainsi que la gestion de chantier (préparation, simulation de l’avancement...). Lors de la réception des travaux, cela permet aussi d’évaluer le respect de la prescription. La maquette numérique devient donc un outil de travail collaboratif, de médiation et de langage commun entre les acteurs de la maîtrise d’œuvre.
La maquette numérique agit comme une préfiguration de la carte vitale du bâtiment, car elle intègre toutes les interventions effectuées dans la construction au fil des années. Ainsi, le maître d’ouvrage exploitant hérite d’une base de données très complète, grâce à laquelle il peut connaître à la perfection tout l’historique du bâtiment.
Dans le cadre d’un projet de rénovation, la maquette numérique permet donc de montrer l’état initial du bâtiment et l’évolution des travaux.
Pour la rénovation de la tour Super-Montparnasse, la maquette a servi par exemple à situer l’emplacement de chaque type de fenêtre, choisie par les copropriétaires. Une nomenclature très précise référençant 16 types d’ensembles de fenêtres a été élaborée avec l’entreprise En effet, les copropriétaires demandaient à avoir un éventail de possibilités dans le choix des fenêtres : ce changement devait donc être identifié au cas par cas et la maquette numérique a été un support extrêmement utile et efficace pour ce faire.
Un outil très pédagogique pour les copropriétaires
L’architecte s’est appuyé sur la maquette à chaque réunion avec le conseil syndical pour expliquer le déroulement des travaux.
Elle permet de parler à chacun individuellement en localisant précisément le logement sur la tour.
Cet outil pédagogique a permis aux copropriétaires de se faire une représentation plus exacte du projet à la fois individuelle et collective, notamment lors de l’Assemblée Générale de mars 2014 durant laquelle a eu lieu le vote des travaux. Cette représentation mène à une bonne compréhension et donc à une meilleure concertation sur le projet. Grâce à sa précision et à sa fiabilité la maquette numérique en 3D génère de la transparence et donc de la confiance, ce qui est la force du projet et un aspect indispensable pour l’adhésion des copropriétaires.
L’architecte s’est étonné de ne pas voir de réaction de la part des copropriétaires à la démonstration de l’outil. La représentation en 3D fait aujourd’hui partie du quotidien de l’habitant et cet outil pédagogique confirme ainsi sa pertinence. Cela n’en reste pas moins une innovation importante dans la pratique professionnelle.
Fiche d’identité de la copropriété Super-Montparnasse
Immeuble de Grande Hauteur d’habitation (IGH-A soumise à une réglementation stricte de
sécurité incendie)
Nombre de lots : 270
Nombre d’étages : 30 sur rez-de-chaussée
Année de construction : 1968
Typologie du bâti : 1945-1967
Nombre total de copropriétaires : 249
Nombre de copropriétaires occupants : 178
Nombre de copropriétaires bailleurs : 87
Composition de la copropriété : hétérogène, avec une proportion importante de retraités
Usage : Résidentiel collectif
Type de chauffage : Chauffage urbain
Année de rénovation : 2014
Projet de rénovation BBC : 4.9 M€
Subvention « Copropriété Durable » : 400 000€
Immeuble en béton armé (poteaux, refends, planchers, loggias), 80% de fenêtres en simple vitrage, peu étanche.VMC simple flux avec 9 extracteurs.
La typologie des appartements : 73 studios, 103 deux pièces, 60 trois pièces, 22 quatre pièces et 12 cinq pièces.
LES INTERVENANTS DU PROJET
· Maitre d’ouvrage :
Conseil syndical de la copropriété, avec en particulier sa présidente Tania Seitanidou. .
· Syndic Le Terroir
· Agence Parisienne du Climat :
- Préparation du projet : Réalisation d’un bilan énergétique simplifié, production de document préparatif aux réunions/AG, préparation au vote de l’audit énergétique, orientation vers des Bureaux d’études thermiques, analyse des devis.
- Audit énergétique : obtention de la subvention « Copropriétés : Objectif Climat ! », analyse audit, aide au choix du programme pluriannuel de travaux afin de viser le niveau BBC intégrant l’ITE, remplacement des fenêtres et ventilation.
- Consolidation du projet : analyse technique du programme de travaux, recherche d’aides financières, mobilisation des CEE, accompagnement au montage du dossier « Lutte contre la précarité énergétique et sociale ».
- Réalisation des travaux : suivi des consommations
· Bureau d’Etude Thermique : PAZIAUD Ingénierie a réalisé l’audit énergétique.
· Maîtrise d’œuvre : ARCHITECTURE PELEGRIN et LAIR&ROYNETTE, cabinet associé. Pour l’architecte François Pelegrin, plusieurs enjeux importants sont présents dans ce projet de rénovation :
- Un immeuble de grande hauteur et des contraintes règlementaires qui lui liés notamment en matière de sécurité ; - Un volet patrimonial important pour cette tour réalisée par l’architecte Bernard Zerhfuss « grand prix de Rome » ;
- Passer d’une passoire énergétique, l’immeuble des années 70 étant par excellence « l’anti-exemple de l’efficacité énergétique », à un bâtiment rénové BBC.
François Pelegrin et Philippe Lair ont donc effectué plusieurs démarches administratives auprès des Architectes de Bâtiments de France, de l’association du Vieux Paris, de l’association Patrimoine XXe siècle, de l’architecte voyer de la ville de Paris et des ayants droits de Bernard Zehrfuss. Une fois les premières étapes de la conception réalisées, le maître d’œuvre a lancé la consultation des entreprises qui effectueront les travaux par la suite. Les travaux commencés, et jusqu’à leur terme, le maître d’œuvre assure le suivi du chantier.
· Entreprises : Isolation : LUCAS REHA Changement des fenêtres : NORBA Ventilation : SAMOA
FINANCEMENT DU PROJET
ANAH :136 555€
ADEME :100 000€
REGION : 300 000€
FONDS PROPRES : 4 402 819€
TOTAL : 4 939 374€