Produire 2.000 TWh/an avec 500 GW à un coût compétitif avec la Marélienne
François Lempérière, spécialiste de l’hydroélectricité de renommée mondiale a construit une vingtaine de barrages, notamment sur le Rhône, le Rhin ou le Nil, et présidé la commission économique de l’International Commission on Large Dams (Icold).
Parmi ses multiples innovations, on compte celle du concept de marélienne. Des semi-barrages, adossés à la côte pour minimiser les impacts environnementaux, dotés de nombreuses passes dans lesquelles on installerait des rangées d’hydroliennes. Ces “jardins d’hydroliennes” permettraient alors aux machines d’opérer dans un courant de vitesse à peu près constant huit heures sur douze, tout en conservant à la côte le régime et les niveaux naturels des marées. Cette solution, plus souple que les grands barrages marémoteurs, pourrait s’adapter à de très nombreux sites au marnage naturel faible.
Aussi, les maréliennes ne seraient pas néfastes pour l’environnement car elles maintiendraient le régime des marées et réduiraient de beaucoup les vagues et la sédimentation dans le lagon artificiellement créé. « Cette idée, qui a émergé il y a seulement un an, est encore peu étudiée, mais elle constitue une piste intéressante pour l’avenir », estime Yann-Hervé de Roeck, directeur général de France Énergies Marines.
Détail sur une énergie prometteuse :
Le potentiel théorique mondial de l’Energie des Marées et celui de l’Hydroélectricité traditionnelle sont voisins, au-dessus de 20.000 TWh/an.
L’hydroélectricité produit 3.500 TWh/an avec 1.000 GW.
L’énergie des marées produit 1TWh/an avec 0,5 GW.
Une nouvelle solution pourrait produire 2.000 TWh/an avec 500 GW à un coût compétitif, avec des impacts meilleurs que ceux de l’hydroélectricité.
L’utilisation spécifique des hydroliennes à partir de grands bassins justifie un nom spécifique qui peut être celui de « Maréliennes ». Un chenal ouvert sur la mer est clos latéralement par des digues sous faible charge (fig. 6) et peut être fermé coté mer par des vannes semblables aux grandes vannes de barrages. Pendant une demi-marée de 6 heures, les vannes sont fermées environ 2 heures puis le chenal est ouvert 4 heures avec un débit constant, c’est-à-dire avec une vitesse optimale pour les Maréliennes fixée à priori à 3 ou 4m/s.
On peut maintenir cette vitesse constante en faisant varier le temps d’ouverture (plus long en vives eaux), le nombre de chenaux ouverts (plus faible en morte eau) le nombre d’éoliennes en service dans un chenal en fonction de la dénivelée entre mer et bassin et l’ouverture des vannes.
Production
Elle peut être estimée graphiquement, par exemple pour une marée moyenne avec écoulement régulier pendant 4 heures du volume stocké proche de 0,9 x S Hm, Hm étant le marnage (m) et S la surface du bassin en kmÇ. La charge est en moyenne proche de 0,35Hm ; on a admis une perte d’énergie de un tiers dans le chenal et pour le rendement des turbines ; d’où une production en KWh par demi-marée de :
(0,67 x 106 x S x 0,9 Hm x 0,35 Hm x g)/3,600
et pour 2 x 705 demi-marées par an, une production théorique en GWh/an un peu supérieure à 0,8 SHmÇ. Les Maréliennes produisent l’équivalent de moitié du temps à pleine charge. Cependant, pour tenir compte d’une certaine flexibilité, on peut admettre une production en GWh/an limitée à 0,7 SHmÇ par une puissance installée en MW de 0,2 S HmÇ. La production admise équivaut à 3.500 Heures/an à pleine charge alors qu’elle est en théorie de plus de 4.000 heures.
La production en vives eaux est à peu près un tiers de plus qu’en marée moyenne, la production en morte eau un tiers de moins.
Mode de construction :
La solution usuelle pour les sites importants semble devoir être basée sur des méthodes navales.
• Caissons préfabriqués pour brise lames et piles supports de vannes (fig.7)
• Remblais en eau calme par grandes dragues marines.
• Pose en eau calme des Maréliennes.
En dehors de l’économie cette méthode de construction permet un délai global de 6 ou 7 ans pour la mise en service (dont 2 ans d’installations) même pour de très grands sites car on peut réaliser simultanément plusieurs grands chantiers indépendants.
Les travaux complémentaires de STEPs, fermes éoliennes, aménagements divers peuvent être réalisés ensuite en eau calme
Coût des Maréliennes
Le cout comporte essentiellement trois parties : les Maréliennes, les chenaux, la digue principale.
• Le coût au kW de fabrication en serie d’une Marélienne sera inférieur à celui d’une éolienne, les pales étant 5 fois plus courtes à puissance égale ; La mise en place et le raccordement sont du même ordre de cout. Mais une Marélienne opère 3 500 heures au lieu de 2 000 heures pour une éolienne dont le cout total est proche de 70 €/MWh. Un coût de 40 €/MWh parait réaliste pour les Maréliennes elles-mêmes. Il peut se réduire avec une fabrication mondiale standard très importante.
• Le coût des chenaux (digues, bétonnage du fond, vannes) est de l’ordre de 500 €/kW moins de 15 €/MWh, beaucoup plus faible au MWh que celui du génie civil de Groupes Bulbes.
• La longueur et le cout de la digue principale sont naturellement très variables.
Pour de grands sites ou des topographies favorables, la longueur de digues est de 2 à 4 km par TWh annuel et le coût de 15 à 30 €/MWh.
• Le coût total semble généralement entre 60 et 100 €/MWh comparable à celui de l’hydroélectricité, moitié du coût d’utilisation des Groupes Bulbes.
Potentiel mondial
Un avantage capital des Maréliennes est que le cout par MWh lié aux Maréliennes et à leur chenal est pratiquement indépendant du marnage. On peut donc équiper des sites de marnage aussi faible que 3 m pourvu que le cout de la digue principale soit acceptable : c’est le cas de grands sites ou de topographies favorables.
Le potentiel mondial réaliste et le nombre de pays concernés sont donc très supérieurs à ce qui était admis dans le passé.
Le potentiel est surtout limité par la profondeur de la mer mais cette profondeur est inférieure à une vingtaine de m jusqu’à 30 km de la cote sur des dizaines de milliers de km avec des marées supérieures à 2 m : on peut produire 0,1 GWh par km de littoral avec une marée de 2,5 m!
Le potentiel mondial réalisable économiquement semble supérieur à 5.000
TWh/an : en réaliser 2.000 paraît réaliste.
Ce potentiel est en France supérieur à 200 TWh/an sur la Manche et l’Atlantique.
L’équipement de 100 TWh/an avec 30 GW paraît réaliste avec une longueur totale de digues de 200 km.
Les impacts
Ils doivent être étudiés pour des projets modernes tenant compte de l’environnement, c’est-à-dire de grands bassins exploités dans les 2 sens.
Les impacts doivent être comparés à ceux des autres énergies renouvelables, à énergie égale.
Les impacts visuels sont ceux de digues de 10 m à 10 ou 20 km de la côte avec peu de raccords à terre (fig.6). Ils sont beaucoup plus faibles que ceux des autres
énergies renouvelables.
Les projets maintiennent à la côte le régime des marées et y réduisent beaucoup les vagues et la sédimentation. Le passage des poissons dans les chenaux et les Maréliennes à 3 ou 4 m/s ne devrait pas entraîner de forte mortalité.
Il n’y a pas de déplacement de population et les retombées locales sur l’emploi et l’économie sont à l’échelle de très fortes productions électriques.
Les impacts indirects
Les digues et les grands lacs payés par l’électricité produite permettent suivant les pays et les sites :
• Le développement du tourisme et de l’aquaculture.
• L’implantation très économique de grandes fermes éoliennes.
• La création de plateformes industrielles le long de la digue à 20 km en mer avec accès terrestre et ports économiques à grands tirant d’eau (fig. 9).
• La protection du littoral.
• Le stockage d’énergie.
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