D’Ouarzazate à Abu Dhabi en passant par Ghisonaccia, le solaire thermodynamique français commence à percer…
Même si Areva a arrêté son activité dans la filière thermodynamique en août 2014, les entreprises françaises commencent leurs avancées à l’échelle internationale. Manquant cruellement de démonstrateurs industriels, les entreprises françaises tentent de façooner une véritable vitrine technologique.
En 2009, le Maroc a défini un programme national qui vise à couvrir 42 % de ses besoins électriques à partir d’EnR avec un développement du solaire thermodynamique pour une puissance de 2 000 MW. En 2014, la construction de la première centrale solaire thermodynamique du pays, baptisée “Noor 1”, a commencé. Elle devrait être mise en service en août 2015, près de Ouarzazate. La centrale avec capteurs cylindro-paraboliques possède une puissance de 160 mégawatts (MW) et une capacité de stockage thermique de 3 heures. D’un montant de plus de 600 millions d’euros, elle est construite par un consortium mené par le groupe saoudien ACWA Power. Elle représente le point de départ d’un projet de grande ampleur. En effet, le royaume entend disposer à terme de cinq parcs solaires, le premier étant celui de Ouarzazate, aux portes du Sahara, dont la capacité est estimée à 500 MW, soit l’un des plus importants projets au monde. Les centrales thermo-solaires “Noor 2” (de 150 à 200 MW de puissance prévue), avec des miroirs cylindro-paraboliques, et “Noor 3” (100 à 150 MW), avec des centrales solaires à tour, doivent entrer en construction début 2015. EDF et Alstom font partie d’un consortium préqualifié pour la construction de “Noor 3”. Les résultats de l’appel d’offres devraient être connus début 2015.
Malgré l’annonce faite en août 2014 de l’arrêt de son activité dans le solaire thermodynamique, Areva a achevé la construction de chantiers engagés. C’est ainsi que fin novembre, Areva Solar a achevé en Inde la réalisation d’une centrale de 125 MW à partir de miroirs Fresnel. Ce projet marque une étape dans le développement de la technologie Fresnel, fortement développée par la France, comme le souligne Marc Benmarraze, président-directeur général de Solar Euromed : « Cette centrale de grande envergure et celle de Novatec en Espagne, de 30 MW, prouvent que la technologie Fresnel n’est plus émergente, mais bien une technologie fiable et validée. C’est un argument déterminant pour les financeurs. » La France possède un autre poids lourd dans le secteur énergétique : le groupe Alstom. Il a fondé le développement de sa filière solaire thermodynamique sur le sol américain, en partenariat avec l’entreprise étatsunienne BrightSource Energy. L’expérience d’Alstom en matière de solutions intégrées pour centrales électriques et d’équipements majeurs pour la production d’électricité (notamment les turbines à vapeur ou les générateurs solaires de vapeur) s’associe aussi à la technologie de tours solaires de BrightSource. Les deux entreprises ont décidé d’étendre leur partenariat à l’Inde et l’Australie, deux pays où les conditions d’ensoleillement conviennent parfaitement à la technologie de tours solaires.
Le pétrolier Total s’est pour sa part associé, via un consortium, au spécialiste espagnol Abengoa Solar et à l’entreprise Masdar pour la construction d’une centrale solaire à concentration de 100 MW à Abu Dhabi. L’inauguration a eu lieu en mars 2013.
En 2014, la PME Solar Euromed a remporté un chantier d’1 MW en Jordanie. Cette centrale pilote permettra l’implantation de la technologie française au Moyen-Orient. La centrale devrait être opérationnelle en avril 2016.
En France, depuis avril 2014, la construction du premier démonstrateur a débuté en Corse, à Ghisonaccia. Lauréate du premier appel d’offres de la CRE sur les installations solaires de plus de 250 kW, Alba Nova 1 possède une puissance de 12 MW, l’équivalent de la consommation électrique de 10 000 habitants en Corse. Elle devra faire la démonstration des performances de la technologie Fresnel développée par l’entreprise Solar Euromed.
La construction clés en main de la centrale est confiée à Habtoor Leighton Specon (HLS), groupe international qui emploie plus de 5 000 personnes et propose des solutions intégrées dans les domaines de l’énergie, de l’infrastructure et de l’industrie. « Nous sommes en attente de la clôture du financement. Sur les 60 millions d’euros, 85 % sont sécurisés. L’actionnaire majoritaire est le groupement HLS-Solar Euromed associé à la Caisse des Dépôts. Nous avons également été soutenus par BPI France et la Banque européenne d’investissement. Le raccordement EDF devrait se faire au plus tard en 2017 », indique Marc Benmarraze, P-DG de Solar Euromed. La mise en service devrait débuter fin 2015. Cette référence de taille industrielle constitue une étape majeure dans le développement de l’industrialisation et de la commercialisation de la technologie Solar Euromed.
Principe du solaire thermodynamique :
Le solaire thermodynamique est l’une des valorisations possibles du rayonnement solaire direct. La technologie consiste à concentrer le rayonnement solaire pour chauffer un fluide à haute température (entre 200 et 500 °C) et produire de l’énergie valorisée sous forme d’électricité, de froid, de chaleur industrielle ou dans des applications plus spécifiques comme le dessalage d’eau de mer.
Un des avantages notables du solaire thermodynamique est le fait de pouvoir produire de l’électricité en continu grâce aux systèmes de stockage thermique auxquels il peut être associé. Cela permet de couvrir des pics de consommation situés après le coucher du soleil, point qui est essentiel pour les pays intéressés par le développement de ce type de centrales sur leur territoire. Avec cette possibilité de production en continu, le solaire thermodynamique se distingue alors des énergies renouvelables intermittentes et peut ainsi devenir leur complément plutôt que leur concurrent. L’autre avantage est l’hybridation. Le principe de l’hybridation est d’associer une centrale solaire à une autre source de chaleur issue d’énergie fossile ou de la biomasse, garantissant ainsi une production continue. Cela peut permettre des systèmes de cogénération (production simultanée d’électricité et de chaleur) qui peuvent améliorer la rentabilité des projets. L’hybridation permet ainsi de disposer de capacités fermes, prédictibles, et non de capacités uniquement relatives, reposant sur le taux et la qualité de l’ensoleillement.
Les centrales solaires thermodynamiques recouvrent une grande variété de systèmes disponibles tant, au niveau de la concentration du rayonnement que du choix du fluide caloporteur ou du mode de stockage.
1 Les héliostats et centrales à tour : des centaines, voire des milliers de miroirs (héliostats) équipés d’un système de suivi du soleil (2 axes de rotation) concentrent les rayons du soleil sur un récepteur central placé au sommet d’une tour.
2 Les collecteurs à réflecteurs linéaires de Fresnel sont composés d’une succession de miroirs plans qui suivent la courbe du soleil (1 axe de rotation) et redirigent les rayons sur un tube absorbeur (récepteur). L’utilisation de réflecteurs non incurvés permet d’abaisser considérablement le coût, comparativement aux collecteurs cylindro-paraboliques, malgré un rendement inférieur.
3 Les disques paraboliques, en forme d’assiette, suivent la course du soleil (2 axes de rotation) et concentrent les rayonnements vers un récepteur situé au point focal de la parabole. Au point focal se trouve une enceinte à l’intérieur de laquelle un gaz entraîne un moteur Stirling. Peu d’industriels dans le monde portent cette technologie.
4 Les réflecteurs cylindro-paraboliques, miroirs en forme d’auge, concentrent les rayons du soleil vers un tube (récepteur) placé sur la ligne focale.