Bye bye l'euro... France 5 le 17/02/2015 à 20h40
Et si la France sortait de la zone euro ? Au travers d’un documentaire fictif au format résolument original et d’un débat en plateau, animé par Marina Carrère d’Encausse, France 5 invite les téléspectateurs à une réflexion globale sur les répercussions politiques, économiques et sociales en cas de sortie de la France de la monnaie commune. Entretiens avec des personnalités politiques de premier plan (François Baroin…), des dirigeants d’institutions bancaires ou financières, des économistes (Jacques Attali, Jacques Sapir…), des chefs d’entreprises (Michel-Edouard Leclerc…), témoignages de simples citoyens… Bye bye l’euro raconte avec crédibilité les conséquences concrètes d’une telle décision pour les finances publiques, les marchés et la vie quotidienne des Français.
Entretien avec Ella Cerfontaine, la réalisatrice du documentaire
Comment est née l’idée d’un documentaire fictif sur un tel sujet ?
Ella Cerfontaine : C’est la forme du documentaire fictif qui m’a semblé la plus à même pour traiter cette problématique. Ça s’est fait de façon assez naturelle. J’adore l’économie, mais c’est une matière austère qui peut rebuter ; pour autant, Simone Harari, ma productrice, et moi-même considérons qu’il est important que les citoyens soient informés. C’est vraiment une mission du service public. Aujourd’hui, en France, et dans d’autres pays de la zone euro, certains préconisent de sortir de la monnaie européenne. Cette question fait l’objet de nombreux débats entre experts, assez techniques et idéologiques, qui laissent les téléspectateurs, les Français en général, un peu sur le carreau. Moi, ce qui m’intéressait, c’était de savoir non pas ce que prédisent les économistes, mais ce que feraient réellement le retraité, la jeune travailleuse célibataire, le patron d’une entreprise du Cac 40, l’artisan, le banquier… dans une telle situation. Cueillir à chaud les réactions de tout ce qui fait le tissu économique français pour mieux donner à voir les impacts concrets sur la vie quotidienne. Le documentaire fictif permet donc d’aborder frontalement cette question : « Que se passerait-il si la France sortait de l’euro ? », et sa forme est plus accrocheuse, plus pédagogique. Il sort du débat d’experts et amène, je l’espère, le grand public à s’y intéresser.
Pourquoi avoir choisi l’Italie comme point de départ du film et pas un autre pays ?
E. C. : Pour plusieurs raisons. Je ne voulais pas que ce soit une décision politique (un nouveau gouvernement qui déciderait de sortir de l’euro) ; je ne voulais pas non plus que ce soit un pays comme la Grèce ou le Portugal, pour lesquels les instances de la zone euro avaient déjà engagé des plans de sauvetage. Il me fallait imaginer un choc financier, une déflagration, qui comporte un véritable risque de faire basculer l’ensemble de la zone euro. Il fallait aussi que l’hypothèse de départ soit crédible, possible (pas forcément probable). Au moment où je préparais mon documentaire, le système bancaire italien était dans le viseur des tests de résistance de la Banque centrale européenne. J’ai imaginé la faillite du système bancaire italien comme le début du ricochet.
Comment avez-vous persuadé les principaux intervenants de jouer le jeu ?
E. C. : Ç’a été très compliqué. Un tel exercice de projection, d’imagination n’est pas facile. Je pense que tous ceux qui ont accepté de témoigner ont, comme moi, une véritable envie d’être pédagogues sur le sujet. Je leur suis reconnaissante de m’avoir fait confiance. La forme même du documentaire fictif demande de beaucoup plus « s’engager » en quelque sorte. J’ai demandé à mes interlocuteurs de me dire ce qu’ils feraient s’ils étaient confrontés à une telle situation, quels comportements ils adopteraient, quelles décisions ils prendraient.
Comment avez-vous procédé ?
E. C. : J’ai travaillé comme pour n’importe quel sujet. Dans le cas du gestionnaire de patrimoine, par exemple, j’ai fait appel à un professionnel, je lui ai demandé s’il acceptait d’être filmé en entretien avec une cliente et je lui ai soumis l’hypothèse de la sortie de l’euro. C’est à la fois de la fiction, puisque l’événement n’a pas eu lieu, et en même temps extrêmement réel, puisque je ne lui ai donné aucune consigne et lui ai juste demandé d’imaginer la situation et de raconter ce qu’il conseillerait à sa cliente pour protéger son patrimoine. Je me suis aussi référé à des faits qui se sont déroulés auparavant dans d’autres pays : la fuite des capitaux de la banque Northern Rock, la crise en Argentine, la très récente dépréciation du rouble… Tout cela m’a donné des idées pour des petites saynètes de la vie quotidienne.
Le scénario du film est-il envisageable dans un futur proche ?
E. C. : Ce documentaire raconte ce qu’il se passerait « si » on sortait de l’euro, compte tenu du système économique dans lequel nous vivons. J’ai saisi les réactions de tous les acteurs du tissu économique français, et c’est l’ensemble de ces réactions qui nous montre les conséquences bien réelles de la sortie de l’euro. Maintenant, est-ce que l’hypothèse de sortie est envisageable dans un futur proche ? Je ne suis ni économiste ni élue politique, je n’essaie pas de prévoir la probabilité d’avènement de ce scénario. Il ne s’agit pas d’un film de prédiction, et c’est pour cela que nous ne l’avons pas appelé documentaire d’anticipation, mais documentaire au conditionnel.
LE POINT DE VUE DE SIMONE HARARI, LA PRODUCTRICE
« Bye Bye l’euro est un “film au conditionnel”, un “documentaire fictif” saisissant de vérité. Son intensité dramatique, qui part des enjeux macroéconomiques pour plonger dans le quotidien de chacun, réussit, je crois, le pari de tenir en haleine le téléspectateur. Il s’agit d’un format tout à fait original pour la télévision française, qui permet de simuler un scénario et de montrer concrètement ce qui pourrait être. Mon vœu est qu’il contribue à donner au téléspectateur les clefs nécessaires pour développer sa propre opinion et s’investir dans le débat public. »
Les intervenants
Michel-Edouard Leclerc, PDG de E.Leclerc
Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière
François Baroin, ancien ministre du Budget (2010-2011), de l’Economie, des Finances et de l’industrie (2011-2012)
Jacques Attali, économiste et écrivain
Christian Parisot, prévisionnaire d’une société de Bourse
Hervé Mariton, député de la Drôme (UMP)
Christophe Caresche, député de Paris (PS)
Nicolas Dupont-Aignan, député de l’Essonne (non-inscrit)
Jacques Sapir, économiste, partisan de la sortie de l’euro
Christophe Barbier, directeur de la rédaction de L’Express
Stanislas de Bentzmann, président de CroissancePlus (association d’entrepreneurs)
Olivier Klein, directeur général de la Bred
Xavier Beulin, président de la FNSEA (syndicat d’agriculteurs)
Otmar Issing, membre du comité exécutif de la BCE (1998-2006)
Stéphane Boujnah, directeur général – Groupe Santander
Olli Rehn, vice-président du Parlement européen
Documentaire fictif
Durée 60’
Réalisatrice Ella Cerfontaine
Production Effervescence Doc et Bankizz, avec la participation de France Télévisions
Année 2015