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« Mémoire d’une rénovation », celle du Théâtre Maurice Novarina de Thonon-les-Bains

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« Mémoire d’une rénovation », celle du Théâtre Maurice Novarina de Thonon-les-Bains

« Mémoire d’une rénovation », celle du Théâtre Maurice Novarina de Thonon-les-Bains

La rénovation du Théâtre Maurice Novarina de Thonon-les-Bains a été initiée par la Ville en 2012 et s'est terminée par l’inauguration du bâtiment le 10 janvier 2015. Cette aventure aura mobilisé près de 150 personnes d’horizons multiples pour réussir à ramener cet équipement dans la ville et auprès de ses publics.

Cet évènement fait donc l'objet d'une exposition intitulée « Mémoire d’une rénovation » qui retrace les enjeux, les questionnements, les choix architecturaux et les travaux qui ont conduit à la livraison du bâtiment transformé.

1966, Inauguration de la 6eme Maison de la Culture de France

Dès la fin des années 1960, une politique culturelle française s’affirme et la démocratisation de la culture sous la houlette de André Malraux prend forme dans des équipements publics par de grands architectes modernes (André Wogensky à Grenoble, Le Corbusier à Firmin, Jean Le Couteur à Reims).

Cette démocratisation est également une décentralisation culturelle.

A ce titre, la politique des maisons de la culture invente un mode de collaboration entre l’Etat, les collectivités locales et les artistes avec l’idée que la culture est véhiculée par des programmations variées allant du théâtre, de la musique et de la danse au cinéma, aux arts plastiques aux installations, aux récits etc. L’architecture de l’édifice doit incarner la modernité, être propice à la création, à la rencontre et à la fête.

André Malraux définit ainsi une maison de la culture : « Qu’est-ce qu’une maison de la culture ? C’est avant tout un foyer où doivent se rassembler toutes les activités créatrices d’une petite ville ou d’un quartier de grande ville, dans le domaine de la culture.

On ne peut donc concevoir de véritable maison de la culture, sans un bouleversement radical des traditions architecturales qui dispersent aux quatre coins de la cité le théâtre, la bibliothèque, le ciné-club, les salles de jeu ou de conférences, etc. Loin d'être conçu comme un édifice isolé, le théâtre doit devenir le centre même de la maison de la culture, et, comme il fait appel à la plupart des autres arts, l’animateur de la vie artistique de la cité ».

En 1961, la municipalité de Georges Pianta décide la construction d’une salle des fêtes. Le cabinet d’architecture de Maurice Novarina est mandaté pour le projet.

L’équipe est ainsi composée d’architectes (Novarina, Kétoff, Rosfelder, Kandaouroff), d’ingénieurs (Kétoff, Delfosse), d’un décorateur (Démangeat), et d’un acousticien (Sohier). Raoul Ubac réalise une tapisserie moderne pour le promenoir à l’étage. En plus du théâtre, la bibliothèque municipale est aménagée en sous-sol, ainsi qu’un auditorium-salle de cinéma.

En 1964, le maire propose la candidature de l’équipement pour le statut de « Maison de la culture », encouragé par André Malraux.

En juin 1966, on inaugure la 6eme maison de la culture de France, en présence d’Emile Biasini du ministère. A cette occasion, le décorateur Camille Demangeat transforme la salle de spectacle et la scène (suppression de la fosse d’orchestre) pour répondre aux nouveaux programmes culturels liés à une démocratisation des équipements culturels, l’accès à la création pour les artistes et l’accueil d’un maximum de publics variés.

Image : © WIMM

« Mémoire d’une rénovation », celle du Théâtre Maurice Novarina de Thonon-les-Bains

De 1969 à 2012, le bâtiment se transforme

Le bâtiment est radical, il impose une modernité sans compromis dans le paysage urbain thononais. Rassemblé en deux volumes forts et contrastés aux fonctions bien établies, il instaure un dialogue avec la ville :

L’« hexagone » public, entièrement vitré sur trois côtés par un immense mur-rideau, s’oriente vers le lac, la ville ancienne et la ville moderne issue de la reconstruction d’après guerre.

Surélevé par rapport au sol naturel, il abrite et met en scène les fonctions publiques du lieu. Hall d’accueil et salle de spectacle en rez- de chaussée. La bibliothèque municipale et l’auditorium sont aménagés en sous-sol, l’espace de bar sert de foyer dans le promenoir haut sur la ville et sur le lac.

Le polygone «privé» regroupe les activités liées au fonctionnement de l’équipement : administration, loges ainsi que la partie technique de la scène (atelier, monte-charge, quai déchargement...).

Alors que la façade principale de verre s’ouvre à la ville, la façade arrière est opaque, épaisse, recouverte d’une petite mosaïque blanche renforçant le caractère privé, fermé au public du polygone.

Le mur-rideau de toute hauteur est pensé en lien avec l’idée d’origine d’un équipement public de culture : la transparence est un outil de communication.

La nuit, la lumière met en scène les coursives du bâtiment comme une lanterne. Les mouvements du public et de l’activité du bar animent la façade aux heures de spectacle – idée magnifiée par Jacques Tati dans Playtime. Egalement, la lumière révèle la structure en caissons pyramidaux de la toiture qui constitue une prouesse tant architecturale que technique en finalisant l’écriture moderne du bâtiment.

« Mémoire d’une rénovation », celle du Théâtre Maurice Novarina de Thonon-les-Bains

Le théâtre dans la ville aujourd’hui ?

Fin 2012, la commande est confiée WIMM architectes et Carine Bonnot (SILO architectes), qui apportent à la fois leur lecture et réponses à l’intervention demandée.

Leur équipe d’ingénierie vient apporter ses connaissances techniques : William Rodriguez pour la structure (KEOPS), Michel Varlez pour les fluides et la thermique (BRIERE), Benjamin Gremen (SINEQUANON) pour les aspect de conduite de chantier et amiante. Elle sera renforcée par Yves Grillet (GRISAN architectes) pour une assistance au suivi de travaux.

Pour cette nouvelle équipe, la commande de la ville pose de manière intrinsèque la question du fonctionnement du bâtiment aujourd’hui. Intervenir sur le mur-rideau interroge le lien de l’équipement à la ville mais également la nature des espaces qui sont donnés à voir et à vivre.

Les constats sont nombreux, l’architecture forte signée par Maurice Novarina souffre des compromis établis au cours de ses multiples transformations. L’hypothèse initiale de réaliser un bâtiment transparent sur le monde de la culture ne parvient plus à créer une qualité de médiation auprès des publics.

« Nous avions à faire à un bâtiment abimé et vieillissant dont les multiples aménagements ont peu à peu gommé ses qualités initiales. Son enveloppe était à reprendre et l’évolution de son contenu au gré des politiques culturelles avait créé des délaissés. Les différentes strates de travaux avaient été faites avec une bonne intention, mais le fil fragile qui établissait le lien entre le bâtiment et son public était rompu. Le promenoir, lieu magnifique sur la ville et le lac était devenu secondaire, l’auditorium fermé. La bibliothèque déménagée avait laissée place à un espace d’exposition dont l’entrée confidentielle avait été réalisée par un décaissement, ce qui coupait à la fois le côté unitaire de l’équipement tout en rompant son lien à la ville. Les espaces d’accueil avaient petit à petit grignoté les espaces sous la scène, s’agrandissant d’une certaine manière mais perdant leur lien à l’extérieur en fabriquant de manière paradoxale un lieu sombre où l’on ne savait pas trop où se positionner ni comment l’aménager pour les utilisateurs. » William Tenet, WIMM architectes.

Ainsi, en parallèle de la réponse technique pure de réfection et de mise aux normes, l’équipe questionne l’usage et la programmation actuelle des espaces de cet outil de culture au travers de sa proposition. L’enjeu n’en est ainsi pas tant de « relooker » le Théâtre que de lui rendre une actualité plus en adéquation avec les pratiques culturelles contemporaines. Actualités qui portent tant sur l’objet culturel que sur ses ramifications dans une médiation auprès du public.

Leur démarche se fondera dès lors sur plusieurs questionnements :

- Celle de la transparence aujourd’hui. Comment cette médiation vers le monde de la culture instaurée par le mur-rideau peut être rendue effective, intensifiée ?

- Celle du fonctionnement et de la qualité des espaces du Théâtre aujourd’hui. Comment retrouver cette clarté originelle et sa vocation d’aménagement et d’équipement culturel pour tous ? Quels sont aujourd’hui ses liens au lac et à la ville désormais agrégée, en d’autre termes, sa présence urbaine ?

 © WIMM

© WIMM

Comment retrouver le lien à la ville et au public ?

Rapidement, trois pistes de travail s’établissent :

- Redonner au bâtiment son caractère synthétique, unitaire de lieu de culture.

- Simplifier son lien à la ville

- Rétablir un espace de médiation culturelle auprès du public.

Un aller-retour constant se met en place entre retrouver les qualités initiales du bâtiment et donner le lieu à l’échange auprès du public. La dimension technique vient alimenter ce dialogue. Les procédés constructifs ont changé, les exigences également. La passoire thermique que constitue le mur-rideau n’est plus acceptable, four l’été et glacière l’hiver, malgré ses qualités esthétiques c’est un véritable gouffre énergétique.

Synthèse et symbole de ces enjeux, ce mur-rideau « vitrine » du bâtiment au potentiel formidable et rare est envisagé dans l’épaisseur des espaces qu’il contient et met en scène. Ces espaces seront des lieux de rencontre, de communication et d’échange autour de la culture. Leur perception tant depuis l’extérieur que de l’intérieur seront l’un des éléments clés du dispositif.

« L’étagère urbaine de Jacques Tati est en quelque sorte ressuscitée. Nous avons à la fois travailléàlareprogrammationdecesespaces et à leur lecture. Le rez-de-chaussée comprend un vaste sas d’accueil qui distribue les diverses activités aujourd’hui rassemblées, une billetterie et un guichet, un lieu de restauration et un autre de présentation de l’activité culturelle. L’accès aux étages a été simplifié, la galerie d’exposition est ainsi complètement intégrée à l’équipement et le promenoir-foyer voit la mise en place d’un espace de rencontre et de conférence de presse, d’un espace de projection créant un écran intérieur sur la ville, de loges ouvertes sur l’extérieur. » Carine Bonnot, SILO architectes.

Un premier travail de simplification se met en place, les espaces intérieurs sont redessinés de manière à retrouver leur fluidité initiale et à rétablir le rapport frontal de l’équipement à la ville. Le décaissement supprimé, le bâtiment s’élargi pour intégrer des espaces de circulation côté ville moderne et renforcer son effet de balcon sur le lac. Les casquettes et escalier d’accès rapportés en façade sont supprimés de manière à renforcer la dimension abstraite du bâtiment-vitrine désormais accessible par une vaste topographie qui le prolonge et le raccorde au parvis minéral.

L’étagère urbaine prend sa place au travers du mur-rideau conforté d’un filtre visuel constitué d’ailettes verticales qui servent tant à la gestion du confort thermique qu’à la lecture du bâtiment et de son contenu. S’inspirant des expériences d’art cinétiques et de l’op’art, la perception du cœur du bâtiment change selon les déplacements.

« De face les ailettes disparaissent et laissent percevoir l’activité, puis lorsque l’on se déplace les choses se brouillent avant de redevenir visibles lorsque l’on redevient face à l’un des pans de l’hexagone, on voit alors d’autres activités qui sont proposées dans cette étagère » William Tenet, WIMM architectes.

 © WIMM

© WIMM

2014-2015 - Chantier & exposition inaugurale

Les travaux s’engagent en janvier 2014. En une année il aura fallu déshabiller et ouvrir le bâtiment, désamianter, scier les bétons combler les trous, puis reconstruire, recréer les structures, les façades, les espaces, les machineries énergétiques et leurs diverses distributions, refaire les toitures. Au final et malgré les efforts qui mobiliseront tant les équipes d’architectures, d’ingénierie, les services de la ville que les entreprises tenues par un planning restreint, l’intervention paraitra minimale.

Le chantier n’est pas simple posant toujours la même question : trouver un équilibre avec ce qui était à l’origine, garder la finesse de la construction moderne. Mais il s’agit alors de béton, de métal, d’engins et de gravats.

« Nous avons décidés de conserver les traces des multiples interventions qui ont eu lieu sur le bâtiment, les effacer aurait conduit à beaucoup de maquillages en niant ce principe que les constructions sont amenées à se transformer et que bien souvent leur intelligence réside également dans le fait d’avoir laissé des voies aux futures transformations. Cette idée nous a conduit pour les choix de l’aménagement intérieur et de son caractère. Le théâtre avait changé et changeait encore, tout comme les spectacles et expositions qui elles aussi avaient évoluées dans leur forme et dans leur fond, laissant des traces. » Ana- Luisa Gouveia des Freitas Gonçalves, WIMM Architectes.

Les structures sont discrètes et se fondent dans le mur rideau. Les ailettes s’affinent et trouvent une juste proportion ; en s’alignant sur les « cocottes » de béton elles viennent en souligner le caractère particulier de ce type de structure. Le verre sélectionné est également une prouesse récente de technologie encore peu usité. Il s’agit d’un verre extra-clair qui permet à la fois d’être très transparent le jour tout en ayant une performance d’isolation et de filtration des UV importante pour le confort thermique.

L’étagère prend forme en deux lieux distincts, une tranche basse liée à la réception du public et à la communication des évènements et spectacles, une tranche haute liée à la ville et au lac.

Les espaces bas voient ainsi la mise en place d’un « décor » original conçu pour le lieu fait de traces – écho à la tapisserie d’origine et aux spectacles qui ont été joués sur la scène qui lui tourne le dos, rappelant sa présence.

Les nouveaux sols sont réalisés en un alliage de pierre et de résine, qui viendra marquer les différentes interventions tout en respectant la belle présence du sol de marbre souligné de bandes de laiton initial.

L’étage, épuré, complète le dispositif en privilégiant la relation à l’extérieur. La mise en scène passe par le doublement des parois de verre pour la réalisation de loges extérieures, de grands pans peints en blanc propices à la projection, de banquettes et de lustres conçus par Gaspard Lautrey rappelant de manière élégante les foyers des anciens théâtres.

 © WIMM

© WIMM

Les structures sont discrètes et se fondent dans le mur rideau. Les ailettes s’affinent et trouvent une juste proportion ; en s’alignant sur les « cocottes » de béton elles viennent en souligner le caractère particulier de ce type de structure. Le verre sélectionné est également une prouesse récente de technologie encore peu usité. Il s’agit d’un verre extra-clair qui permet à la fois d’être très transparent le jour tout en ayant une performance d’isolation et de filtration des UV importante pour le confort thermique.

L’étagère prend forme en deux lieux distincts, une tranche basse liée à la réception du public et à la communication des évènements et spectacles, une tranche haute liée à la ville et au lac.

Les espaces bas voient ainsi la mise en place d’un « décor » original conçu pour le lieu fait de traces – écho à la tapisserie d’origine et aux spectacles qui ont été joués sur la scène qui lui tourne le dos, rappelant sa présence.

Les nouveaux sols sont réalisés en un alliage de pierre et de résine, qui viendra marquer les différentes interventions tout en respectant la belle présence du sol de marbre souligné de bandes de laiton initial.

L’étage, épuré, complète le dispositif en privilégiant la relation à l’extérieur. La mise en scène passe par le doublement des parois de verre pour la réalisation de loges extérieures, de grands pans peints en blanc propices à la projection, de banquettes et de lustres conçus par Gaspard Lautrey rappelant de manière élégante les foyers des anciens théâtres.

 © WIMM

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