Les Canalisateurs de France disent NON À LA FRANCE DES FUITES D’EAU
L’organisation professionnelle Canalisateurs de France s'inquiète des conséquences environnementales, sociales et économiques de la nouvelle ponction financière sur les budgets des Agences de l’eau.
En effet, après un prélèvement de 210 millions d’euros en 2014, l’article 16 du projet de loi de finances 2015 prévoit de renouveler la mesure avec un prélèvement annuel de 175 millions d’euros sur le fonds de roulement des Agences de l’eau, pour les années 2015, 2016 et 2017. Ce transfert de fonds vers le budget de l’État, dont on ne peut plus dire maintenant qu’il revêt un caractère exceptionnel, remet en cause l’une des règles qui fonde depuis 50 ans la politique de l’eau en France : la sanctuarisation des budgets liés à l’eau, facilitée par la création des Agences de l’eau et des redevances en 1964 et la mise en œuvre de l’instruction comptable M49 en 1991.
Cette remise en cause est d’autant plus dommage que le 21 octobre dernier, lors du 50ème anniversaire de la politique de l’eau, les participants, tous acteurs du secteur, ont dressé un bilan très positif de ce mode de gestion.
Aujourd’hui, avec cette ponction, c’est un très mauvais signal que l’État envoie aux collectivités locales.
En effet, les Agences de l’eau contribuent directement, grâce aux subventions qu’elles allouent, à stimuler la demande de travaux d’équipement. La baisse des ressources des agences risque de mettre un nouveau coup de frein aux projets des collectivités et des services d’eau, déjà fortement perturbés dans leurs investissements par la baisse des dotations de l’État et le flou qui entoure la réforme territoriale en cours.
Le moment est particulièrement mal choisi. Avec Grenelle 2, les services d’eau sont actuellement fortement incités à adopter une gestion patrimoniale de leurs réseaux et à les entretenir de manière à réduire les pertes en eau potable (chiffrées à 1 milliard de m3 d’eau par an, soit 1/5 du volume distribué).
Pour les entreprises du secteur de l’eau et de l’assainissement, la crainte est forte de voir l’offre des marchés de travaux se réduire encore. L’année 2014 a été une année très éprouvante pour les entreprises de canalisations. Le chiffre d’affaires a baissé de -9 % par rapport à 2013 (moyenne estimée à début novembre). Par endroit, il a même chuté jusqu’à
-30 %. Le rebond traditionnellement observé après les élections municipales ne se fait pas encore ressentir et les carnets de commandes ont atteint des niveaux très bas, souvent inférieurs à deux mois. En cette fin 2014, certaines entreprises sont engagées dans des procédures de demande d’activité partielle : la situation des salariés est réellement préoccupante.
Canalisateurs de France préconise 5 mesures pour relancer l’investissement public dans le domaine de l’eau et de l’assainissement et sauver les emplois du secteur
1. Demander aux Agences de l’eau de subventionner exceptionnellement pendant 2 ans à 50 % les investissements des collectivités dans les renouvellements des réseaux d’eau et d’assainissement. L’agence de l’eau doit remplacer temporairement l’aide financière manquante des départements, et ainsi relancer les projets bloqués.
2. Déconnecter les subventions de l’agence de l’eau des subventions des départements. Les aides agence de l’eau se déclenchent en fonction de la participation des conseils généraux, il ne faut pas que les problèmes financiers des départements aient un impact sur les aides des agences de l’eau.
3. Conditionner les aides des Agence de l’eau à la mise en ligne obligatoire des indicateurs SISPEA (% de fuites réseaux, indicateurs de performance,..) pour permettre d’inciter les collectivités en retard à renouveler leurs réseaux et à un prix de l’eau minimum pour le maintien du patrimoine. La subvention doit être soumise à un ajustement réel du prix de l’eau en fonction du diagnostic et des investissements nécessaires à la conservation du patrimoine.
4. Intégrer dans les indicateurs SISPEA la part fonctionnement et investissement des services d’eau et d’assainissement. La transparence de l’utilisation des budgets eau et assainissement doit encourager les collectivités à prioriser l’investissement au fonctionnement.
5. Apporter l’ingénierie financière aux services d’eau pour leur permettre d’utiliser pleinement leur capacité d’investissement. Débloquer les investissements des collectivités en utilisant pleinement leur capacité d’endettement. Inciter les départements et/ou les Agences de l’eau à auditer les services d’eau et accompagner les collectivités dans la mise en place de plan d’investissement.