Repenser l'Énergie, d’un système dominé à un système diversifié
REthinking Energy ou comment repenser l’énergie, lancé sous le haut patronage de M. le Sénateur Ronan Dantec, avec le concours du Syndicat des Energies renouvelables, l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) vient de faire paraître un nouveau rapport mentionnant que les énergies renouvelables doivent faire partie de toute solution pour éviter un changement climatique catastrophique.
L’IRENA a présenté son nouveau rapport dans l’enceinte du Sénat français le mardi 18 novembre, mettant en évidence les dynamiques économiques, sociales, technologiques, environnementales et climatiques de la transition énergétique mondiale. Jean-Louis BAL, Président du SER est intervenu dans le cadre du débat qui a suivi la présentation du rapport, au côté du Sénateur Ronan DANTEC, de Marie-Hélène AUBERT, conseillère pour les négociations internationales climat et environnement du président de la République, de Jean JOUZEL, Climatologue et membre du GIEC et d’Adnan A. AMIN, DG de l’IRENA.
Dans sa synthèse, le rapport stipule qu’au regard de la rapidité des avancées technologiques, associée à une réduction des coûts, à une connaissance accrue des risques financiers et à une meilleure appréciation des bénéfices macro-économiques, les énergies renouvelables sont de plus en plus perçues comme la réponse à cette équation. REmap 2030, une feuille de route mondiale élaborée par l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), montre que les énergies renouvelables peuvent non seulement répondre à la demande mondiale croissante, mais aussi le faire à moindre coût tout en participant aux efforts de limitation du réchauffement climatique à moins de 2 degrés Celsius (seuil critique du changement climatique cité par tous).
C’est donc au travers de cette nouvelle représentation que l’IRENA explorera la dynamique du financement, de la production, de la distribution et de la consommation des énergies renouvelables, et décrira l’évolution qu’elles induisent au sein des relations entre les États, les sociétés et les personnes.
Dans ce rapport, il est question de la mutation énergétique principalement au secteur de l’électricité. Il raconte une histoire – celle des tendances à l’origine de ce changement, de la manière dont les technologies évoluent, des sources de financement, et des bénéfices à grande échelle qui en découleront. Enfin, il présente ce à quoi pourrait ressembler un système énergétique alimenté par les énergies renouvelables, et examine le soutien que les responsables politiques peuvent apporter à cette transformation.
Au cours des 40 dernières années, la population mondiale est passée de 4 à 7 milliards de personnes, la génération d’électricité a connu une augmentation de plus de 250 % et la tendance de la croissance vers 2030 se poursuivra, c’est donc dans ce cadre que le rapport a souhaité apporter quelques réflexions, notamment en lien avec le consensus qui se généralise sur la menace de changement climatique que représente l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, fer de lance des initiatives mondiales visant à réduire les émissions de ces gaz. Au cours des 20 dernières années, l’intensité moyenne en carbone de la production d’électricité n’a que très peu changé. Le terrain gagné par le déploiement grandissant des énergies renouvelables et l’utilisation de combustibles fossiles moins intenses en carbone, tels que le gaz naturel, s’est vu contrebalancé par l’exploitation de centrales électriques moins performantes et l’augmentation du recours au charbon. Sans une part plus importante octroyée aux ressources renouvelables, l’objectif d’atténuation du changement climatique restera hors d’atteinte.
Le rapport REmap 2030 démontre que, si l’on s’en tient aux politiques et plans nationaux actuels (statu quo), la moyenne des émissions de dioxyde de carbone (CO2) sera réduite à seulement 498 g/kWh d’ici 2030. Ce niveau est insuffisant pour maintenir les concentrations de CO2 dans l’atmosphère au-dessous de 450 parties par million (ppm), seuil au-delà duquel un changement climatique conséquent a de fortes chances de se produire. Si l’on double la part des énergies renouvelables, il sera possible d’atténuer le changement climatique par une réduction de la moyenne des émissions mondiales de CO2 à 349 g/kWh – soit 40 % de réduction de l’intensité par rapport aux niveaux de 1990, comme l’illustre la figure ci-après.
Cette forte pression qui pousse les Etats à réduire leur dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles importés afin d’obtenir une plus grande indépendance énergétique tout en évitant les risques d’interruption de l’approvisionnement (par exemple en cas de conflit ou de catastrophe naturelle) entraine une prise de conscience de la nécessité d’un changement. Les combustibles fossiles ont alimenté la première révolution industrielle, mais même en cette nouvelle ère du pétrole et du gaz de schiste, leur compatibilité avec le bien-être durable de l’humanité fait encore l’objet de questions restées sans réponse. Il est temps de passer à l’ère des énergies renouvelables modernes dont les coûts sont compétitifs, la consommation généralisée et l’utilisation durable.
Le rapport REmap 2030 illustre parfaitement la tendance à la chute du coût des énergies renouvelablesà mesure que leur déploiement augmente…
Les énergies hydraulique, géothermique et la biomasse sont compétitives depuis quelques temps déjà, alors que les énergies éolienne et solaire ont eu des difficultés à concurrencer le charbon, le pétrole et le gaz naturel. Au cours de la dernière décennie, et notamment ces cinq dernières années, la situation a pris un tour radicalement différent.
Les technologies des énergies renouvelables ont gagné en fiabilité et en efficacité, et peuvent aujourd’hui générer de l’électricité même dans des conditions sous-optimales, comme par exemple en cas de faible vitesse de vent ou de faible ensoleillement. Les technologies de stockage de l’énergie connaissent des progrès rapides. Grâce au soutien des États en Europe et aux États-Unis et à la stimulation suscitée par les nouveaux centres de fabrication tels que la Chine, les coûts ont chuté. Ces tendances sont illustrées dans le graphique ci-dessous, qui présente le coût moyen actualisé de l’électricité (LCOE) pour les différentes formes d’électricité générées par les grandes entreprises publiques ou par les systèmes hors réseau.
Les prix de l’énergie solaire photovoltaïque (PV) ont chuté de 80 % depuis 2008 et devraient continuer de baisser. En 2013, l’électricité solaire commerciale a atteint la parité réseau en Italie, en Allemagne et en Espagne, et y parviendra bientôt au Mexique et en France. Le solaire PV rivalise de plus en plus avec les autres ressources sans recourir à des subventions : par exemple, l’électricité produite par une nouvelle centrale solaire de 70 mégawatts (MW) en cours de construction au Chili devrait, selon les prévisions, se vendre sur le marché spot national en concurrence directe avec celle produite à base de combustibles fossiles. Le coût de l’électricité éolienne terrestre a chuté de 18 % depuis 2009, avec une baisse des coûts des turbines de près de 30 % depuis 2008, la rendant ainsi la source d’électricité nouvelle la moins chère sur un éventail de marchés large et qui ne cesse de s’étendre. Plus de 100 pays utilisent aujourd’hui l’énergie éolienne. L’énergie éolienne en mer devrait également se développer rapidement au rythme de la baisse des coûts, sur un marché dominé par le Royaume-Uni avec une capacité effective de 4.2 gigawatts (GW) à la mi-2014.
Ces développements, entre autres, ont rendu les énergies renouvelables attrayantes sur de nombreux nouveaux marchés. En 2013, pour la première fois, les nouvelles installations de capacité renouvelable étaient plus importantes dans les pays non-membres de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE). Le déploiement du solaire PV et de l’éolien en Chine était estimé en 2013 à 27,4 GW : près de quatre fois plus que son voisin le mieux placé, le Japon.
La capacité mondiale de production d’électricité renouvelable a augmenté de 85 % au cours des 10 dernières années, atteignant 1 700 GW en 2013, et les énergies renouvelables représentent aujourd’hui 30 % de la capacité installée totale. La difficulté n’est plus aujourd’hui d’évaluer la capacité des énergies renouvelables à alimenter nos styles de vie modernes pour un coût raisonnable (ce qui est possible aujourd’hui), mais de déterminer les meilleurs moyens de financer et d’accélérer leur déploiement.
Le rapport mentionne également que le financement des énergies renouvelables devient moins cher et plus simple
Les énergies renouvelables sont compétitives en termes de coût par kilowatt-heure. En raison de leur rapport coûts initiaux/coûts d’exploitation relativement élevé, la viabilité des technologies renouvelables est particulièrement sensible au coût du capital. Aussi, le soutien financier des gouvernements joue généralement un rôle essentiel dans la promotion des énergies renouvelables. Pourtant, avec la compétitivité grandissante des technologies et l’augmentation de la pression budgétaire, les gouvernements ont diminué leur soutien.
En revanche, les établissements de financement privés se montrent de plus en plus enclins à investir. Forts d’une expérience accrue, les développeurs améliorent leurs prévisions de flux de trésorerie, et les financiers sont ainsi en mesure d’évaluer les risques avec plus de précision. Le coût du capital baisse et les produits sont adaptés à un éventail d’investisseurs élargi, qui inclut de petites communautés comme de grandes institutions. Les initiatives de financement participatif peuvent également servir à attirer le capital, notamment dans les pays en voie de développement où le coût du capital est généralement élevé. La figure ci-après illustre l’évolution des sources d’investissement dans les énergies renouvelables à mesure que les technologies et les marchés gagnent en maturité.
À l’autre extrémité de l’échelle, les investisseurs institutionnels commencent à se montrer intéressés. Ils tiennent de plus en plus compte du risque associé aux combustibles fossiles et de nouveaux instruments à long terme et à faible risque sont en cours d’élaboration pour les encourager à investir dans les énergies renouvelables. Les premiers développeurs privés intervenus dans cet espace ont attiré 11 milliards de dollars US en 2013, soit une augmentation de 200 % sur 12 mois.
De grandes entreprises extérieures au secteur de l’énergie commencent également à s’impliquer. Par exemple, les turbines et panneaux solaires d’IKEA produisent aujourd’hui 37 % de sa consommation d’énergie, et Google a investi plus d’1,4 milliards de dollars US dans l’éolien et le solaire. Ces investissements sont généralement motivés par des rentabilités financières attractives.
Mais ces tendances positives ne sont pas encore suffisantes. L’investissement total dans les énergies renouvelables est passé de 55 milliards de dollars US en 2004 à 214 milliards de dollars US en 2013 (à l’exclusion des grandes centrales hydrauliques), ce qui reste bien loin des 550 milliards de dollars US par an nécessaires jusqu’en 2030 pour doubler la part mondiale des énergies renouvelables et éviter un changement climatique catastrophique.
Les responsables politiques ont un rôle important à jouer. En réservant une place plus importante aux énergies renouvelables dans leur bouquet énergétique national et en s’engageant à mettre en place des mécanismes non financiers de soutien à long terme, ils pourront atténuer l’incertitude et attirer davantage d’investisseurs. Sur les marchés émergents, le financement public restera important grâce à l’élaboration de structures nationales de soutien au déploiement des énergies renouvelables. Dans ce contexte, le rôle joué par la coopération internationale et les flux de financement devient capital. La compétitivité grandissant, le soutien financier pourra être réduit de manière progressive et prévisible, et être centré sur l’amélioration des réseaux, la formation et les normes industrielles, afin de renforcer le marché dans son ensemble.
Les compagnies d’électricité traditionnelles ont également la possibilité de faire plus. La mise en œuvre de projets conjoints entre les grandes compagnies d’électricité, les petits développeurs et les clients peut dessiner une nouvelle voie à suivre alors que les modèles de gestion s’adaptent aux conditions de marché en évolution.
Enfin, le rapport établit les bénéfices macro-économiques des énergies renouvelables.
Il apparaît de plus en plus manifeste que les énergies renouvelables ont des répercussions positives au sein de la société, en vue d’objectifs économiques, sociaux et environnementaux. Leurs coûts et bénéfices sont mieux appréhendés en dépassant les délimitations traditionnelles des politiques publiques, et en adoptant une stratégie holistique pour promouvoir la prospérité, le bien-être et l’environnement.
Les énergies renouvelables sont bénéfiques à l’économie nationale. Une récente étude japonaise, au regard d’un objectif de 14 % à 16 % d’énergies renouvelables en 2030, a conclu que les bénéfices étaient 2 à 3 fois plus importants que les coûts — notamment les économies réalisées sur les importations de combustibles fossiles, les réductions d’émissions de CO2 et les répercussions économiques positives. En utilisant les énergies renouvelables, l’Espagne a économisé 2,8 milliards de dollars US en importations de combustibles fossiles en 2010, et l’Allemagne 13,5 milliards de dollars US en 2012. Le déploiement des énergies renouvelables dans les pays exportateurs de combustibles augmente la part de leurs ressources disponibles pour les exportations.
Les bénéfices existent tout au long de la chaîne de valeur car les énergies renouvelables stimulent l’activité économique au niveau national et créent des emplois. En 2013, elles représentaient 6,5 millions d’emplois directs et indirects (notamment 2,6 millions en Chine, comme l’illustre la figure ci-dessous).
Les énergies renouvelables peuvent également fournir un accès à l’électricité aux personnes qui en sont actuellement privées, en leur permettant des usages productifs ou de se former, en leur donnant accès aux moyens de communication modernes et à une multitude d’opportunités nouvelles.
Les bénéfices pour l’environnement sont tout aussi convaincants, à l’échelle locale et mondiale. La plupart des énergies renouvelables n’épuisent pas les ressources limitées (malgré la nécessité de recourir à l’eau à des fins de nettoyage et de refroidissement, qui peut se révéler contraignante dans les régions arides). Les énergies renouvelables réduisent également les risques de catastrophes écologiques.
De façon décisive, elles offrent une nouvelle voie vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’une des principales causes du réchauffement climatique. L’électricité représente à elle seule plus de 40 % des émissions de CO2 générées par l’homme aujourd’hui. Les énergies solaire, éolienne, nucléaire, hydroélectrique, géothermique et bioénergétique présentent, tout au long de leur durée de vie, une intensité en carbone 10 à 120 fois moins importante que le combustible fossile le plus propre (gaz naturel) et contiennent jusqu’à 250 fois moins de carbone que le charbon. REmap 2030 estime que le doublement de la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique, combiné avec une meilleure efficacité énergétique, peut permettre de maintenir la concentration de CO2 dans l’atmosphère au-dessous de 450 ppm – seuil au-delà duquel un changement climatique catastrophique se produirait.
L'énergie de demain, la cherté de toute chose... - Le blog de habitat-durable
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