A Chambéry, la Fontaine des Éléphants se refait une cure de Jouvence
La fontaine des éléphants va faire l’objet d’une restauration totale entre le 17 décembre 2014 et le 8 mai
2015. Les quatre éléphants vont être emmenés en atelier, pendant qu’en parallèle, des travaux seront réalisés sur place à Chambéry.
La fontaine des Éléphants a été érigée en 1838 par la Ville de Chambéry en mémoire du général de Boigne. Le monument rappelle sa carrière militaire.
Benoît Leborgne nait en 1751 dans une famille de marchands de pelleterie. Jeune homme, il est tenté par les armes et l'aventure. Une raison demeurée obscure le contraint à quitter Chambéry. Sa mère lui achète une commission d'enseigne dans le régiment de Lord Clare, célèbre brigade irlandaise au service du roi de France, stationnée dans le nord de la France. Là, il apprend le métier de soldat. C’est sans doute à cette époque qu’il prend le nom de de Boigne.
En 1771, son régiment est envoyé à l'île de France (actuellement île Maurice). À partir de ce moment, Benoit Leborgne n'aura de cesse de connaître l'Asie. Après leur retour en France et la mort de Lord Clare en 1773, le régiment est dissout et Benoît s'engage dans l'armée russe. En 1774, sur l'île de Ténédos en Grèce, il est fait prisonnier par les Turcs. Libéré au bout de quelques mois, il part pour Saint-Pétersbourg.
Il envisage pour le compte de Catherine II l'exploration du Turkestan, pour cela il doit rejoindre l'Inde.
Sa première tentative par voir de terre échoue, il prend donc la mer mais son bateau fait naufrage devant les bouches du Nil. Il réussit à s'embarquer pour Madras et débarque en Inde en janvier 1778.
Il est d'abord professeur d'escrime puis s'engage dans l'armée de l'East India Compagny. Soupçonné, à tort, d'espionnage pour la France, il quitte l'armée en 1782. Il remonte vers le nord pour rejoindre le Turkestan. À Gwalior a lieu la rencontre décisive avec Sindhia au service duquel il rentre en 1784. À partir de 1740, les armées mogholes aux effectifs considérables subissent de cuisantes défaites infligées par une poignée de soldats et "cipayes" européens. Souverains et chefs militaires indiens perçoivent des éléments nouveaux dans l'art de faire la guerre. La confédération Marathe pour mener à bien son dessein de contrôle de l'Hindoustan doit se doter d'une armée moderne et pour cela avoir recours à des hommes d'armes européens.
D'anciens officiers de l'armée française, dont de Boigne, entrent alors au service d'Etats indiens indépendants. De Boigne implante une "culture de la guerre européenne" en Hindoustan. Son apport va être multiple : avancées technologiques, réformes de l'infanterie, formation des troupes... Après la mort de Sindhia en 1794, de Boigne demeure encore deux ans en Inde.
Il retourne en Europe en 1796. Il s'installe d'abord à Londres, où il épouse Adélaide d'Osmond. En 1801, il décide de revenir vivre à Chambéry. À partir de 1817, il lègue une grande partie de sa fortune pour des œuvres charitables et des projets d'embellissement de la ville, parmi lesquels la construction d'asiles pour les vieillards, les indigents, les aliénés, la construction du théâtre, le percement de la rue à arcades qui porte aujourd'hui son nom.
La fontaine des Eléphants, un monument à la mémoire du Comte de Boigne
Après le décès du général de Boigne en 1830, la Ville de Chambéry décide de rendre hommage à ce
Chambérien au destin hors du commun. Un concours est lancé pour l’érection d’un monument. Dix-sept projets sont présentés devant le Conseil de Ville. Le choix se porte sur celui de Pierre-Victor Sappey pour son importance et son originalité, alliées à son faible coût ! La colonne est inaugurée le 10 décembre 1838. C’est un monument qui se compose de trois parties :
• la fontaine au niveau de la base avec les éléphants
• la colonne et les trophées
• la statue du général de Boigne
Image : © Ville de Chambéry, Archives municipales, 52WNC
Les multiples restaurations effectuées dans les années 1980, il y a maintenant une trentaine d’années, ont atteint leurs limites en terme de durée de vie. A priori la restauration a permis de prolonger la vie des éléphants mais pas de façon aussi pérenne qu'espéré. À l’époque, les techniques utilisées n’étaient pas des techniques de restauration complètes comme aujourd’hui. Les techniques utilisées dans ces années là n'ont pas toujours été judicieuses. Le diagnostic effectué en 2012 par l’architecte en chef des monuments historique met en évidence un nombre de désordres important. La fontaine des Éléphants a souffert des outrages du temps, elle se dégrade et doit faire l’objet d’une reprise globale.
Le souhait de cette restauration est celui d’une restauration pérenne. C’est aussi le symbole de l’engagement de la Ville et des Chambériens envers un patrimoine emblématique afin de lui redonner toute sa place.
La dépose des éléphants le mercredi 17 décembre
Le mercredi 17 décembre, les quatre éléphants vont être désolidarisés un à un de la fontaine. Ils vont être déposés à l’aide d’une grue sur camion qui va les emmener dans l’atelier de la fonderie Vincent, à Brignais, dans le Rhône, entreprise retenue pour réaliser les travaux.
Evénement exceptionnel, les éléphants vont ainsi chacun leur tour, s’élever dans les airs à l’aide d’une grue. Cela n’était pas arrivé depuis 1985, date de la dernière restauration.
Avant dépose l’entreprise fera un relevé précis pour repositionner les éléphants aux mêmes emplacements.
INFORMATIONS PRATIQUES
Le public est invité à venir assister à la dépose des éléphants et plus particulièrement, celui situé dans l’axe de la rue de Boigne le mercredi 17 décembre après-midi pour bénéficier des meilleures conditions de visibilité et de sécurité. La circulation sera temporairement interdite à cette occasion.
Un accueil spécifique sera proposé aux journalistes afin d’effectuer des prises de vue dans les meilleures conditions.
Les travaux réalisés en atelier :
Une fois transportés dans les ateliers de la fonderie Vincent, les quatre éléphants seront scannés, afin de conserver en mémoire leur morphologie et toutes les particularités concernant chaque éléphant.
En fonction de son état, chacun sera repris partiellement ou totalement. Les plus abimés semblent être les éléphants Est et Ouest.
A priori, deux éléphants seront repris. Ils seront désassemblés et nettoyés. Les fissures seront ressoudées. Les éléments trop abîmés seront refondus à l’identique, réassemblés et repeints avant leur retour.
Les deux autres éléphants seront très vraisemblablement totalement refondus.
Le choix de la couleur des éléphants aura pour objectif de retrouver leur couleur d’origine.
Ce travail sera réalisé sous couvert de la CRMH (Conservation Régionale des Monuments Historiques) et de l’architecte des bâtiments de France.
Les bas-reliefs de la fontaine seront également emmenés en atelier pour être restaurés.
Les travaux réalisés sur place
En parallèle, d’autres opérations auront lieu sur place à Chambéry. La colonne va faire l’objet d’un gommage et être nettoyée. Les pierres trop abîmées seront remplacées, les autres consolidées si besoin. Le système de la fontainerie va lui être entièrement refait. La fosse de la fontainerie située sous la chaussée va être agrandie. Le bassin repris et étanché.
L’électricité va être également entièrement revue.
©Gilles Garofolin Le 18 novembre 2013, la statue entièrement restaurée était de retour sur son socle.
La première phase de rénovation réalisée à l’automne 2013 : des travaux de sécurité sur la statue du général de Boigne
La première phase de la rénovation de la fontaine des Eléphants réalisée à l’automne 2013 a consisté en des travaux de sécurité sur la statue du Général de Boigne.
Le 21 octobre 2013, la statue a été déposée et emmenée dans les ateliers de la Fonderie Vincent à Brignais dans le Rhône pour être restaurée et consolidée.
Elle a été sablée, ce qui a permis de la nettoyer et d’éliminer l’oxydation, lui donnant une belle couleur dorée. Le socle a été refait avec une pierre de même aspect mais non gélive, c’est-à-dire ne subissant pas de dégradations dues au gel. Les trous ont été rebouchés, soit par brasage (soudure avec un autre métal), soit par masticage. Puis la statue a été patinée. L’objectif était de conserver la teinte bronze de la statue en accélérant son vieillissement pour lui donner l’aspect qu’elle aurait obtenu naturellement après des années à l’extérieur, mais avec une teinte uniforme. Pour obtenir cet effet, les parois ont été chauffées au chalumeau et du nitrate de cuivre a été appliqué pour donner une couleur verte. Un vernis a également été posé pour protéger l’ensemble de l’humidité.
Le 18 novembre 2013, la statue entièrement restaurée était de retour sur son socle.
Fiche travaux
Maîtrise d’ouvrage : Ville de Chambéry
Maîtrise d’œuvre : Agence Grange Chavanis, architectes monuments historiques, 69006 Lyon
Réparation du socle : Établissement Comte, 42607 Champdieu Restauration statue : Fonderie Vincent, 69530 Brignais
Montant des travaux : 56 600 € HT
Les précédentes restaurations de la fontaine des Éléphants
Un ravalement à la fin des années 1970. Dès 1977, la Ville de Chambéry s’est activement préoccupée des dispositions à prendre pour sauvegarder la fontaine des Éléphants. En 1978, un ravalement des Éléphants est décidé, il est effectué par l’entreprise Radiani en 1979. Durant l’année 1980, année du patrimoine, des travaux sont effectués pour garantir la solidité du monument. De nombreuses entreprises sont ensuite contactées, aucune ne peut présenter de solution satisfaisante pour sa restauration, la soudure au plomb sur fonte faisant pratiquement partie des techniques abandonnées. Dans sa séance du 5 décembre 1980, le Conseil Municipal de Chambéry demande le classement de la fontaine en monument historique pour pouvoir faire appel à la filière des restaurateurs spécialisés travaillant habituellement pour le compte des monuments historiques. Le classement est accepté le 7 mai 1982 par arrêté.
En septembre 1984, un premier éléphant est déposé et emmené à la fonderie Vincent à Brignais dans le Rhône pour être diagnostiqué. L’état est très préoccupant. Outre le fait que la réalisation manque de finition, et que l’épaisseur de la fonte est réduite à quelques millimètres par endroit, l’éléphant a été « rafistolé » par endroit par des emplâtres de fer eux-mêmes recouverts d’une dizaine de couches de peinture. De plus certaines parties, dont notamment une jambe, ont été remplies de béton, amalgame pierreux qu’il faut dégager à la broche et à la massette.
D’anciennes réparations sont donc supprimées (béton coulé à l’intérieur), puis la fonte est nettoyée par brossage et grenaillage fin pour ôter la rouille. Des moulages des parties défectueuses sont réalisés puis les éléments sont refaits avec une résine. Certaines parties ont été doublées de fibre de verre et l’ensemble a été repeint.
Fin mars 1985, le premier éléphant est de retour.
L’opération envisagée en 1985 comporte donc :
- la dépose-repose et traitement en atelier des trois éléphants restants selon les techniques similaires que celles utilisées pour le premier éléphant.
- le traitement des éléments secondaires du monument. Les plaques et trophées ont fait l’objet d’un nettoyage et d’une réparation. La statue du général de Boigne a fait l’objet d’un nettoyage.
- la remise en état du corps du monument en pierre de taille.
Les trois éléphants sont déposés le 13 novembre 1985. Après un traitement identique à celui subit par leur congénère, les éléphants, remis en état, ont repris leur place.
Fiche travaux
Maîtrise d’ouvrage : Ville de Chambéry
Maîtrise d’œuvre :
- Agence Grange Chavanis, architectes monuments historiques, 69006 LYON
- Cabinet Philippe TINCHANT – économiste - 38500 VOIRON
- Cabinet DILUVIAL - BET Fontainerie - 44123 VERTOU
Coordinateur SPS (santé protection sécurité) : Travaux Consul’t – 73300 St JEAN DE MAURIENNE Réalisation : la liste de l’ensemble des entreprises sera communiquée ultérieurement
Lot 01 - Echafaudage - Maçonnerie – pierres de taille: 181 000 € Installation de chantier, échafaudage, travaux de restauration de la colonne par nettoyage, gommage, remplacement d’éléments fragilisés ou délités, pose de greffe ou goujons. Reprise, nettoyage du bassin en pierre. Agrandissement du local technique fontainerie existant sous chaussée.
Lot 02 : Fonderie/ serrurerie : 477 000 € Repérage des éléments déposés. Dépose en transport des éléphants en atelier, scan d’un des éléphants, restauration des éléments en fonte cassés ou manquants, suppression des anciennes couches de peinture, nettoyage par brossage et grenaillage fin, traitement anti corrosion. Renforcement et consolidation de la structure des éléments creux des éléphants. Repose de l’ensemble des éléments restaurés ou refaits à neuf.
Lot 03 : Fontainerie : 30.500 € Dépose de l’ensemble du système de fontainerie existant. Mise en œuvre d’un nouveau réseau de distribution et de circulation de la fontaine en lien avec les différents autres lots.
Lot 04 : Electricité : 87 000 € Dépose de l’ancienne installation. Mise en œuvre d’un nouveau système d’alimentation électrique et d’éclairage de la fontaine (bassin, trophées, statue).
Planning prévisionnel : 6 mois de travaux hors préparation et repli 17 décembre 2014 : dépose des éléphants 18 au 22 décembre 2014 : installation de l’échafaudage et dépose des trophées et bas-reliefs De janvier à avril 2015 : dépose des existants, intervention sur colonne, agrandissement local technique sous chaussée 8 mai 2015 : retour de 2 éléphants au moins Mai 2015 : retour des 4 éléphants Juin 2015 : fin des travaux (fontainerie, éclairage..)