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Sous le terme transition se cache aussi le néant…

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Sous le terme transition se cache aussi le néant…

Sous le terme transition se cache aussi le néant…

Un projet de loi pour préparer l’après fossile, et établir une nouvelle référence énergétique, tels sont les axes principaux du texte.

Et sous les grands discours l’apparence est parfois trompeuse car il suffit de se pencher sur les 268 pages du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte pour comprendre que sous le terme de transition se cache parfois le néant.

Le projet de loi sur la transition énergétique, dont l'examen a débuté à l’Assemblée Nationale le mercredi 1er octobre 2014, semble loin des paroles glorieuses qui doivent engager la France sur une trajectoire nouvelle.

Sans approfondir les différents enjeux auxquels nous sommes tous confrontés et qui seront de plus en plus oppressants dans un proche avenir, comme l'affaiblissement des ressources naturelles, le changement climatique, les pollutions et menaces associées à notre système de production d'énergie et industrielle, celle de notre souveraineté énergétique et enfin d'éradiquer la précarité énergétique qui touche de plus en plus de ménages, le mot transition n’est pas vain. Mais voilà sous terme de transition, le projet de loi sur ces grandes questions ne donne pas une vision très claire de la référence énergétique vers lequel la France doit se diriger y compris sur la trajectoire pour y parvenir. Une absence de règles contraignantes et en raison également d’une dimension incertaine notamment sur le nucléaire, un projet au final minimaliste.

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A cet effet, le RAC s’est penché sur la présentation du projet de loi de programmation pour un nouveau modèle énergétique français. Décryptage :

• Des objectifs pour 2030 insuffisants

Le fait que le projet de loi fixe un objectif de développement des énergies renouvelables à l’horizon 2030 constitue une avancée qu’il faut souligner. Cependant, son niveau, 32%, est insuffisant (45% sont demandés par les ONG). Il signifie qu’entre 2020 et 2030, le rythme de développement des énergies renouvelables sera moins important que le rythme qu’il est censé atteindre entre aujourd’hui et 2020 pour respecter l’objectif fixé pour la France au niveau européen (23%).

Concernant les réductions de gaz à effet de serre de la France à l’horizon 2030, le projet de loi prévoit un objectif de 40% de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030. Les associations appelaient la France à se montrer plus ambitieuse à travers l’adoption d’un objectif de -45% de ses émissions.

Au niveau européen, la France reste sur sa position de soutien à un seul objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030, contrairement à l’Allemagne qui a récemment pris une position en faveur d’un triple objectif pour le paquet énergie climat de l'Union européenne (3 objectifs efficacité énergétique, renouvelables et réduction des émissions de gaz à effet de serre). Le Portugal, l’Allemagne, la Grèce, le Danemark, la Belgique, le Luxembourg et l’Irlande ont aussi récemment apporté leur soutien à un objectif d’efficacité énergétique contraignant pour 2030. Il est pourtant encore temps de mettre l'Europe sur une trajectoire ambitieuse avant la conférence de l’ONU sur le climat qui aura lieu à Paris en 2015.

• Un grand absent : aucun objectif d’économies d’énergie pour 2030

Le projet de loi reprend l’objectif annoncé par François Hollande de diviser par deux la consommation d’énergie en France à l’horizon 2050. Cependant, aucun objectif d’économies d’énergie n’est fixé à une échéance plus courte, 2030, pourtant déterminante pour orienter les investissements. Il s’agit ici d’une des principales faiblesses du projet de loi. François Hollande avait fixé le cap de la transition énergétique : le développement des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Alors qu’un consensus avait été trouvé sur la nécessité absolue de prioriser les économies d’énergie et l’efficacité énergétique dans le projet de loi, l’absence de fixation d’un cap clair pour 2030 est une lacune évidente. Ne pas donner de cap à moyen terme sur l'efficacité énergétique revient à mettre en péril les nombreux emplois, actuels et potentiels, de ce secteur. Alors que la rénovation énergétique des bâtiments et l'amélioration des processus dans les entreprises pour réduire leur consommation d'énergie permettraient de diminuer les factures énergétiques des particuliers et des entreprises, de réduire le déficit extérieur par la baisse des importations d'énergie et de créer de nombreux emplois non délocalisables, le manque de volonté politique affichée en matière d'efficacité énergétique est totalement incompréhensible.

• Un grand flou : le nucléaire Si le texte de loi entérine bien l’objectif de « porter la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50% à horizon 2025 », les moyens pour y parvenir dans le projet de loi sont plus qu’incertains. Le plafonnement de la puissance nucléaire installée à son niveau actuel, 63,2GW, ne permettra en aucun cas de donner les moyens de fermer des réacteurs nucléaires pour des raisons de politique énergétique. Cela suffira à peine à fermer deux réacteurs de 900MW si l’on ouvre un jour l’EPR (1650MW).

La loi fait donc l’impasse sur l’outil le plus efficace pour « reprendre en main le pilotage de la politique énergétique française », à savoir de fixer un âge limite de fonctionnement pour les réacteurs nucléaires de manière législative. Car les dispositions actuellement prévues dans le projet de loi sont d’une très faible robustesse. Ainsi la PPE, élaborée tous les 5 ans pour 2 fois 5 ans, est dépendante in fine de la volonté d’EDF. L’électricien devra présenter des « plans stratégiques » qui seront soumis à un régime de contrôle qui reste largement à éprouver. Comment dans ce cas donner de la prévisibilité à un secteur dont les orientations structurelles se font sur le temps long ? Comme le rappelait la Cour des Comptes dans son rapport du 29 mai dernier sur la filière nucléaire, ne pas statuer sur la question de la durée de vie des réacteurs revient à créer une situation de fait accompli en faveur d’une extension de cette durée de vie des centrales nucléaires au-delà de 40 ans. Le texte de loi entérine donc cette démarche et maintient le verrou du nucléaire sur la transition énergétique

* UN HAUT NIVEAU DE PERFORMANCE ENERGETIQUE POUR L'ENSEMBLE DES BATIMENTS

Le débat national sur la transition énergétique a acté un consensus sur l'objectif de hisser l'ensemble du parc bâti à un haut niveau de performance énergétique (BBC rénovation ou équivalent) d'ici 2050, tout en respectant les objectifs existants : 500.000 rénovations par an à partir de 2017 et une diminution de la consommation d’énergie primaire du secteur résidentiel de -38% en 2020. Pour ce faire, il faut un financement simple et efficace capable d’entrainer le grand chantier de la rénovation performante, une information claire et indépendante pour les ménages sur les travaux à engager et des artisans capables de mener des travaux de rénovation énergétique ambitieux à coût maitrisé. Le Plan de rénovation énergétique de l'habitat d’avril 2013 a créé la notion de « Point rénovation info service ». Mais, faute de moyens supplémentaires, il s'agit surtout de renommer des organismes existants comme les espaces info énergie à moyens constants. Le système des aides financières existantes aujourd’hui est clairement trop complexe pour impulser une grande vague de rénovations. Il y a trop d’interlocuteurs, trop de critères techniques ou de plafonds de revenus différents. Un autre obstacle est lié au manque de formation des artisans concernant des rénovations énergétiques performantes qui demandent une coordination renforcée entre les différents corps de métiers tout en maitrisant le coût de rénovation énergétique par m2. Ni Feebat ni la notion RGE (Reconnu Garant de l’Environnement) ne représentent des solutions à cette lacune.

Le projet de loi répond de manière partielle à ces enjeux :

Concernant les financements, il est aujourd’hui primordial de faire évoluer progressivement les dispositifs existants vers un instrument unique destiné en priorité aux travaux visant une performance énergétique ambitieuse. Pourtant, un tel dispositif est absent de la loi. La mise en place d'un fonds de garantie porté notamment par la CDC Climat a occupé l’espace de discussion. Il permettra aux banques de proposer des prêts à la rénovation à un taux d’intérêt maitrisé. Mais, pour le moment, aucun critère de performance énergétique n’est associé à ce type de prêts.

Un recul inadmissible a par ailleurs eu lieu concernant la validation du statut du tiers financement. Une version de la loi datant du 14 juin affirmait encore la compatibilité du tiers financement avec les règles du code monétaire et financier. La version finale du projet de loi demande aux sociétés de tiers financement, y compris celles qui sont portées par une Région, une accréditation en tant qu’établissement bancaire qui est difficile à obtenir et souvent incompatible avec les statuts de ces organismes. La deuxième option proposée par le projet de loi crée une dépendance des sociétés de tiers financement à la volonté des banques de s’engager dans des procédures de tiers financement, ce qui est loin d’être acquis.

Ségolène Royal a par ailleurs évoqué lors de sa conférence de presse la mise en place à partir de septembre 2014 et jusqu'àd fin 2015 d’un taux unique de réduction d’impôt pour les travaux énergétiques, établi à 30 % (au lieu des 15% ou 25 % aujourd’hui) pour une seule opération de travaux par rapport au bouquet de travaux demandé jusqu’ici. Cette proposition montre clairement la volonté de gouvernement de « faire du chiffre » au détriment de la performance des rénovations. Le risque est fort de créer un effet d’aubaine qui profite à l’industrie et aux artisans en pesant sur le budget de l’Etat sans permettre d’exploiter pleinement le gisement d’économies d’énergie dans le secteur du bâtiment. Cette proposition risque d’inciter à la réalisation de travaux isolés, en nous éloignant de ce qui est requis pour atteindre le niveau BBC rénovation : niveau obligatoire pour respecter les objectifs climatiques (Facteur 4) et énergétiques (division par 2 des consommations énergétiques) en 2050.

La Ministre a également évoqué lors de sa conférence de presse du 18 juin l’augmentation du nombre d’éco-prêts à taux zéro de 30.000 aujourd’hui à 80.000 via la mise en place de l’éco-conditionnalité (probablement à partir de septembre 2014 pour l’eco-PTZ) afin de décharger les banques de la validation technique des dossiers en dehors de leur domaine de compétence. L’éco-conditionnalité en question consistera à recourir à des artisans RGE pour les travaux. Or, comme indiqué ci-dessus – la notion RGE ne permet pas de garantir une rénovation de qualité ni performante. Cette proposition vise donc avant tout à augmenter de manière chiffrée le nombre de rénovations, mais pas leur qualité.

Seule la fixation d’un objectif chiffré de performance énergétique après travaux conditionnant la totalité des aides existantes aurait permis, in fine, le respect des objectifs de performance des travaux.

Le concept de l’obligation de rénovation demandé par les associations figure dans le projet de loi dans le cadre des travaux très précis :

· Réalisation d’une isolation par l’extérieur lors d’un ravalement de façade;

· Réalisation d’une isolation de la toiture ou des combles lors de la réfection de celle-ci ;

· Réalisation des travaux d’amélioration d’isolations lors de l’aménagement de nouvelles pièces, initialement non destinées à l’habitation.

Cependant les précisions sur le champ et les modalités d’application de cette obligation seront apportées par un décret ultérieur. Il existe un risque réel que l’obligation se résume à effecter une étude des coûts / bénéfices pour ce qui concerne l’isolation du ravalement et l’aménagement de nouvelles pièces.

Autre revirement par rapport à la version du projet de loi du 14 juin. Les bâtiments publics devaient être à énergie positive à partir du 1er janvier 2016. Cette obligation s’est transformée dans la version finale du projet de loi en une simple incitation « toutes les nouvelles constructions sous maitrise d’ouvrage publique font preuve d’exemplarité énergétique et seront, chaque fois que possible, à énergie positive ».

Concernant le financement, la Ministre a annoncé lors de sa conférence de presse, une dotation particulière mise en place par la CDC, abondée par les ressources des livrets A« transition énergétique et croissance verte », pour fournir des prêts bonifiés de long terme aux collectivités. S'il s’agit d’une avancée, l'enjeu principal reste la rénovation du parc tertiaire existant (public et privé) avec 850 millions de mètres carrés (370 millions pour le secteur public et 480 millions pour le secteur privé). La rénovation obligatoire du tertiaire privé est prévue dans la loi Grenelle 2, mais le décret pour sa mise en œuvre est toujours en attente.

Enfin, pour lutter contre la précarité énergétique, jugée prioritaire par tous les acteurs du débat national sur la transition énergétique, un chèque énergie est prévu dans le projet de loi. Mais ni le montant du chèque ni les modalités précises d'attribution ne sont connus. Par ailleurs la lutte contre la précarité passe d'abord par la rénovation énergétique des logements des plus précaires pour laquelle le projet de loi ne propose aucune mesure nouvelle.

* MOBILITE ET TRANSPORTS : MIEUX, MOINS, AUTREMENT

Le grand oublié du projet de loi : des mesures uniquement axées sur le développement des véhicules électriques Le secteur des transports est le premier contributeur aux émissions de gaz à effet de serre en France. Pourtant, il a été le grand oublié du débat national sur la transition énergétique. Là où la grande majorité des Français souhaiterait accéder à un mode de transport alternatif à la voiture (85,5% des personnes sondées par Yougov en mars 2014), le projet de loi du gouvernement fait la part belle au véhicule électrique, dont les dispositions pourraient pénaliser les transports en commun si les véhicules étaient autorisés à circuler sur les voies réservées aux bus (article 10) et causer une hausse de la consommation d’électricité, notamment en période de pointe avec la multiplication des bornes de recharge qui serait encouragée à domicile par un avantage fiscal selon les annonces de Ségolène Royal.

L’objectif de réduction des émissions de GES de la grande distribution reste « volontaire» (article 13). Le projet de loi ne contient pas non plus de mesures concrètes pour favoriser le report modal, que ce soit pour le transport de voyageurs ou de marchandises. Ni les modes actifs comme le vélo ni les transports en commun ne figurent dans le texte du projet de loi, et la lutte contre l’étalement urbain, notamment avec la modulation des aides fiscales au bâti qui avait fait consensus lors du débat, fait grandement défaut.

Même une mesure gratuite et bénéfique tant pour la sécurité routière que les économies d’énergies comme la baisse des limitations des vitesses sur routes et autoroutes, n’aura pas été retenue par le gouvernement.

Un objectif de 10% d’énergie renouvelable dans les transports apparaît dans l’article 2 pour 2020 sans préciser de quels types d’énergie il s’agira. Or, il est probable que ce soient les agrocarburants de première génération qui contribuent le plus à cet objectif étant donné leur avance prise sur le marché par rapport aux autres sources d’énergie, alors même que leurs effets sont particulièrement néfastes d’un point de vue environnemental et social, en France et dans les pays en développement exportateurs. En ce qui concerne les autres sources d’énergies d’origine renouvelable pouvant contribuer à l’atteinte de cet objectif, des gardes fous sont également à préciser et à mettre en place, notamment en ce qui concerne les biocarburants avancés dont la définition exacte ne sera apportée qu’ultérieurement par voie réglementaire.

Concernant la qualité de l'air, le projet de loi sanctionne le défapage (retrait du filtre à particules) d’une amende dissuasive (article 16), mais la prime à la conversion (article 14) censée répondre aux attentes de ménages plutôt modestes est réservée aux véhicules électriques et neufs, ce qui apparaît davantage comme un soutien à la filière que comme une mesure environnementale et sociale pour aider les ménages à sortir du diesel.

Le projet de loi donne l’autorisation aux maires des villes de plus de 100 000 habitants de créer des zones de restriction de circulation (ZCR) pour lutter contre la pollution de l’air (article 14) et au préfet la possibilité de rendre obligatoires les plans de déplacements entreprises (PDE) dans les plans de protection atmosphère (PPA) (article 19). Mais ce dernier dispositif serait tout aussi efficace et nécessaire dans les zones moins denses où la dépendance à la voiture est plus grande. Pour agir sur les déplacements domicile-travail, les PDE devraient donc devenir obligatoires pour les moyennes et grandes entreprises a minima.

Le plan d’action qui doit accompagner le projet de loi sera déterminant pour ce secteur : les résultats de l’appel à projet sur les transports collectifs en site propre n’ont toujours pas été dévoilés en raison de l’absence de recettes qui devaient être tirées de la taxe poids lourds (pollutaxe), nombre de travaux de régénération du réseau ferroviaire sont également en suspens et le maintien des projets d’infrastructures routières et aéroportuaires est contraire à la transition énergétique. Enfin, ce plan d’action devrait, pour nos associations, rendre plus cohérent notre système fiscal qui subventionne trop largement les pollutions : suppression de l’exonération fiscale du kérosène, rattrapage progressif de la taxe diesel sur l’essence, progression de la contribution climat énergie, et bien sûr, la mise en place de la pollutaxe.

* UNE PRODUCTION D'ENERGIE MOINS POLLUANTE, MOINS RISQUEE ET PLUS LOCALE

Un blocage lié au nœud du nucléaire : l'Etat laisse la transition énergétique aux mains d’EDF

Le récent rapport du GIEC rappelle que la production d'énergie doit s'orienter clairement vers les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Pourtant, le système énergétique français est depuis plusieurs décennies verrouillé par une focalisation sur l'électricité et sur sa production majoritairement d'origine nucléaire. Le développement des énergies renouvelables a longtemps été freiné ou erratique.

L’objectif de 32% d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale est largement en deçà de la demande des associations, de 45%. La déclinaison de cet objectif par vecteur énergétique, qui ne figure pas dans le projet de loi mais dans le dossier de presse, peut également être critiquée: 38% de chaleur renouvelable parait peu ambitieux par rapport à l’objectif 2020 (33%) ; l’objectif de production totale d’électricité renouvelable de 40% en 2030 est faible par rapport au niveau du scénario négaWatt de 66%.

Le projet de loi acte le passage de la part du nucléaire dans la production de l’électricité de 75% à 50% en 2025 sans donner d’indication sur l’évolution de la consommation d’électricité et des exportations. Aucune précision n’est apportée concernant le nombre de réacteurs à fermer d’ici là et rien ne témoigne de la volonté d’en fermer effectivement ; seul un plafonnement à la puissance installée aujourd’hui se trouve dans le texte.

Comme évoqué précédemment, le texte ne garantit pas directement, pour le Gouvernement, la possibilité de fermer un réacteur pour raison de politique énergétique et ouvre la voie à une remise en question de la fermeture de Fessenheim en 2016.

Les décisions sont renvoyées à la future PPE mais celle-ci ne garantit pas que des centrales seront effectivement fermées. Le texte relatif aux PPE ne mentionne pas la réduction concrète de la part du nucléaire comme objectif en tant que tel, juste la diversification du mix (ce qui laisse la porte ouverte à une réduction mécanique par la montée en puissance des autres énergies) et ne mentionne pas la sûreté nucléaire parmi les différents volets à prendre en compte. Il n’est pas précisé, par ailleurs, si la PPE devra comporter des objectifs spécifiques sur les capacités nucléaires, ce qui laisse la porte ouverte à ne pas en supprimer. Enfin, les affirmations de la Ministre postulant un « dialogue intelligent et fructueux » avec EDF laissent entendre que le gouvernement n’a rien l’intention de lui imposer.

Le nucléaire n'est pas seulement une question de politique énergétique, mais aussi de sûreté. Les centrales vieillissent : plus de 25 réacteurs ont dépassé la durée de fonctionnement de 30 ans qui avait été initialement annoncée. D'ici 2025, 66% auront atteint ou dépassé les 40 ans, durée au-delà de laquelle l'Autorité de Sûreté Nucléaire ne s’est pas encore prononcée. Or le vieillissement est un phénomène inéluctable. Ne pas impulser de cap volontariste pour fermer dès maintenant des réacteurs, c'est donc non seulement retarder la transition mais aussi continuer à accumuler des déchets et prendre le risque d'un problème grave en France. Par ailleurs, aucune disposition n’est prévue concernant le fait de sécuriser des provisions financières réalistes pour le démantèlement du parc nucléaire comme recommandé par le rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée Nationale sur les coûts de la filière nucléaire.

Quant au développement des énergies renouvelables, la loi prévoit une simplification des procédures via un dossier d’instruction unique afin de raccourcir les délais qui passent entre la demande et la construction (jusqu’à 8 ans pour un parc éolien). Un point positif a trait au doublement du montant du fond chaleur pour la prochaine période de 3 ans (1,2 Md € pour la période de 2009-13). Ce doublement, annoncé par la Ministre lors de sa conférence de presse, ne figure cependant pas dans le projet de loi.

Le projet de loi propose également une solution pour la fin annoncée des tarifs d'achat en 2016 (sauf pour les installations de petite taille) imposée par la Commission européenne qui mettra sans alternative en péril des filières déjà fragilisées. Le système proposé consiste en la mise en place d’un système de rémunération des producteurs au niveau du prix du marché complété par une prime variable appelée complément de rémunération. Les producteurs doivent faire la demande pour accéder au nouveau système. Cette approche (prix du marché + prime variable) existe en Allemagne depuis plusieurs années. Pour nos associations, les deux systèmes - tarifs d'achats et marché + complément de rémunération – doivent coexister en parallèle pendant une certaine période afin de tester l'efficacité d’un système complémentaire aux tarifs d'achat sans faire subir une instabilité supplémentaire à la filière.

Le projet de loi prévoit également que les communes et leurs groupements peuvent participer au capital d’une société anonyme dont l’objet social est la production d’énergies renouvelables sur leur territoire ou participant à l’approvisionnement énergétique de leur territoire. Il propose également que les porteurs de projets d’énergies renouvelables ouvrent une partie de leur capital au financement citoyen afin d’améliorer l’ancrage local des projets. Un décret en Conseil d’Etat fixera la part minimale du capital qui doit être proposée, le périmètre dans lequel doivent résider les habitants et les règles relatives à l’ordre de souscription des collectivités. L’offre de participation peut être prononcée directement auprès de la population concernée ou via des fonds de l’économie sociale et solidaire spécialisés dans l’investissement en capital dans les énergies renouvelables.

Un fléchage des investissements et de la fiscalité vers la transition énergétique qui n'est pas encore au menu de la loi.

La transition énergétique va nécessiter de 20 à 30 milliards d'investissements supplémentaires par an pour les infrastructures de transport, les énergies renouvelables ou encore la rénovation des bâtiments. Si ces investissements auront pour une grande partie d'entre eux une rentabilité de long terme, l'enjeu reste de trouver les flux financiers nécessaires à des taux réduits.

L'idée d'une institution financière de la transition énergétique, dans la lignée de la KfW allemande, permettant d'orienter des grands volumes de financements à des taux bas n’a pas été retenue dans le projet de loi.

* DES OUTILS DE FINANCEMENT POUR INVESTIR DANS L'AVENIR

La transition écologique et énergétique : un défi majeur, un financement balbutiant

Cet enjeu comme le fléchage de l'épargne des livrets A et DD seront discutés lors de la conférence bancaire et financière dont les groupes de travail vont se réunir prochainement. Seul un dispositif a été présenté : la mise en place d’une nouvelle dotation au sein de la CDC de 5 Md€ « transition énergétique et croissance verte » abondée par le livret A et qui permettra le financement via des prêts bonifiés de long durée des projets d’infrastructures de transport collectif des collectivités et la construction de bâtiments publics à énergie positive. Cette dotation ne suffira pas à combler le manque criant de moyens financiers pour les transports, secteur qui plus est absent de l’ordre du jour de la conférence bancaire et financière de la transition énergétique. Tout en réduisant des deux-tiers les recettes de l’écotaxe destinées à l’AFITF et aux collectivités territoriales, le gouvernement est resté muet sur les pistes sérieuses de financement pour les projets de transports en commun, les volets mobilités des Contrat de Projet État Région, et les infrastructures de transports ferroviaires.

La fiscalité écologique qui est un levier indispensable pour donner un signal prix et contribuer au financement de la transition énergétique, est tout simplement absente du projet de loi.

Enfin, le projet de loi reste muet sur la fin des subventions publiques au charbon. Cette dernière s'amorce pourtant au niveau international : restriction du charbon au sein de banques multilatérales de développement comme la Banque mondiale ou la Banque européenne d'investissement, politiques nationales d'arrêt des soutiens publics au charbon de la part des Etats-Unis et de sept pays européens. La transition énergétique ne pourra s'effectuer sans décision d'abandon des énergies fossiles : pour être exemplaire et cohérent dans la politique menée, le Gouvernement devait prendre une décision d’arrêter immédiatement ses soutiens publics au charbon qui s'effectuent via les institutions financières internationales dont elle est membre, via son agence de crédit à l'exportation la Coface et via les entreprises dont elle est actionnaire. A court terme, l'ensemble des subventions publiques aux énergies fossiles doit être redirigé vers le soutien aux secteurs de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables.

* DES TRANSITIONS PROFESSIONNELLES VERS LES EMPLOIS DE DEMAIN

Un enjeu majeur de la transition énergétique qui reste encore à concrétiser au travers de plans d'actions dont certains ont été lancés. La transition énergétique devrait créer plus de 630 000 emplois d'ici à 20301. Anticiper les besoins en formation et les reconversions au sein de chaque bassin d'emplois est une condition essentielle à la réussite de la transition énergétique.

Le projet de loi ne contient pas de disposition dans ce domaine, la plupart des mesures à prendre n'étant pas d'ordre législatif. Des plans d'actions sont lancés en parallèle : Le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNEFOP) a constitué un groupe de travail sur deux axes : proposer une définition des priorités nationales de formation dans les filières principalement concernées par la transition écologique et capitaliser les travaux et les pratiques des régions et des branches professionnelles en matière d’impact de la transition écologique sur les compétences et l’offre de formation.

En parallèle, des outils méthodologiques sont en cours de réalisation pour l'accompagnement des transitions professionnelles des filières industrielles impactées par la transition écologique et l'efficacité énergétique avec la déclinaison territoriale, sur trois territoires : Alsace, Haute Normandie et PACA (passerelles possibles filières /métiers, parcours d'acquisition des compétences, offre de formation professionnelle disponible / nécessaire, dispositifs d’accompagnement portés par les acteurs de terrain de l’emploi, de la formation et de l’orientation).

Il est encore trop tôt pour juger de l'efficacité de ces plans d'actions.

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* UN NOUVEAU ROLE POUR L'ETAT, LES COLLECTIVITES ET LES CITOYENS

Un rôle renforcé pour les intercommunalités mais toujours peu d'ouverture pour que les citoyens participent aux décisions sur les politiques énergétiques.

Les intercommunalités deviennent autorités organisatrices de la transition énergétique : elles deviennent guichet unique pour la rénovation. La réalisation de plans à l'échelle du territoire adéquat est actée : les Plans climat énergie territoriaux (PCET) qui deviendront PCAET en intégrant la question de la qualité de l'air seront réalisés au niveau des bassins de vie, avec des délais allant de 2016 à 2019. Les intercommunalités pourront répondre à un appel à projet Territoires à Energie Positive, sans que l'on sache l'accompagnement que cela constituera. Les autres échelons ne sont pas mentionnés, la mise à jour et le renforcement des SRCAE et la présence des collectivités dans la définition des stratégies bas carbone n'est pas évoqué alors que le projet de loi de décentralisation présenté le même jour en fait le document de planification centrale. La cohérence entre les différentes échelles (européenne, nationale, régionale, locale) restera à établir. En revanche, les collectivités ne devraient toujours pas avoir leur mot à dire quant aux investissements dans les réseaux de distribution d'énergie, laissant à l'appréciation d'entreprises de droit privé les orientations du service public de la distribution d'énergie. Seules des boucles locales d'énergie pourront être expérimentées par les intercommunalités qui le souhaiteront.

Enfin, la création d'un service public régional de l'efficacité énergétique, qui avait été évoquée pour assurer une coordination au niveau des Régions a disparu du projet de loi, ce qui est dommageable pour la mise en œuvre de la transition énergétique dans les territoires.

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