Cautionnement bancaire immobilier : un marché verrouillé par les banques
C’est à travers le résultat d’une enquête d'UFC-Que Choisir sur le cautionnement bancaire immobilier que l’association des consommateurs demande aux pouvoirs publics dans un souci de transparence l’encadrement de ce fonds.
Le cautionnement bancaire d’un crédit immobilier consiste donc, pour un consommateur, à faire appel à une société privée dite « de cautionnement » pour garantir à sa banque, moyennant finance, le bon paiement des mensualités de son crédit. Si jamais ce consommateur venait à ne plus payer ses mensualités, la société de cautionnement se substituerait à celui-ci pour honorer le paiement auprès de la banque. Dans un second temps, cette société pourrait se retourner contre son souscripteur pour récupérer les sommes avancées.
Le cautionnement bancaire est, avec l’hypothèque et le privilège du prêteur de deniers, un des trois types de garanties que la banque peut demander au consommateur avant d’accorder un crédit immobilier. Ce type de garantie est en forte croissance depuis le début des années 2000 : ainsi, entre 2000 et 2012, la part de marché du cautionnement bancaire est passée de 30,3% à 56,3%. Son coût relativement moins élevé que celui des autres types de garanties apparaît cependant rapidement comme secondaire dans la place prépondérante prise par le cautionnement bancaire depuis quelques années. Ajoutons également que ces garanties s’ajoutent à celle de l’assurance emprunteur, bien connue de l’UFC-Que Choisir pour la faible concurrence de son marché.
Une des principales spécificités du marché du cautionnement bancaire est en effet que l’essentiel des acteurs de ce marché sont des filiales des banques, qui orientent ainsi directement les consommateurs vers leurs sociétés de cautionnement. Ce qui explique la place du Crédit Logement (53,9% du marché en 2013), filiale de la plupart des groupes bancaires, et des filiales captives à 100% de chaque banque. Face à cette organisation du marché, où les consommateurs n’ont le choix qu’entre une filiale et une filiale, les cautions des mutuelles de fonctionnaires ne pèsent pas lourd, et sont soumises à des conditions si restrictives qu’elles ne peuvent avoir qu’une place marginale.
Cette absence de possibilité de choix empêche les consommateurs de tirer parti de la grande différence de tarifs qui existe aujourd’hui sur le marché du cautionnement (ex : la CAMCA du Crédit Agricole est 2,5 fois plus chère que le CMH du Crédit Mutuel), pour s’orienter vers l’acteur le moins cher. Cette absence de choix est d’autant plus pénalisante que les sommes en jeu sont importantes : ainsi, entre 2007 et 2013, les organismes de cautionnement bancaire facturaient, en moyenne, 525 millions d’euros par an. Corollaire classique de l’absence de concurrence, les marges du secteur sont extrêmement importantes et s’accompagnent de nombreuses pratiques douteuses allant contre l’intérêt des consommateurs.
Ainsi, le Crédit Logement présente-t-il une rentabilité nette de 45,5%, redistribuée en quasi-intégralité aux banquiers actionnaires, qui s’ajoute au commissionnement de ces mêmes banquiers pour leur rôle de « partenaires ». Une telle rentabilité est permise par leur Fonds Mutuel de Garantie, véritable centre de mutualisation des pertes et des privatisations des profits, puisque les consommateurs doivent placer des montants importants (3,9 milliards d’euros en 2013), qui servent à supporter le coût des défauts et dont les intérêts sont reversés au Crédit Logement et non aux clients...intérêts qui pourraient couvrir le coût de l’ensemble des défaillances. De ce fait, les sommes ne sont que partiellement restituées à la fin du remboursement, et sans aucune transparence sur la méthode de calcul.
La situation est tout à fait comparable chez les filiales « captives », où, la rentabilité faciale moins élevée (environ 20% tout de même) est compensée par un commissionnement élevé des « partenaires » bancaires - plus de 20% - et sans lien avec le travail réellement effectué par les agences bancaires, où de l’aveu même des conseillers, tout est automatisé.
Ce taux élevé de marges chez tous les acteurs du cautionnement bancaire est le signe d’une concurrence défaillante qui pèse sur le portefeuille des consommateurs. L’instauration d’une véritable concurrence permettrait de dégager des économies substantielles : au bas mot, le passage de l’ensemble des consommateurs à la caution bancaire la moins chère permettrait d’économiser 210 millions d’euros en moyenne, soit une réduction de près de 41% de la facture globale... et 560€ d’économies par dossier de crédit. En allant plus loin, et en réduisant marges et commissionnements aux taux connus dans les marchés normalement concurrentiels, l’économie réalisable passerait à 270 millions d’euros par an en moyenne, soit 52% de réduction par rapport aux sommes payées dans les années passées, et 720€ d’économies en moyenne par dossier de crédit !
Face à un tel dysfonctionnement du marché du cautionnement bancaire, et à un réel potentiel de libération du pouvoir d’achat, l’UFC-Que Choisir appelle donc, pour permettre à la concurrence de jouer à plein son rôle, à l’affirmation de la libéralisation de ce marché, et pour mettre fin à l’opacité nuisible pour les consommateurs du fonctionnement des Fonds Mutuels de Garantie, à l’encadrement de ce type de fonds.
Conclusions : un marché créé par les banques à leur bénéfice exclusif, pour un produit sans intérêt pour le client
L’étude révèle ainsi l’ampleur du manque de concurrence du marché du cautionnement bancaire, et la nature très artificielle de ce service : créé par les banques grâce à l’opportunité qu’a constitué pour elles le coût élevé des frais légaux d’hypothèque en France (en Belgique, où l’hypothèque est 4 fois moins chère, cette pratique n’existe pas), ce marché a pu se développer grâce au double pouvoir de prescription des banques. En orientant les clients à la fois vers le cautionnement et vers leurs propres organismes de cautionnement, sans possibilité pour ceux-ci d’aller vers le cautionnement le moins cher, les banques ont pu créer un marché, contrôlé par elles, de plus de 520 millions d’euros.
De plus, l’absence de concurrence a permis à l’ensemble des acteurs du marché d’être très profitables, et de verser à leurs maisons-mères, en toute opacité, soit des commissions d’apporteurs d’affaire sans commune mesure avec le travail réellement réalisé en agences bancaires, soit des dividendes représentant la quasi-totalité de leurs bénéfices. Autant de pratiques qui n’existeraient pas dans un marché réellement concurrentiel, et qui privent les consommateurs d’au moins 210 millions d’euros par an de pouvoir d’achat.
A ces pratiques néfastes s’ajoute une très grande opacité du Fonds Mutuel de Garantie mis en place par le Crédit Logement, principal organisme de cautionnement en France. Ce fonds, présenté comme avantageux pour le consommateur, puisque la majorité des sommes versées lui sont restituées à la fin de son crédit, présente en effet plusieurs caractéristiques qui nous amènent à penser qu’il sert en réalité à privatiser les bénéfices – à l’avantage du Crédit Logement – et à mutualiser les pertes – au détriment des consommateurs. Ainsi, en privant le Fonds des montants colossaux d’intérêts qu’il produit, le Crédit Logement accentue artificiellement les pertes de ce Fonds, et réduit par conséquent les sommes restituées aux consommateurs. De même, l’absence de transparence sur les modalités de fonctionnement de ce fonds et d’automaticité du remboursement des consommateurs en fin de crédit contribuent à entretenir le doute sur l’intérêt du Fonds Mutuel de garantie pour les clients.
Sur le fond, enfin, nous pouvons nous poser la question de l’intérêt réel du cautionnement bancaire pour les consommateurs, cette garantie, non légalement obligatoire mais exigée par les banques pour sécuriser leur prêt.
Or, non seulement le taux de risque est en réalité quasi nul – chez Crédit Logement, il atteint à peine 0,25% en pleine période de crise – mais le client, lui, n’y trouve aucun avantage: qu’il y ait cautionnement ou non, il verra toujours jouer sa responsabilité en cas de défaillance dans le remboursement de son crédit. Le consommateur ne paie donc que pour voir le recouvrement s’effectuer non pas par les services contentieux de la banque, mais par ceux de la société de cautionnement.
A l’inverse, la banque y trouve un double bénéfice : celui de ne pas avoir à payer pour le recouvrement de créances, d’une part, puisque la caution paiera toujours la banque et récupèrera les fonds auprès du client ; et récupérer une grande part des sommes acquittées par les clients, puisque l’organisme de cautionnement reverse, soit par le biais d’un commissionnement surfacturé, soit par le reversement des bénéfices, entre 30 et 50% des montants. C’est bien la banque qui est bénéficiaire de la protection offerte par l’organisme de cautionnement.
Dès lors, il paraît normal que le consommateur ait la liberté de choisir l’organisme présentant le coût le plus faible.
Actions et demandes de l’UFC-Que Choisir pour un marché du cautionnement bancaire réellement concurrentiel et transparent
• Compte tenu des nombreux dysfonctionnements concurrentiels constatés par cette étude sur le marché du cautionnement bancaire, l’UFC-Que Choisir saisit, pour avis, l’Autorité de la Concurrence.
• Parallèlement, afin de permettre aux consommateurs de disposer, au meilleur coût, d’une garantie pour leur crédit immobilier – garantie qui ne bénéficie in fine qu’à l’établissement bancaire prêteur – et pour mettre fin aux pratiques douteuses constatées sur les cautionnements bancaires disposant d’un Fonds Mutuel de Garantie, l’UFC-Que Choisir demande :
* Pour l’ensemble du marché, l’officialisation d’une liberté effective de choix de l’organisme de cautionnement bancaire pour le consommateur, ce qui passe notamment, au-delà d’une information écrite dès la première simulation sur le crédit, par l’interdiction de frais ou de hausse du taux de crédit immobilier en cas de délégation ;
* Pour les organismes de cautionnement disposant d’un Fonds Mutuel de Garantie :
_ La transparence du mode de calcul de la part du Fonds reversée aux consommateurs ayant remboursé leurs crédits ;
_ L’automaticité du reversement, dès la fin de remboursement du crédit, des sommes confiées aux Fonds Mutuels de Garantie par les consommateurs ;
_ La restitution obligatoire et intégrale aux consommateurs, des intérêts produits par les sommes versées aux Fonds Mutuels de Garanties.